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Entretien avec Claude Ortega-Meillon, petite fille d’Alphonse Meillon, à l’initiative des Rencontres Pyrénéennes de Cauterets
Les Rencontres Pyrénéennes de Cauterets (30, 31 mai et 1er juin 2025, au casino de Cauterets) sont un événement incontournable pour les passionnés de montagne, d’histoire et de culture pyrénéenne. Ces rencontres rendent hommage à l’héritage pyrénéiste et à des figures emblématiques comme Alphonse Meillon, le grand-père de Claude Ortega-Meillon à l’initiative de cet événement qui a bien voulu répondre à nos questions.

VOUS ETES LA PETITE FILLE D’ALPHONSE MEILLON, QUE REPRESENTE POUR VOUS CET HERITAGE FAMILIAL ET COMMENT INFLUE-T-IL SUR VOTRE ENGAGEMENT ACTUEL ?
D’abord une question, qui était cet homme ? ? est-ce que vos lecteurs et auditeurs connaissent Alphonse Meillon ? Je vais essayer de le présenter de la manière la plus brève possible :


Alphonse Meillon ( 1862-1933) a été un des personnages-clef de la découverte (XIXème siècle ) et de la connaissance de la montagne pyrénéenne(du XXème siècle.). Il est né à Cauterets au temps des chevaux et des chaises à porteurs. Ces parents avaient créé à Cauterets un Palace 1900, l’hôtel d’Angleterre à la grand époque du thermalisme pyrénéen. Alfred et Albertine Meillon eurent cinq enfants qui travaillèrent tous dans l’entreprise familiale. Alphonse l’ainé fut un hôtelier à Cauterets et à Pau où il dirigea l’hôtel Gassion pendant 40 ans. Le Gassion était le rendez-vous de toutes les têtes couronnées d’Europe et de la colonie Anglaise très importante à cette époque dans cette ville de Pau. Alphonse fut donc hôtelier mais sa passion, c’était la montagne pyrénéenne et particulièrement la montagne cauterésienne de son enfance qu’il va parcourir, étudier et décrire dans ses cartes topographiques et ses livres qui lui sont tous consacrés. Meillon a connu tous les pyrénéistes de son temps, il voulut faire "oeuvre utile" et embrassa en autodidacte toutes les disciplines scientifiques contribuant à la connaissance de la montagne avec un seul but : faire connaître et défendre la vallée de Cauterets. Un monument pour le souvenir de cet homme fut érigé au Pont d’Espagne face au Vignemale sa montagne fétiche au moment de sa mort en 1933. Un pic porte son nom, le chabarrou - sud désormais appelé "Pic Alphonse Meillon", l’école de Cauterets porte son nom ainsi qu’une rue à Tarbes et une rue à Pau. Ses livres font encore référence.
Que représente pour moi cet héritage ? Revenue il y a une douzaine d’année dans mon pays d’origine à Argelès, je me suis donnée un but : faire connaître la vie et l’action de ce pyrénéiste admirable et pas mal tombé dans l’oubli. Seul le milieu pyrénéiste se souvient et grâce à des Amis de la revue "Pyrénées" du château-Fort de Lourdes, j’ai commencé avec eux un travail de redécouverte de cet homme et j’ai proposé à la ville de Cauterets d’organiser des Rencontres autour de son souvenir. Le maire de Cauterets Jean Pierre Florence, un homme de la montagne cauterésienne, m’a soutenue à fond dans ce projet et c’est comme ça que nous en sommes aujourd’hui arrivés à la quatrième année de ces Rencontres. Je suis accompagnée maintenant dans cette recherche par un groupe de valléens très motivés, c’est comme ça que nous avons mis sur pied ensemble le programme de cette année 2025.
Y A-T-IL UNE ANECDOTE SIGNIFICATIVE OU UN SOUVENIR FAMILIAL PARTICULIER QUI ILLUSTRERAIT LA PERSONNALITE OU LES VALEURS DE VOTRE GRAND -PERE ?
« Pour les anecdotes, j’ai du mal à vous répondre, je suis moi-même née en 1940 et mon grand-père est mort en 1933, je ne l’ai donc pas connu. Mon père ne nous parlait pas de son père, c’est comme ça dans les familles, les générations se suivent mais ne se ressemblent pas. Le travail de transmission ne s’est pas bien fait dans la famille et c’est certainement aussi de notre faute, nous n’avons pas su poser les bonnes questions au bon moment, quand les témoins - nos parents surtout- étaient encore vivants. Toutefois je me souviens qu’il y avait un grand respect et une grande admiration manifestés à l’égard de cet homme et de ses qualités : d’abord la modestie toujours, son courage dans ses entreprises montagnardes hasardeuses : les cartes, quel travail obscur et persévérant ! ; sa grande hauteur morale aussi, son engagement auprès des plus faibles, traits révélateurs marqués par le protestantisme social de sa mère Albertine, un homme très sérieux mais très humain navigant dans un milieu certes privilégié mais encore très proche de ses origines modestes de paysans de Monein en Béarn. Il a aimé ses petits copains de village à Cauterets avec qui il parlait patois (la population locale ne parlait pas le français mais le gascon), ses compagnons de chasse de sa jeunesse, ses chers compagnons guides et porteurs en montagne. Les valeurs qui illustrent la personnalité d’Alphonse Meillon : la solidarité : il a créé à Cauterets le "Secours mutuel" pour les guides de Montagne, une caisse d’entraide financière pour aider ces hommes à une époque où la sécurité sociale n’existait pas et qui, paysans de montagne, pratiquaient l’ activité saisonnière précaire et dangereuse de guides. Dans son travail dans le monde de l’hôtellerie, il a été à l’origine de la création des premières écoles hôtelières en France et a fait modifier la loi pour renforcer les droits des apprentis- cuisiniers placés chez des patrons pas toujours très respectueux des droits de leurs apprentis.
