Lourdes
Les évêques se penchent sur la crise des banlieues
et la cohésion sociale en France


Hier en fin d'après-midi, Mgr Olivier de Berranger, évêque de Saint-Denis et Mgr Jean-Luc Bruin, évêque d'Ajaccio, ont tenu un point-presse aux Sanctuaires Notre-Dame de Lourdes où ils tiennent leur assemblée plénière depuis mardi. Ils ont tenu à faire connaître le point de vue de l'épiscopat français sur la crise des banlieues et de la cohésion sociale en France. Ainsi, les évêques de France ont-ils exprimé leur volonté d'agir sur la "grave crise de sens", à laquelle est confrontée la jeunesse française, qui est "angoissée", comme l'ont montré les émeutes de banlieue, en novembre, et la crise actuelle sur le CPE.

"Les jeunes ont besoin de respect"

Lors d'une journée consacrée à la tension actuelle, au deuxième jour de leur assemblée plénière, les évêques ont estimé que la crise actuelle était identique à celle de novembre dernier sous "une autre forme". Se refusant à prendre une position politique, ils ont estimé que les jeunes avaient surtout "besoin de respect".

"En novembre, c'était la jeunesse des cités, des banlieues, en spirale d'échec" qui se révoltait, a souligné Mgr Olivier de Berranger, évêque de Saint-Denis.

"Actuellement, ce sont des étudiants, des lycéens qui sont inquiets. C'est une autre forme d'une grave crise de sens. Notre société d'opulence et d'abondance ne donne pas à ces jeunes, qui ont besoin de respect, la part qui leur revient", a-t-il ajouté.

"Les jeunes ne demandent pas la lune. Ils réclament de la sécurité, pas de l'opulence. Ils expriment leurs souffrances, ne peuvent envisager l'avenir dans la précarité, pour le logement en particulier", a relevé pour sa part Mgr Jean-Luc Brunin, évêque d'Ajaccio, qui animait les débats des évêques avec Mgr de Berranger.

"Il faut dialoguer avec eux, avec cette jeunesse angoissée. L'Eglise est un chemin d'humanité. Il faut aider les chrétiens à passer d'une présence évangélique à une présence évangélisatrice", a-t-il ajouté.

Mgr Brunin s'est inquiété du "nihilisme destructeur" qui s'est exprimé, surtout durant la crise des banlieues.

Entre évêques, "nous avons des sensibilités différentes, mais nous voulons conjuguer nos forces. Il y a en France déchirure, fracture du lien social. L'Eglise contribue, doit contribuer plus encore à créer du lien social", a affirmé Mgr Georges Soubrier, évêque de Nantes.

"Il faut resserrer le lien social. Nous n'avons pas pris position sur le CPE, pour que notre regard ne soit pas susceptible d'être récupéré par les uns et les autres. Il faut que ce pays avance, travaille ensemble, non les uns contre les autres", a-t-il ajouté.

"La question du CPE s'est très vite politisée, et nous l'avons à peine abordée. Sur cette mesure, il n'y a sans doute pas les mêmes appréciations chez tous les évêques", a souligné Mgr Jacques Perrier, évêque de Tarbes et Lourdes.

Dans la matinée, les évêques avaient écouté le sénateur-maire PS de Mulhouse Jean-Marie Bockel.

M. Bockel a indiqué être favorable à une "démarche d'union nationale" après la présidentielle de 2007 pour "maintenir notre modèle social, sans être les malades de l'Europe".

Il a dit regretter l'absence à Lourdes du ministre de la Cohésion sociale Jean-Louis Borloo, qui était également invité. "J'ai de la sympathie et de l'estime pour lui, malgré nos désaccords", a commenté M. Bockel.

Immigration : désaccord avec le projet de Nicolas Sarkozy

A la demande de la conférence des évêques de France, Mgr Claude Schockert, évêque de Belfort-Montbéliard, chargé du comité épiscopal pour l’immigration et Mgr Olivier de Berranger, président de la commission universelle pour l’église, rencontreront à leur demande le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, le 10 avril. "Nous lui dirons notre inquiétude par rapport au projet de loi d’une immigration choisie plutôt qu’une immigration subie, a déclaré Mgr de Berranger. C’est très à la mode en ce moment en Occident de parler de cette manière. Cela nous inquiète parce que cela ne tient pas compte de la réalité même du monde dans lequel nous vivons. Il me semble que c’est de notre devoir d’élever la voix, non pas seulement nous évêques mais nous chrétiens pour dire que nous ne sommes pas d’accord pour que nous prenions aux pays pauvres les cerveaux et les immigrés qui seraient les bons pour laisser les mauvais qui seraient les pauvres et les abandonner finalement à un avenir sans destin".

L'assemblée plénière des évêques s'achève ce vendredi en fin de matinée. Un communiqué sera remis faisant la synthèse des travaux.

(Mis en ligne le vendredi 7 avril à 8h00)