THEATRE-MUSICAL MACHINATIONS Commande de l’Ircam-Centre
Pompidou et du Secrétariat à la culture de la Rhénanie-Westphalie (Allemagne) Composition musicale et mise en scène :
Georges Aperghis Textes : François Regnault et Georges
Aperghis Conception lumière et vidéo :
Daniel Lévy Assistants musicaux :
Olivier Pasquet et Tom Mays Technique
Ircam Interprètes : Sylvie Levesque,
Donatienne Michel-Dansac,
Sylvie Sacoun,
Geneviève Strosser,
voix et Olivier Pasquet,
ordinateur « Machinations : une image
qui se construit très lentement : un jeu d’enfant,
un jeu de Mikado… » « … une encyclopédie, c'est-à-dire une méthode
pratique pour se perdre… » « Les syllabes, ce sont des
personnages. Prendre leur photo, de face et de
profil. Une criminologie des phonèmes… » Georges Aperghis Note d’intention du compositeur
Quatre femmes, quatre voix, quatre manipulatrices
face au public. Assises chacune derrière une table, on ne voit que leur
tête et leurs mains. Au-dessus de chacune d’elles, un écran vidéo. Leurs voix prononcent des phonèmes, ancêtres
de la parole humaine qui se composent peu à peu en contrepoint et forment
selon les différentes mixtures des « langues ». Cette matière informe s’organise parfois en
bribes de discours eux-mêmes affectés par la fragilité humaine qui déteint
sur la parole : balbutiements, bégaiements, asthme, etc. Nous avons donc là un concentré à la fois d’agglomérats
de phonèmes et des diverses manières de les prononcer comme une petite
histoire concise et imaginaire de la naissance des langues et d’affects
qui y sont liés. En même temps, ces quatre interprètes feront
apparaître des objets connus pour avoir accompagné la vie des hommes
depuis toujours (feuilles d’arbres, cailloux, ossements, parties des
mains, doigts, écorces d’arbres, cheveux, sable, coquillages, graines,
plumes, etc). Ces objets posés par elles sur leur table seront captés
par une mini-caméra vidéo, et on les verra sur les écrans qui se trouveront
au-dessus d’elles. Ces objets doivent être comme une concrétisation
des phonèmes, comme si ce qui est prononcé nommait ces objets. Voici pour l’univers qui initialement caractérise
ces quatre femmes. A leurs côtés, un peu plus loin, leur faisant
face, donc de profil pour le public, se tient un homme devant son ordinateur.
Il scrute attentivement le jeu des quatre femmes, et y intervient à
sa façon (manipule leur voix, leur phrasé, accentue tel ou tel paramètre
de leur flux sonore, partant de leurs propres voix, déclenche des tempêtes,
rivalise en virtuosité avec elles, etc). Sur
le plan visuel aussi, il envahit par moments leurs écrans en y injectant
les graphiques des programmes de son ordinateur. Ainsi les phonèmes et objets sonores et visuels
changent de nature, entrent malgré eux dans un discours musical qui
les dépasse. A côté de tout cela,
un discours logique et « scientifique » traverse le spectacle, (passant
par les voix des femmes ou de la « machine » qui parle aussi) :
sorte de traversée des temps, qui commence avec le jeu de dés et,
après diverses étapes, aboutit (en passant par le jeu de l’oie, etc.)
aux programmes de nos ordinateurs d’aujourd’hui. Georges Aperghis Les concepteurs Georges
Aperghis
Georges Aperghis est né à Athènes en 1945. Installé
à Paris dès 1963, il mène depuis une carrière originale et indépendante,
partageant son activité entre l’écriture au sens strict et le théâtre
musical dont il est le représentant le plus actif et le plus fidèle.
Cette exploration scénique débute en 1971, année où il compose La Tragique histoire du nécromancien Hieronimo et de son miroir, pour
le festival d’Avignon. En 1976, il fonde l’Atelier Théâtre Et Musique
(ATEM), implanté à Bagnolet jusqu’en 1991, puis au Théâtre Nanterre-Amandiers.
Avec cette structure, il renouvelle complètement sa pratique de compositeur.