LES RENCONTRES ONT ÉVOLUÉ DEPUIS 2022, QUELLE EST LA VISION À LONG TERME DE CET ÉVÈNEMENT ?
"Je suis partie de la vie d’un homme dont je voulais mettre en valeur son oeuvre et ses actions. Rien n’avait été organisé depuis la mort d’Alphonse Meillon à Cauterets en 1933 et dans les Pyrénées on parlait beaucoup de Pyrénéistes qui avaient fait mille fois moins de choses admirables que cet homme. J’ai voulu lui rendre justice : c’est fait et maintenant dans ces Rencontres on parle surtout de la réalité montagnarde Pyrénéenne actuelle, comme cette année le pastoralisme pyrénéen et la faune sauvage : les Rencontres sont devenues un observatoire de la réalité pyrénéenne.
QUELS ONT ÉTÉ LE MOMENTS FORTS DES ÉDITIONS PRÉCÉDENTES ?
Grâce à ces Rencontres, j’ai rencontré des gens formidables qui connaissaient beaucoup plus de choses que moi sur ma propre famille : Bertrand Gibert, un ancien professeur de littérature de la faculté de Toulouse qui a su nous parler de l’ensemble de cette famille qui a marqué l’histoire de Cauterets, notamment mon arrière grand-mère Albertine Meillon (photo) qui était l’âme de cette entreprise familiale à une époque où le travail des femmes n’était pas reconnu à sa juste valeur. Bertrand nous a fait redécouvrir aussi l’année dernière le pyrénéiste EMILIEN FROSSARD, un personnage merveilleux témoin de la découverte des Pyrénées. L’occitaniste Jean-Louis Lavit qui connaissait très bien l’oeuvre sur la langue occitane d’Alphonse Meillon, ses dictionnaires des noms de lieux et d’usage, nous parlera cette année du contexte agropastoral gascon de cette langue parlée à Cauterets et qu’il étudie avec passion.
COMMENT LES RENCONTRES CONTRIBUENT-ELLES A LA TRANSMISSION DU PATRIMOINE PYRENEEN AUPRES DES NOUVELLES GENERATIONS ?
Alors là, j’ai beaucoup de mal à vous répondre, tout est tellement troublé actuellement avec l’obsession d’internet, des réseaux et des portables, de la télé omniprésente auprès des jeunes et des moins jeunes aussi. Espérons que ces journées aideront à la transmission patrimoniale mais malheureusement, le public qui fréquente ce genre de Rencontres est d’un âge respectable, les jeunes sont les grands absents . Pour ma part, j’ai commencé à Cauterets en organisant une petite exposition à l’école primaire qui porte le nom d’Alphonse Meillon, leur faire découvrir qui était cet homme qui avait donné le nom à l’école. Après , grâce au Maire J-P Florence, l’école maternelle a été baptisée du nom du jeune frère d’Alphonse : Alfred Meillon, médecin thermal , maire de Cauterets et conseiller général du département qui, lui aussi a fait beaucoup de choses à Cauterets pour le thermalisme, le tourisme, les sports de montagne ( la course du Vignemale 1906), les premiers concours de ski dans les Pyrénées au Pont d’Espagne , le classement des sites en refusant de détourner les cascades de Cauterets vers la centrale de Pragnères ; l’hospice thermal qu’il a soutenu toute sa vie et qui permettait aux indigents de faire la cure gratuitement, l’invention du Théâtre de la Nature qui eut un succès extraordinaire avec plus de 5000 personnes à certains concerts en plein air. Montrer l’exemple de ces hommes remarquables et qui ont mené de telles actions sont de beaux exemples pour la jeunesse et ne font en tout cas de mal à personne.
QUELLES SONT LES GRANDES ÉVOLUTIONS DU PASTORALISME DANS LES PYRÉNÉES CES DERNIÈRES ANNÉES ?
