Récit n°4

Samedi 22 Mars-2008 :7ème étape, Fribourg-Donaueschingen/63km.

" La Forêt Noire était Blanche ‘’ Gilbert Bécaud en aurait fait une chanson. La Météo nous annonçait très mauvais temps et chutes de neige sur les contreforts de la Forêt Noire. Mais en Allemagne, comme souvent chez nous, les Météorologues feraient mieux de regarder par la fenêtre plutôt que de se concentrer uniquement sur leur écran d’ordinateur. Ce matin le ciel est aussi beau qu’à Pau ou presque. Nous optons pour une petite variante. Que c’est beau, nous pédalons dans une vraie carte postale. Pris par la beauté du paysage, nous escaladons le premier col à 1100m. sans nous en apercevoir. Les villages ! Villages de poupées qui ne dépareraient pas dans un long métrage de Walt Disney.
La longue descente ne nous permet quand même pas de nous réchauffer. Quelle est belle cette étape, belle mais glaciale. L’un compensant l’autre, c’est donc doublement heureux que nous arrivons à Donaueschingen. Décrété source du Danube, ce gros bourg, n’est que le confluent des rivières : Breg et Brigach. En fait, il prend sa source à Donauquelle à 1078m. d’altitude. A peine 50 km le séparent de la frontière Française et seulement 100m.de la ligne de partage des eaux du bassin du Rhin à qui il tourne le dos pour aller s’étendre dans la Mer Noire, 2886. Km. plus loin. Sur Donau., que dire d’autre sinon de parler du chaleureux (enfin un peu de chaleur) accueil de monsieur le Maire.
Ah ! J’allais oublier le confort de notre hébergement. Le Baar Centrum, chambre à deux, piscine où nos ostéopathes organisent des séances d’étirements qui nous remettent sur un aplomb rendu quelque peu vacillant par les rudesses du climat. Et voila, demain nous attaquerons la deuxième semaine de cette fabuleuse randonnée. Nous avons parcouru contre vents et giboulées, 720 km. et escaladé 5506m de dénivelée.

Dimanche 23 Mars-2008 : 8ème étape Donaueschingen-Sigmaringen/92 km.

Le confort de l’escale nous a sérieusement ramolli. C’est d’un œil torve que nous regardons derrière les rideaux la tempête de neige qui fait rage. Le petit déjeuner englouti comme si nous pressentions un besoin énorme de calories à accumuler pour tenir la journée, nous nous élanç… , nous patinons sur la chaussée verglacée. Céleste n’en croit pas ses mocassins. Elle n’a jamais connu ce problème. Quand la patte avant part à droite, la patte arrière part à gauche et vice-versa, elle tortille de la selle pour tenir son équilibre, rien à faire. Alors je la déleste de mon encombrante personne, et à côté d’elle, lui parlant d’une voix douce, je la calme. Je la guide doucement en la tenant par les oreilles. Brave Céleste, surmontant sa peur, elle me permet au bout de cinq ou six cents mètres de remonter sur son dos. Il nous est pratiquement impossible de rouler sur la piste cyclable tant elle est verglacée et recouverte d’un mince couche de neige. Nous empruntons en file indienne la chaussée principale. Il n’y a presque pas de circulation, les Allemands en ce Dimanche de Pâques doivent chercher des œufs dans la campagne. Il neige toujours, et les engins de déneigement à notre grand étonnement ne se montrent pas. La raison nous en est donnée un peu plus tard, ces machines ne sont pas spécialement prisées dans le secteur par les écologistes. Malgré quelques glissades impromptues Céleste tient la route, ‘’Més Diù biban ! açi qué péle’’. Il doit faire aux alentours de 0°, le plus dur c’est cette attention soutenue qu’il nous faut garder. A la longue, ça fatigue. Je n’ai pas eu besoin d’un clairon pour rassembler mon groupe noir, ni de longues explications pour exprimer mon idée. A la vue du Gasthaus, mes 21 galapiats ont tout compris. Avec un ensemble digne des Ballets du Bolchoï, ils mettent pied à terre, et nous entrons dans l’auberge boire un chocolat bien chaud. C’est beau le cyclotourisme qui te fait passer en un clin d’œil de l’Enfer au Paradis. Nous entamons la longue descente du Danube. De Tuttlingen à Sigmaringen c’est dans des défilés aux escarpements grandioses où se nichent de nombreux châteaux que nous pédalerons sans effort. Depuis Berbérust, j’ai parcouru 1800Km. Pas d’incident mécanique, pas de crevaison, et la forme aidant, j’ai facilement passé les deux cols qui étaient au programme aujourd’hui. Pédaler, manger, dormir et faire honneur aux réceptions officielles avec spécialités du pays, vins et apéritifs locaux, elle est pas belle la VIE ?

