Les vautours pyrénéens ont-ils perdu la tête ?


Des éleveurs pyrénéens accusent les vautours fauves, une population en expansion, de s'attaquer aux bêtes vivantes.


" Les vautours, il en faut ", admettent les agriculteurs : en mangeant les bêtes mortes, ils évitent la pollution des sources et la transmission des maladies. "Mais ils ont été nourris par l'homme et il y en a trop. On a cassé l'écosystème et les vautours ont changé de comportement depuis", proteste Noël Fourtine, éleveur et maire d'Esterre, déjà en première ligne pour dénoncer la présence de l'ours atypique en pays toy.


Le Parc national des Pyrénées reconaît que depuis le début des années 70, le nombre de vautours nichant dans les Pyrénées a fortement augmenté, passant d'une cinquantaine à 500/600 couples - dont la majorité dans les Pyrénées-Atlantiques et une quarantaine en Hautes-Pyrénées. En Espagne, on est passé en 30 ans de 2 000/3 000 couples à 19 000.


"De moins en moins farouches"


Christian Arthur, chargé de la faune au Parc, explique notamment que cette démographie galopante par l'interdiction depuis 1972 du tir des rapaces et l'arrêt de l'utilisation du poison contre certains animaux (renard, fouine...) consommés par les vautours.
Si le Parc rejette vigoureusement l'hypothèse d'un changement de comportement, il reconnaît que le nombre d'attaques a augmenté mais "elles concernent uniquement des animaux malades ou blessés" . Christian Arthur dit recenser une dizaine de témoignages par an.

" L'animal étant protégé, il est devenu de moins en moins farouche et s'est rapproché de l'homme", souligne de son côté l'Institut patrimonial du Haut Béarn (IPHB).
Contrairement à Christian Arthur, qui estime que les vautours disposent d'un stock de charognes largement suffisant, l'IPHB pointe la raréfaction de la ressource alimentaire.
" Avant, on balançait les carcasses d'animaux morts dans les estives, notamment en Espagne, mais les dernières directives sanitaires européennes ont durci la réglementation : aujourd'hui les carcasses doivent être récupérées" . Donc, les vautours sont en recherche de nourriture.
" Ils sont particulièrement friands des placentas et on a constaté qu'à titre exceptionnel, au moment de la délivrance de l'animal, ils n'attendent plus que le placenta soit expulsé avant de se jeter dessus. Il suffit d'un mauvais coup de bec pour que l'animal se saigne et meure. Il y a même des situations où le veau est menacé, car avec l'excitation les nombreux vautours peuvent très vite menacer les animaux faibles qui sont autour" .
Selon l'IPHB, ces attaques, "qui ne sont pas légion, mais exceptionnelles" , sont "des concours de circonstances " plutôt que de véritables "actes de prédation ".


Une vache tuée par des rapaces


"L'été dernier", témoigne Robert Sagnes, président de la société de chasse de Luz-Saint-Sauveur , "des touristes ont vu la scène" . Une vache avait mis bas normalement. Peu après, des dizaines de vautours ont fondu sur elle. "Les touristes sont parvenus à sauver le veau en l'éloignant, mais les rapaces ont tué la vache", raconte-t-il.
L'IPHB a créé un "Observatoire des dommages aux animaux domestiques" pour quantifier le phénomène et écouter les éleveurs des Pyrénées-Atlantiques "avec attention et sans défiance" . Dans les Hautes-Pyrénées, en revanche, le malaise des éleveurs enfle face à l'absence d'interlocuteurs et au déni du problème.