A part au Pays Basque où le pastoralisme se développe et est très dynamique malgré la pression terrible sur le foncier extrêmement cher dans ce pays basque, malgré les aides à l’agriculture de montagne, l’évolution du pastoralisme dans son ensemble est problématique. Nous sommes dans un pays où les petites exploitations agricoles disparaissent inexorablement avec des regroupements de propriétés donc des propriétés de plus en plus grandes dans les plaines où se pratique une agriculture industrielle chimique et subventionnée. L’aide au secteur bio s’amenuise. Les terres difficiles en pente comme en montagne sont de plus en plus à l’abandon. C’est le cas à Cauterets où il ne reste plus qu’un agriculteur en activité et en difficulté alors qu’il a un magnifique troupeau de vaches blondes d’Aquitaine qui produit une viande bio exceptionnelle mais qu’il n’arrive plus à vendre sur Cauterets car il n’y a plus de vrai boucher dans cette localité, c’est à dire quelqu’un qui va chez l’éleveur choisir ses bêtes sur pied et en commercialise la viande sur place. Actuellement , tout passe par les SICA ou les Grandes Surfaces, le métier de boucher disparait, les abattoirs sont de plus en plus rares et dispersés. Certains éleveurs s’adaptent et organisent la découpe de la viande et la vente sur place chez eux comme Cazaux dans le val d’Azun mais tout le monde n’a pas les capacités d’organiser cette nouvelle forme de travail et de commercialisation. Toutefois des tentatives pour lutter contre la" déprise agricole" existent qui peuvent aider des jeunes à s’installer en montagne, nous en parleront pendant ces Rencontres.
POURQUOI EST-IL IMPORTANT D’ABORDER CETTE THEMATIQUE EN 2025, NOTAMMENT PAR LE PRISME DES ELEVEURS DEVENUS GUIDES DE MONTAGNE ? ( ET NON LE CONTRAIRE)
Les métiers de la montagne : guides, accompagnateurs, gardes-moniteurs , moniteurs de ski , ont permis à des agriculteurs grâce au tourisme et au ski, de s’en sortir et de vivre mieux avec ces deux activités complémentaires ; mais jusqu’à quand avec le réchauffement climatique et la neige de plus en plus rare ?
EN QUOI LES EXPOSITIONS DE CETTE ANNEE APPORTENT-ELLES UN REGARD NOUVEAU SUR LE PASTORALISME ?
Un regard nouveau non mais un regard neuf dans ces Rencontres où jusque là nous n’avions pas abordé ces questions de survie de la montagne pastorale . L’exposition très complète prêtée par le GIP-CRPGE et présentée par sa directrice Florence Hollebecque nous éclairera sur ces enjeux actuels et les éleveurs présents sur des choix possibles.
QUELLE EST LA GRANDE MENACE POUR LE PASTORALIME AUJOURD’HUI ? ET QUELLES SOLUTIONS POURRAIENT ÊTRE MISES EN PLACE ?
Ce sont ces questions que nous aborderons pendant les Rencontres. Les agriculteurs ont beaucoup de mal à vivre de leur activité si ils n’ont que cette corde à leur arc. La société va mal , beaucoup de gens - et de gens qui travaillent pourtant- ont du mal à s’en sortir. Du coup il recherchent pour leur alimentation les prix les plus bas possibles au détriment de la qualité dans les grandes surfaces où sont proposés des produits agricoles de mauvaise qualité à des prix bas venus du monde entier . Du coup, se crée ainsi une concurrence déloyale pour les petites productions de qualité forcément plus chères sur le sol français que les producteurs de poulets industriels importés du Brésil par exemple où les lois sanitaires, écologiques et sociales sont moins rigoureuses que dans notre pays . C’est ce qu’on appelle la "malbouffe " mondialisée avec des conséquences désastreuses sur la santé publique.
COMMENT LES RENCONTRES MEILLON PEUVENT-ELLES CONTRIBUER À UNE MEILLEURE PRISE DE CONSCIENCE SUR CES ENJEUX ?
Soyons modestes, on peut essayer de présenter les enjeux de la manière la plus simple possible pour favoriser une prise se conscience globale des problèmes liés à l’élevage et l’alimentation. C’est ce que nous essaierons de faire dans ces Rencontres 2025.
Mais, nous ne parlerons pas que de cette question du pastoralisme pendant ces journées, c’est un volet de notre réflexion. D’autres intervenants nous parleront de la grandeur des métiers de la montagne, de la faune sauvage magnifique qui vit dans la nature pyrénéenne, de la beauté de ce pays de montagnes encore préservées.
QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS AUX JEUNES GÉNÉRATIONS POUR PRÉSERVER ET VALORISER L’HÉRITAGE PYRÉNEN ?
Les conseils sont souvent présomptueux et "ne font plaisir qu’à ceux qui les donnent" comme dit le dicton. Toutefois, j’oserais dire aux jeunes de défendre leur pays de montagne, qu’elle leur offre des métiers difficiles mais magnifiques, des métiers qui ont un sens, où ils ne seront pas toute la journée enfermés devant un ordinateur et de chiffres. Beaucoup de jeunes surdiplômés débarquent dans ce pays pour redonner un sens à leur vie, encourageons-les, beaucoup échoueront mais certains réussiront certainement dans cette nouvelle vie ici dans nos montagnes.
Recueilli par G.M.
Le dépliant des Rencontres Pyrénéennes 2025
rédaction
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