Lundi 24 Mars 2008 : 9ème étap, Sigmaringen-Günzburg /132Km.

Il est 8 heure et le bleu du ciel confirme ma pensée : Ce matin ça va cailler sur la piste. Je ne me trompe pas, dehors le thermomètre annonce -8°. Restons groupés, il parait que l’amitié ça tient chaud, ouais si l’on veut, autour d’un chocolat peut-être, mais sur la route Nein und Nein ! Alors pédalons en suivant le Donau et gardons l’air chaud dans la cagoule.
Nous traversons la jolie petite ville d’Ehingen puis sans problème Ulm où naquit en 1879 Albert Einstein. Tout à coup, un éclair traverse mon cerveau. Entrant par l’oreille gauche, il ressort par la droite en laissant un brouillard confus dans mon crâne. Le brouillard disparaît, je viens de comprendre sa théorie sur la relativité. E= mC². E étant l’énergie d’une masse au repos, elle se libère par mC², c'est-à-dire Mécanique Circulaire au carré. Et Mécanique Circulaire au carré, qu’est ce que c’est ? : une bicyclette ! Et c’est logique puisque en plus et pour preuve, la vitesse v de la bicyclette est infinie, ce n’est qu’une question de rotation de jambes. Si je me trompe, faites le calcul vous-même, vous verrez. Je viens de sortir de la ville quand la voix du copain me fait sursauter : « Oh ! Pacha tu roupilles, » Tiré brutalement de mes pensées je réponds d’un ton bourru : « Un Pacha ça ne dort pas, ça calcule. » Sans dire un mot de plus, je reprends ma souple pédalée en direction de Gûnzburg distant encore de 30 km. Arrivés au terme de l’étape, nous cherchons l’hôtel Mercure sans succès. Pendant une heure, nous baguenaudons le nez en l’air, essayant de repérer l’enseigne tant espérée, point d’hôtel Mercure dans le patelin. Nos accompagnateurs se rendent à la Polizei pour apprendre avec joie et stupéfaction que l’hôtel Mercure avait changé de nom depuis le 15 Mars et qu’il s’appelait maintenant le Golden Tulip. Si l’hôtel ne laisse pas une marque profonde dans nos mémoires, il nous a permis de récupérer d’une étape assez facile, mais très froide. Espérons que le printemps qui a déjà cinq jours de retard nous rattrapera pour nous réchauffer et commencer notre bronzage si particulier.

Mardi 25 Mars2008 : 10ème étape, Günzburg-Ingolstadt/110 Km.

Il parait que les Français sont nuls en géographie. C’est peut-être vrai, mais une chose est sûre, c’est qu’au cours moyen 2ème année, j’ai appris que la capitale du froid se trouve en Sibérie, qu’elle s’appelle Verkhoïansk et que la température y descend à -70° centigrades. Je sais aussi que plus on va vers le Nord-Est, plus on s’en approche et que plus on s’en approche, plus il fait froid. Regarder ma carte de route ce matin me donne des frissons. Point n’est besoin d’être un grand navigateur pour s’apercevoir que la route qui doit nous mener à Ingolstadt prend justement ce cap redouté. Eh bien ! Croyez–moi, mes réminiscences scolaires ajoutées plus mes supputations de ce jour, prouvent que malgré le réchauffement planétaire, les valeurs énoncées il y a cinquante ans sont toujours valables. Pourtant le début dans la plaine Bavaroise nous laisse béats d’admiration devant la beauté de ses paysages. Céleste, se laisse aller en souplesse, n’ayant pas besoin d’utiliser sa puissance, elle reste en vitesse de récupération comme l’on dit aux Chemins de Fer. Moi, tranquille je gamberge, je pense que cette Bavière si belle a nourri dans son sein un énorme nid de frelons. Je songe qu’ici se trouve le berceau de la plus atroce tragédie qu’un homme monstrueux a pu concevoir. Que d’autres hommes l’ont aidé à mettre en route un système de destruction systématique et déclancher une hécatombe que seul un fou sanguinaire pouvait imaginer. Je suis tiré de mes sombres pensées par une bourrasque de neige, qui d’un coup se transforme en véritable tempête. La neige tombe à gros flocons serrés, la visibilité est pratiquement nulle. Céleste qui a pris conscience du précieux fardeau qu’elle transporte ne s’est pas laissée surprendre par la violence du vent. De toute l’adhérence de ses crampons, elle s’accroche à la moindre aspérité de macadam, elle tient bon. Ce n’est pas le cas des tandémistes, offrant plus de prise au vent ils ont beaucoup de mal pour rester sur leur engin. Quand du coin de l’œil je regarde mes copains barbus et moustachus, je me réjouis de mon visage glabre de Général d’Empire. Les pauvres on dirait les Grottes de Bétharam en miniature. Les stalactites pendent de partout. Seuls les yeux bougent encore pour dire leur désarroi. Enfin une auberge au bord de la route, ouvre sa porte en laissant sortir des odeurs tentatrices. En un clin d’œil, tout le monde en a remonté le courant. Chacun se refait une santé suivant sa nature. Les rustiques ‘’churlupent ‘’ une soupe brûlante, les plus ‘’détruits’’ avalent sans reprendre leur souffle un café à réveiller les morts. Puis aussi vite qu’elle est venue, la tempête s’apaise. Nous arrivons sans autre ennui à Ingolstadt. Personne ne s’en plaint. Il y a évidement la réception à la mairie en présence de madame le Maire et du Consul de France. L’auberge de Jeunesse qui nous accueille, est bien comme l’indique son intitulé, de Jeunesse. Il faut être jeune pour y trouver son confort. Mais à la fortune du pot, nous sommes en randonnée organisée, et comme tout ce qui est organisé est critiquable…. Dormons !