Faisant appel à des musiciens et à des comédiens, ses spectacles avec
l’ATEM sont inspirés du quotidien, de faits sociaux transposés vers
un monde poétique, souvent absurde et satyrique, élaborés au fur et
à mesure des répétitions. Tous les ingrédients (vocaux, instrumentaux,
gestuels, scéniques…) sont traités également et contribuent – en dehors
d’un texte préexistant – à la dramaturgie des spectacles. De 1976 à
1995, on compte plus d’une vingtaine de spectacles signés Georges Aperghis
avec l’ATEM, dont récemment Jojo (1990), Sextuor (1993)
et Commentaires (1996). Parallèlement,
il n’abandonne pas l’écriture de musique de chambre et d’orchestre,
riche de nombreuses œuvres pour des effectifs très variés, et compose
une grande série de pièces pour instruments et pour voix seuls, destinées
à des interprètes qui lui sont proches. Ces œuvres introduisent bien
souvent des aspects théâtraux, parfois purement gestuels, qui affirment
là aussi son souci de la représentation. Complémentaire, l’opéra peut
être considéré chez Georges Aperghis comme une synthèse de ces deux
pôles : ici le texte est l’élément fédérateur et déterminant, la
voix le principal vecteur de l’expression. Son septième opéra, Tristes
tropiques (commande d’Etat), d’après Claude Lévy-Strauss, a été
créé à l’Opéra du Rhin dans le cadre du Festival Musica en 1996. François Regnault Né en 1938 à Paris, François Regnault, ancien élève
de l'Ecole Normale Supérieure d'Ulm, agrégé de philosophie, est maître
de conférence au département de psychanalyse de l’Université de Paris
VIII et professeur au Conservatoire national d’art dramatique de Paris
(diction et poétique). Il travaille comme écrivain, traducteur et collaborateur
artistique dans les domaines du théâtre et de l’opéra avec Patrice Chéreau
(Les Contes d'Hoffmann d'Offenbach, Le Ring de Wagner à Bayreuth de 1976 à
1980) et avec Brigitte Jaques, avec qui il fonde la Compagnie Pandora
en 1976 et co-dirige le Théâtre de la Commune/Pandora, à Aubervilliers
de 1991 à 1997. De 1982 à 1990, il est le collaborateur de Patrice Chéreau
au Théâtre des Amandiers à Nanterre. Il rédige des livrets pour Georges
Aperghis (Je vous dis que je suis mort, opéra d'après
Edgar A. Poe, et Sextuor,
oratorio d'après L'Origine des
Espèces de Darwin) et pour Marc-Olivier Dupin, ainsi que l'argument
du ballet La Mort subite, en collaboration avec Maurice
Béjart. Dernièrement, François Regnault a collaboré avec Brigitte Jaques
pour le Dom Juan de Molière
et traduit pour elle Hedda Gabler
d'Ibsen. Daniel Levy
Daniel Levy étudie à l'Ecole Nationale de Strasbourg
dans la section régie. Depuis 1990, il a signé les lumières des spectacles
de Georges Aperghis : La Baraque
foraine (Strasbourg, 1990), Zwielicht
(Munich, 1990), Machinations
(Ircam, 2000) et, à Nanterre avec l'Atem, H
(1992), Sextuor (1993), Tourbillons (1995), et Commentaires (1996). Il a également travaillé
avec Richard Dubelski (Impasse
à sept voix, Nanterre, 1993), Edith Scob (Où vas-tu Jérémie? de Philippe Minyana, Avignon, 1995), Jean-François
Peyret (Traité de Passions I
et II, Bobigny, 1996 et 1997), Anita Pitchiariny
(Les Hommes de bonne volonté
de Jean-François Caron, 1998 ; Electre
de Hugo von Hoffmansthal, Saint-Denis, 1999), Ingrid von Wantoch Rekowski
(Life On A String, opéra de Qu Xiao Song,
Bruxelles, 1998 ; La Chose effroyable
dans l'oreille de V, Nanterre, 1999), Tomeu Vergès (Salto Mortal, Avignon, 1996 ; Pas
de panique, Le Blancs-Ménil, 1999). Il collabore également, comme
créateur scénique, avec Arthur H et Paris Combo. Dernièrement, il a
participé à la création de Forever
Valley, opéra de Gérard Pesson, mis en scène par Frédéric Fisbach,
à Nanterre, en avril 2000. Les interprètes Sylvie Levesque Sylvie
Levesque est née en 1960 à Paris. Après plusieurs spectacles en France
avec Patrick Melior (Princesse
Brambilla d'après E.T.A Hoffmann, La
Divine Comédie : l'Enfer d'après Dante, Les
