La gestion de l’office de tourisme passée au crible

Il y a un peu plus de 15 jours, le président de la Chambre Régionale des Comptes de Midi-Pyrénées, Jean-Philippe Vachia, a adressé un courrier à Jean-Pierre Artiganave, maire de Lourdes et président de l’EPIC, l’organisme qui a succédé à l’office de tourisme. Cette missive comprend le rapport d’observations définitives sur la gestion de l’office de tourisme et la chambre régionale des comptes s’est également étonnée qu ‘aucune réponse écrite ne lui a été communiquée dans le délai prévu par la loi !

Ce document sera vraisemblablement évoqué lors de la prochaine séance publique du conseil municipal où un débat devrait suivre sa présentation.

Dans la synthèse des observations, la CRC de Midi-Pyrénées rappelle que depuis 1999, l’office de tourisme perçoit la taxe de séjour, versée par l’industrie hôtelière locale. Une somme conséquente qui a permis au dit office de développer et de diversifier ses actions. Du même coup, les dépenses se sont carrément envolées « sans pour autant, déplore le président Vachia, que soit mise en place une évaluation suffisante des actions engagées ». La Chambre recommande donc au conseil d'administration de l'office « d'engager une réflexion en vue de se doter d'indicateurs fiables lui permettant de mesurer l'efficacité de ses interventions ».

D’autre part, à propos des prestations relatives aux publications, la chambre demande, pour l'avenir, à ce que l'établissement respecte strictement les dispositions du nouveau code des marchés publics issues du décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004.

Historique

Un rappel historique est nécessaire pour mieux comprendre les observations de la CRC Midi-Pyrénées. Ainsi, jusqu’à la fin de l’année 1996 (NDLR. Philippe Douste-Blazy était maire de Lourdes et a démissionné en 2000, remplacé à la fonction de maire par Jean-Pierre Artiganave le 12 février 2000), l’office de tourisme était géré sous une forme associative puis à partir du 1er janvier 1997, une régie municipale à autonomie financière s’occupa de la gestion. Et c’est à compter du 18 août 1998, que fut créé un établissement public doté de l'autonomie financière. La municipalité estimant qu’il s’agissait là de la meilleure formule pour mieux encadrer un service public jugé essentiel au développement de la commune.

Coups de projecteur sur les finances

Lors des années 1997 et 1998, le budget de l’office de tourisme était équilibré grâce à une subvention municipale provenant du budget principal de la commune (2,15 millions de francs en 1997 et 2,44 millions de francs en 1998).

Le budget de fonctionnement multiplié par deux

A partir de 1999, avec la nouvelle structure – l’EPIC - le budget de fonctionnement est multiplié par deux, l’instauration et la mise en recouvrement de la taxe de séjour permettant dorénavant de consacrer au tourisme des ressources plus importantes.
Par contre, dans le même temps, disparaissait et c’est normal la subvention d'exploitation de la ville.

Des recettes internes insignifiantes

Côté recettes, on note une stabilité de 1999 à 2002. La taxe de séjour représente une moyenne annuelle de l’ordre de 4,5 millions de francs. La structure bénéficie aussi de participations non négligeables émanant de l’Etat (emplois jeunes), conseil régional, conseil général et l’Europe : 509 000 F en 1999, 380 000 F en 2000, 298 000 F en 2001 et 387 000 F en 2002. Ces deux recettes cumulées représentent plus de 97% du budget de l’EPIC en 2002. Alors que les recettes internes sont insignifiantes (41 270 F, soit moins de 1% !).

 


 

L’explosion des dépenses de fonctionnement

Là où la Chambre Régionale des Comptes fait la grimace, c’est quand sont abordées les dépenses de fonctionnement. « Une véritable explosion » peut-on lire dans la lettre du président Vachia. A partir de 1999, elles passent de 2,7 millions de francs à 3,8 millions de francs. Nouvelle progression en 2000 : elles atteignent 5,6 millions de francs. Puis légère diminution à partir de 2001.

S’agissant de la progression enregistrée en 1999, la CRC a une explication : elle est, pour partie, imputable à des dépenses relatives à la préparation de manifestations importantes prévues en 2000 à l'occasion du jubilé, et largement sous-traitées à des organismes extérieurs, qui ont fait progresser le poste « rémunérations des intermédiaires et honoraires divers ».

La forte augmentation observée en 2000 correspond aux actions spécifiques liées au jubilé : nuit de la Paix le 13 août 2000, subventionnée à hauteur de 350 000 F par l'office ; arrivée du Tour de France le 14 juillet 2000. Deux manifestations qui ont conduit l'office à lancer des campagnes médiatiques d'envergure dans la presse régionale et les radios nationales.
« Par contre, poursuit la lettre de la CRC, les dépenses des années 2001 et 2002, certes en légère diminution, ne trouvent pas d'explications dans l'organisation de manifestations à caractère exceptionnel. En fait leur caractère élevé tend à devenir structurel, deux postes ayant particulièrement progressé au cours de la période sous contrôle ».

Voici ces deux postes :

- le poste « personnel » qui a plus que doublé en 6 ans (771 650 F en 1997 contre 1 621 840 F en 2002), le nombre d'agents passant, sur la même période, de 6 à 11 du fait de la mise en place d'une antenne d'accueil à l'entrée principale des sanctuaires et de la création d'un service promotion - communication;
- le poste « publication », qui est passé de 230 930 F en 1997 à 557 025 F en 2002. "Même si le montant des dépenses globales annuelles (557 025 F en 2002) est resté inférieur au seuil des marchés sur appel d'offres, alors en vigueur, une mise en compétition plus effective entre les fournisseurs devrait être recherchée".

La Chambre considère donc « qu'il convient d'assurer la maîtrise des dépenses qui doivent être rigoureusement justifiées par l'objet de l'établissement. Dans ce cadre, celui-ci est invité à un effort d'évaluation de l'impact des actions menées dans son domaine de compétence ». En lisant entre les lignes, on devine que la mise en place d’un observatoire est souhaitée. La Chambre ne se satisfait pas que l’on puisse faire état du succès rencontré en termes de retombées économiques, à l'occasion de la nuit de la Paix et de l'arrivée du tour de France, en se basant seulement sur des comptages routiers. « Ce seul élément d'appréciation quantitatif ne paraît pas de nature à rendre compte de l'impact réel de ces manifestations. Au cas particulier, le croisement de ces données avec celles détenues par d'autres acteurs locaux, dans le cadre d'une mise en réseau des informations, apparaît nécessaire pour disposer d'instruments de mesure fiables. »

Ceux-ci doivent contribuer à l'effort d'évaluation mentionné ci-dessus. Et la CRC de relever : « La création d'un observatoire touristique local, prévue en 2004, en liaison avec les observatoires touristiques régionaux et départementaux en vue de collecter et d'analyser d'autres indicateurs (enquête INSEE de fréquentation hôtelière, statistiques des sanctuaires, des musées et d'autres activités touristiques) va dans le sens des préconisations de la chambre, qui prend acte de cette initiative. »


Voilà un sujet d’actualité qui ne va sans doute pas manquer d’alimenter la chronique lourdaise. En tout cas, en révélant cette information, nous avons conscience d’ouvrir un débat. Du côté des hôteliers lourdais, on se plaît à noter que la Chambre Régionale des Comptes va dans le même sens que la profession qui se plaint depuis longtemps de ne pas avoir un retour sur investissements avec la taxe de séjour et l’office de tourisme.

Gérard Merriot