Récit n°8

Lundi 14 Avril 2008 : Journée de repos à Bucarest, nuit prolongée, corvées ,visite et shopping.

C’est beau de pédaler, mais que c’est bon de se reposer. Si le cyclotouriste est un homme qui peut se targuer d’être vaillant, il n’en reste pas moins un homme et dans cette catégorie, il s’avère à l’occasion qu’il est un sacré flemmard. C’est mon cas ce matin. Après des étirements prolongés dans mon pucier, l’estomac sonne dix coups pour me rappeler qu’il est neuf heures. Toilettes soignées, pomponnés, petits ¨déj.¨ engloutis, avec les copains, nous partons visiter la Capitale. Je ne dirai pas que c’est une ville magnifique, elle donne une impression de construction désordonnée, faite de rapiéçages. Un ramassis de bâtiments hétéroclites où l’ancien et le moderne se côtoient, suant l’un comme l’autre la pauvreté des pays de l’Est. C’est une ville universitaire très polluée et sans charme qui regroupe deux millions d’habitants. A la suite du terrible tremblement de terre qui causa la mort de centaines de gens, le gigantesque mégalomane, Ceauçescu fit construire autour de l’immense Palais du Peuple, un Centre Civique détruisant ainsi l’âme de la ville en rasant les ruelles les plus anciennes et certainement aussi les plus pittoresques. Le seul bon point que j’attribue, je le donne aux nombreux restaurants qui servent pour pas cher une cuisine de qualité. Un grand moment de la journée est celui de la rencontre programmée des Cyclos de Saint Bonnet le Château/Firminy dans la Loire avec les Cyclos de Piatra Néamt. Cette rencontre préparée par Michel Rougert est un immense succès humain. Les jeunes, comme tous les jeunes fusionnent dès leur premier contact. Quand je dis fusionnent, c’est de cœur et d’esprit que l’osmose s’accomplie. Quel bonheur de voir ces ¨ados¨. qui sans se connaître, se reconnaissent, qui sans parler la même langue se comprennent. Le point d’orgue de cette journée, se situe à l’issue du point presse de l’Agence Roumaine pour le sport et de la F.F.C.T. lors de la remise de 14 vélos offerts par les jeunes Français à leurs nouveaux amis Roumains. Magnifique instant, très émouvant, un grand moment d’humanité.

Mardi 15 Avril 2008 : 28ème étape, Bucarest – Slobozia 131km.

Sur la scène du Châtelet, notre Luis Mariano adoré, pouvait chanter de sa magnifique voix : « J’aime le chant de la pluie dans le vent qui gémit ! » Bien sur sous les ¨sunlights¨ du célèbre théâtre, la pluie ne devait pas être trop cinglante et la température glaciale comme sur cette route qui doit nous mener 131km. plus loin à Slobozia. Et de plus pour nous aider à conserver notre sang-froid, le vent souffle pile dans l’axe contraire à notre progression. Un incident technique sur le tandem de notre groupe noir (c’est le porte-avion de l’escadre que je commande avec un tact inflexible et une compétence qui justifie mon grade.) [Note du Scribe : L’entre parenthèse ne peut être pris en considération, c’est simplement un commentaire dont je suis le seul responsable, n’ayant pas compris, gêné par un bruit de camion l’explication du Pacha sur le tandem porte-avion.] interrompt un instant notre pénible chevauchée prouvant une fois encore qu’à quelque chose malheur est bon. Nous profitons du temps d’arrêt pour siroter un petit noir qui nous réchauffe un chouïa. Une circulation intense et dangereuse n’arrange pas notre moral d’acier malheureusement pas inoxydable. Par moment il y a de petites taches de rouille qui apparaissent dues à l’attention soutenue qu’il faut porter à notre équilibre chaque fois qu’un véhicule nous dépasse en causant un grand déplacement d’air. Nous quittons sans regret cette ville et sa banlieue déprimante. Notre pédalée dans la campagne, si elle est exempte de dangers nous promène dans une plaine triste et morne. Pire que Waterloo ! Enfin la cloche du réfectoire sonne dans nos estomacs creux. Le repas est grandement apprécié, mais sans trop s’attendrir sur le dessert, nous repartons avant que nos muscles ne soient fossilisés. La fin de parcours devient moins désagréable. La pluie cesse et le vent à pitié de nous. Il vient de derrière pour essayer gentiment de sécher notre postérieur, plus trempé que rieur. Arrivés à Slobozia, les chambres mises à notre disposition, ne comportent qu’un seul grand lit, alors comme le dit avec humour notre présentateur de télé Nagui le baratineur : « Les couples se forment !» Noapte buña !!!!! et faites de beaux rêves.

Mercredi 16 Avril 2008 : 29 ème étape, Slobozia – Braïla / 98km.

Hier au soir, constatant le système de literie, quelques participants rouspétaient d’avoir à partager la couche (à deux places) avec un collègue. Mais ce matin, malgré une nuit prolongée par une grasse matinée, aucune plainte n’a été déposée. C’est un heureux présage pour la suite de notre expédition. Je pense que les petits grains de sable qui coincent les rouages viennent du fait que l’âge moyen des participants est assez élevé, les individualismes sont déjà très ancrés. Il est évident que les caractères sont plus affirmés et aussi moins souples qu’à vingt ans. Mais chacun y mettant un peu du sien tout s’arrange, et la vie communautaire prend tout doucement mais inexorablement la priorité sur le petit Ego….ïsme. Il est dix heures dix lorsque nous entamons cette nouvelle journée qui nous promènera encore dans ces étendues sans horizon. Des champs de céréales et seulement des champs de céréales. Une grande satisfaction qui comblerait les ¨Verts¨ de chez nous : l’absence de pollution. Les paysans Roumains ont trouvé et utilisent un système de transport mécanico-animalier à traction chevaline ou asinienne avec châssis et roues d’automobiles. La seule pollution, c’est le crottin : et il est biodégradable. Seules nos bicyclettes auraient à s’en plaindre, mais avec les pluies que nous essuyons, elles restent toujours impeccables. Sans plus de problème, nous entrons dans Braïla où nous sommes reçus par les conseillers départementaux. Devant l’hôtel de ville, il est remis un vélo à m. Sever Cibu maire de Gropéni*, ville jumelle des Ulis dans l’Essonne. Puis nous passons à table avec une légitime hâte. Un silence soudain nous écrase. Que se passe-t-il ? Rien, tout le monde mange. Après le repas, petite promenade digestive d’une dizaine de kilomètres : nous rejoignons notre gîte nocturne. Il était prévu de camper ce soir, c’est dans une nouvelle chambre à 117 places que nous allons passer la nuit. Personne ne râle de ce changement inopiné du aux intempéries. Au contraire tout le monde est unanime pour remercier les organisateurs d’avoir opté pour cette décision et surtout la Municipalité de Braïla et le Conseil Départemental d’avoir instantanément accordé leur autorisation et mis en place rapidement le nécessaire à notre confort.

• *Certifié sans S pour les littéraires.

René Delhom

Mis en ligne dimanche 24 avril 2008

Ci-dessous les précédents épisodes

N°1 - N°2 - N°3 - N°4 - N°5 - N°6 - N°7 - N°8