Troyennes d'Euripide) et Silvia Malagugini (La Pierre qui chante, Commedia
in commedia), elle est engagée en Italie par Carlo Boso dans la
compagnie du Tag Teatro de Venise où elle interprète le rôle de la servante
dans des spectacles de Commedia dell'Arte. Installée en Italie de 1983
à 1991, elle travaille en France avec Régine Achille-Fould et, en Italie, avec Eugenio Nattino, Marco Guzzardi
et Gaetano Callegaro avant d'être engagé par Leo de Berardinis pour
deux spectacles de teatro di ricercar. De retour en France elle travaille
avec, entre autres, Jean-Luc Revol (Théâtre
de foire, de Lesage), Topor (Ubu
roi), Adriano Sinivia (Phi-phi
de Christiné), Luc Ferrari et Henri Fourrès (La
leçon de composition), Rosine Lefèbvre (Jean
Bête à la foire de Beaumarchais), Laurent Serrano (Il Campiello), Claude Montagné (Les
cancans et Farinades),
Jean-Claude Berutti (A Dimanche
de Myriam Tanant, La Forêt
d'Ostrovsky) et Marie Noëlle Rio (Sainte
Jeanne des abattoirs). Elle travaille régulièrement en Italie avec
notamment Gabriele Vacis et Maurice Bercini. Elle s'intéresse en outre
à la traduction, et à la mise en scène. Elle fut assistante avec Jean-Claude
Berutti, Christian Fregnet et Jacques Lassalle. Donatienne Michel-Dansac Née en 1965, elle commence le violon et le piano à
l’âge de sept ans au Conservatoire de Nantes. Elle entre à la maîtrise
de l’Opéra de Nantes à onze ans et participe, souvent en tant que soliste,
aux diverses productions pendant plus de sept ans. En 1985, elle est
admise à l’unanimité et première nommée au Conservatoire de Paris dans
la classe de Lorraine Nubbar, et y obtient son prix de chant en 1990.
Entre-temps, elle interprète de nombreux rôles en France et à l’étranger
sous la direction, notamment de Manuel Rosenthal, Serge Baudo et David
Robertson. En 1988, elle chante Laborintus
II de Luciano Berio avec l’Ensemble Intercontemporain dirigé par
Pierre Boulez. Depuis, elle collabore avec l’Itinéraire, l’ensemble
Fa, l’Ircam, l’Ensemble Intercontemporain, le London Sinfonietta, l’Orchestre
National de France, l’Orchestre Philharmonique de Radio France, et est
invitée par de nombreux festivals comme Musica à Strasbourg, Milano
Musicale, Ultima à Oslo, Archipel à Genève ou Friches à Marseille. Ne
souhaitant pas se spécialiser dans une époque musicale précise, elle
interprète également le répertoire baroque, romantique et classique
avec l’Orchestre National de France et l’Orchestre de Montpellier. Elle
collabore également avec les opéras de Nantes, Lille, Tours, Montpellier,
le Théâtre du Châtelet, la Comédie Française, le Concertgebouw d’Amsterdam,
le Musikverein de Vienne et le Alice Tully Hall de Londres. Olivier Pasquet Né à Meaux en 1974, Olivier
Pasquet suit des études scientifiques (électronique et informatique).
Il s'est initié en autodidacte à l'écriture puis à l'informatique musicale
et a travaillé dans divers studios d'enregistrement.
En 1996, il poursuit des études de composition à l'Université
de Cambridge où il apprend aussi la composition électroacoustique. Durant
ses études, il organise différentes manifestations et concerts, dont
le Cambridge Digital Art Festival. Il s'est chargé de la diffusion électronique
de pièces électroacoustiques ou mixtes telles Laborintus
II de Luciano Berio, Aulodie
de François-Bernard Mache, EQ
de Jonty Harrison, A Pierre, Dell'Azzuro,
Silenzio, Inquietum de Luigi Nono et
From the Earth de A. Lovett. En février 1999, à la suite d'un stage
de fin d'études, il devient assistant musical à l'Ircam, où il aide
les compositeurs dans la réalisation informatique et électronique de
leurs projets. Sylvie Sacoun
Née en Avignon en l968, Sylvie Sacoun débute ses études
de musique et de danse au Conservatoire National Olivier Messiaen. A
dix-sept ans, elle poursuit son parcours au Conservatoire de région
de Saint-Maur où elle obtient, en 1980, une médaille d’or à l’unanimité.