Mercredi 26 Mars 2008 : 11ème étape, Ingolstadt-Regensburg.81 Km.

Vous vous êtes certainement aperçus du travail sérieux réalisé par la Fédé pour établir le parcours. Ce n’est pas du boulot ‘’au pif ’’ mais du ‘’bûché’’ réfléchi et calculé. Je ne vous apprends pas que si vous commencez votre périple à la source d’un fleuve, si vous le suivez tout au long de son cours jusqu’au delta, comme lui vous descendez en continu. Mis à part quelques petites exceptions, comme c’est le cas aujourd’hui. Le temps est maussade, il fait un peu plus doux. Quelques flocons papillonnent autour de nous afin de nous rappeler bien inutilement d’ailleurs, car nos souvenirs sont encore sehr frisch, les rudes journées que nous venons de vivre. Très belle étape faite en relative décontraction. Nous sommes parfois applaudis et encouragés par les ‘’indigènes’’ qui ont vu un reportage à la télévision sur notre Croisière Jaune. Donc pas grand-chose à raconter, si ce n’est le confort de notre hébergement et les repas consistants qui nous sont servis. Demain est un autre jour, mais croyez-moi, nous serons au TOP pour l’affronter.

Jeudi 27 Mars 2008 : 12ème étape, Regensburg- Passau.163Km.

Huit heure ! Tous les matins, nous allons à la rencontre du soleil pour essayer de le surprendre au saut du lit. Bernique ! il se lève toujours une heure avant nous, mais en retour nous en profitons le soir en nous couchant une heure avant lui ou en se la racontant un peu plus longtemps après le repas. Cette douzième étape, a été somme toute assez agréable. Un peu rallongée car la traversée du Danube en bac n’a pu se réaliser. Mais comme la température est douce, enfin douce par rapport à celle des journées précédentes, le plaisir de pédaler s’ajoute à celui de pouvoir contempler le paysage sans avoir peur du dérapage. Les églises Bavaroises sont comme les maisons Bretonnes : toutes se ressemblent et aucune n’est pareille, leurs clochers à bulbes mériteraient à eux seuls un beau diaporama. Si Vélocio était avec nous, nous pourrions nous croire au paradis des Cyclos. Arrivés à Degerndorf les ‘’numériques ‘’ crépitent à qui mieux mieux, pour enfermer dans la boîte à souvenirs les splendides maisons Bavaroises. Le Donau est maintenant un grand fleuve que nous suivons tranquillement, jusqu’à Passau où une côte de quelques kilomètres nous rappelle que nous sommes des Cyclos Touristes. Ce qui s’avère exact, puisqu’une partie du groupe passe les rudes pourcentages sur leur bicyclette et les autres, plus touristiquement font du Cycle à main, en admirant plus que de raison le paysage. L’Auberge de Jeunesse qui nous accueille est située comme vous vous en doutez au sommet de la ville. C’est un ancien fort placé comme le demandait les tactiques guerrières de l’époque en position dominante. La vue est splendide, les eaux de l’Inn doublent le débit du Danube, et si nous ne l’avons pas encore vu bleu, nous sommes impressionnés par les nombreux bateaux qui y croisent. Ce soir nous en avons fini avec la traversée de l’Allemagne, demain nous entrerons en Autriche qui s’étale à nos pieds. Eins ! Zwei ! Drei! PROSIT !...... Eins !Zwei ! Drei ! Gute Nacht !.... Eins ! Zwei ! Drei ! Auf wiedersehen Deutschland !!!!

René Delhom

Mis en lignelundi 7 avril 2008-18h15

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