Elle entre ensuite au Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles pour
une durée de trois ans. En 1994, elle obtient un diplôme supérieur de
flûte et de musique de chambre. La même année, Sylvie Sacoun crée le
Quatuor Alma, ce qui lui permet d’explorer les répertoires les plus
variés allant du classique au contemporain, avec un petit détour par
les tangos argentins… Parallèlement, elle s’intéresse au rapprochement
du texte et de la musique, ce qui la conduit à participer aux ateliers
de théâtre musical du Centre Acanthes (1990) et de l’Atem (1995). C’est
là qu’elle eut la chance de travailler sous la direction de Richard
Dubelski et qu’elle découvrit l’univers musical de Georges Aperghis. Geneviève Strosser
Après des études d'alto à
Strasbourg, Geneviève Strosser est élève de Serge Collot puis de Jean
Sulem au Conservatoire de Paris où elle obtient un premier prix à l'unanimité
en 1992, puis est admise en cycle de perfectionnement. Au cours de master-classes,
elle bénéficie de l'enseignement de Nobuko Imaï, Bruno Giuranna et Franco
Donatoni. Elle joue régulièrement au sein de l'Ensemble Intercontemporain
(direction Pierre Boulez, Peter Eötvös...), du Chamber Orchestra of
Europe (direction Claudio Abbado, Nikolaus Harnoncourt...) et du Klangforum
Wien. Invitée par différents festivals de musique de chambre, elle se
produit également en soliste ou avec orchestre : elle est la dédicataire
du Concerto pour Alto de Stefano Gervasoni (Paris, 1994). Elle a joué
dans la pièce de théâtre musical de Georges Aperghis Commentaires (1996) et a aussi collaboré à CrossWind pour alto et quatre saxophones, créé à Witten en 1998. Elle
est membre de l'Ensemble Modern (Francfort). Extraits de la partition de Machinations
Sans titre 1 Piano
(comme une phrase qui ne parvient pas à se formuler) pleure
et pendant t-il depuis un était c’est enfant pleure il
pleure mon insista il encore et qui c’est pendant encore
était pleure depuis il c’est c’est enfant pendant pleure et
pleure pleure et mon t-il insista pendant un mon et
pleure était maintenant pleure il enfant enfant mon encore depuis
qui un c’est t-il depuis il un pendant pleure depuis
pleure enfant un était insista enfant mon pleure un t-il
pendant maintenant était un maintenant il t-il mon pleure il
qui et c’est un et qui enfance il un était t-il insista il
enfant pendant un insista enfance encore un
t-il insista était mon qui enfance pleure encore pendant un
depuis il pleure et un enfant et il c’est pendant
insista il pleure maintenant pendant il encore c’est mon
qui est enfant t-ul insista un enfance pleure était un un
un mon enfant il pleure maintenant et il t-il un encore enfant enfant
enfance qui était pleure insista depuis mon
un il qui un pleure depuis –il maintenant depuis enfant un
enfance enfant était pleure enfant encore il maintenant il
enfant c’est enfance enfant était il insista depuis maintenant enfance
un depuis qui un il qui un est t-il était un enfant pendant
mon enfance et depuis il pleure encore c’est un enfant qui
pleure maintenant insista-t-il Sans titre 2 Diction
très rapide, accentuer les « fini ». Les
doubles barres indiquent les moments où s’insèrent des extraits de Vaucanson. Fini
par-à-par elle bitue par ni biuer-fin elle a a a fini elle
par fini s’habituer tuer Elle
a a a par fini par fini par par elle fini s’habituer // a ni ell fin s’habituer
fini s’habituer tuer par à // Elle
ni fini fin elle par-à-par fini elle s’habituer fini s’habituer
s’habituer <// par tuer elle a a a Fini
par par à s’habituer elle s’habituer elle s’habituer à part par
fini elle par à tuer fini s’habituer à ni elle fin Par
elle elle a a fini fini par par tuer s’habituer par s’habituer par s’habituer
à elle ni fini // fin à s’habituer Elle
tuer par s’habituer s’habituer ni s’habituer fin elle par à
elle fini-fini a a fini à part-part A
fini-fini tuer fini // à à s’habituer elle ni par fin // elle elle par
à s’habituer // par s’habituer par // A
fin elle fini à tuer fini à s’habituer à part s’habituer fini ni
s’habituer par par elle elle S’habituer
s’habituer // s’habituer ni par fin elle tuer a a fini à
part par-par // elle part à elle fini-fini // S’habituer
à s’habituer elle par a elle fini a part a part fini tuer par
à fin elle s’habituer fini -ni |