Plaidoyer pour notre Lac

 

Les voix du Seigneur sont impénétrables! C'est ce que l'on m'enseignait au catéchisme lorsque j'étais petit pour m'expliquer l'inexplicable. Cet axiome est toujours resté dans ma tête, il m'a permis à chaque fois de trouver une solution personnelle à mes tracasseries du moment. Et ce qui me tracasse en ce moment c'est cette foutue passerelle sur la tourbière.

 

Donc les voix du Seigneur étant impénétrables, je ne vais pas calculer pourquoi justement le jour où je devais voter contre ce projet, le Seigneur m'a envoyé le virus de la grippe qui m'a terrassé et maintenu dans mes pantoufles pendant deux mois. Je n'ai donc plus le droit de parler en tant que membre de la CEME puisque le vote est passé (12 membres : 5 voix pour, 4 contre et 3 absents grippés). Cela me laisse la luette libre et le droit de parler en tant que Lourdais. Lourdais de naissance et de cœur. Lourdais de naissance, tout le monde ne peut avoir cette chance, cela tient du hasard. Alors, c'est le Lourdais de cœur qui dit NON à la construction d'une passerelle dans notre tourbière.

 

Mais commençons par le commencement et revenons à notre Lac Glaciaire. Il n'y a que les savants ou ceux qui s'en croient pour insister sur cette appellation. Moi je dis que ce Lac est tout simplement Lourdais et que cette qualité, lui suffit amplement. Il est Lourdais de droit naturel et de caractère. Je m'en explique.

Il est Lourdais de droit naturel : NOUS L'AVONS PAYÉ.

Il est Lourdais de caractère      : IL EST INDÉPENDANT.

Tous les hommes de la montagne, qu'ils soient natifs, montagnards escaladeurs ou randonneurs, chasseurs ou pêcheurs, chercheurs de champignons ou bergers d'estives le savent.

Un Lac glaciaire est par définition alimenté par les glaciers qui sont par construction naturelle situés au dessus de lui donc en amont. Le déversoir par obligation se trouve en aval afin de s'écouler vers l'océan. Eh bien, notre Lac à nous, affirme et confirme qu'il est bien Lourdais et indépendant, " Qu'ey birat de cul". Pour ceux qui ne comprennent pas notre langue mayrane, notre langue maternelle Bigourdane, cela veut dire qu'il est tourné de cul, à l'envers. Il prouve ainsi qu'il n'a pas besoin d'apport étranger pour vivre. Ses sources d'Arrouach et des coteaux de Poueyferré tournent le dos à l'Atlantique, alimentent Tourbière et Roselière et enfin, passant sans encombre sous le petit cabanon prostatique à coté de l'embarcadère, notre Lac pisse son trop plein vers les glaciers dont il a su s'exonérer depuis belle lurette. Cela fait des millénaires que notre Lac fonctionne en autonomie complète. Il ne demande qu'une chose: Que ça continue et qu'on lui foute la Paix!

 

Pendant des siècles les Lourdais y ont conservé une faune et une flore qui ailleurs ont disparu. Donc ce n'est pas à eux qu'il faudra expliquer comment s'y prendre pour protéger la nature. Les chasseurs du St. Hubert Lourdais malgré la réduction conséquente d'un territoire de chasse où les bécassines et les bécasses étaient nombreuses, ont eu la sagesse d'en faire une réserve afin de protéger intégralement la nature de ces lieux. Il est certain que si les Lourdais n'avaient pas su garder précieusement cet endroit qui maintenant intéresse tant de monde, ce ne serait qu'une friche qui n'intéresserait plus personne.

 

Croyez-vous que nos parents, nous-mêmes, et nos enfants sommes plus couillons que les marmots à venir. Nous savons tous reconnaitre un moineau d'un pinson ou d'une mésange. Nous savons reconnaitre le doux chant flûté du bouvreuil pivoine. Le plus difficile aujourd'hui, c'est de les voir, ils disparaissent eux aussi.

Nous savons reconnaitre le Machaon, le Paon de Jour, le Citron et la Piéride du chou, le petit paon de nuit et le sphinx tête de mort. Nous savons faire la différence entre le Hanneton, le Lucane cerf-volant ou le Capricorne que nous allions voir dans les chênes du petit Turon de Soum de Lanne. Nous savons que le cerf porte des bois et l'isard des cornes. Nos parents nous ont appris tout cela naturellement comme nous l'avons appris à nos enfants, en allant regarder vivre la nature sans la déranger.

Ceux qui aiment la nature n'ont nul besoin de constructions extravagantes pour en profiter. Un réveille-matin qui sonne fort et de bonne heure, une paire de bottes et des jumelles suffisent grandement. Alors lorsque l'on me dit que cette passerelle doit être construite dans un but pédagogique, j'explose. Règle n°1 enseignée par nos anciens: se déplacer toujours en silence en remontant le vent. Eh oui! C'est la condition essentielle pour ne pas randonner dans un désert.

 

 

Les milliers d'appareils olfactifs toujours en alerte, auront tôt fait de vous détecter et de donner le signal de départ aux ailes et pattes dont ils sont les agents de sécurité. Ce n'est pas un boulevard à direction figée qui peut offrir cette précaution indispensable. A moins que les promoteurs de cette passerelle ne nous aient pas tout dit et qu'ils nous cachent d'avoir pensé l'impensable, c'est-à-dire construire leur déambulatoire en girouette de manière à être toujours dans le bon sens du vent. Comment va réagir notre tourbière blessée par des pieux de 12m plantés dans son épiderme ? Qui va le dire et le certifier en mettant ses mains à couper ? Faudra-t-il attendre de voir les dégâts pour avoir des regrets.

 

Croyez-vous qu'il soit nécessaire de construire une balafre de cette importance dans un milieu ou la nature se maintient naturellement. Croyez-vous qu'il soit indispensable pour apprendre la nature de créer dans un site que l'on veut protéger une passerelle que personne en fin de compte n'entretiendra dans le temps. Elle finira écroulée et pourrira dans la Tourbière y créant une pollution supplémentaire. Tout cela afin d'y drainer deux ou trois fois l'an des groupes d'enfants bruyants dont 90% se foutent pas mal de ce l'on veut leur montrer et qu'ils ne verront sans doute jamais.

 

Prenons par exemple le Fadet des Laîches, qui est le cheval de bataille des nouveaux prétendants à la protection de la tourbière. C'est un petit papillon dont l'émergence a lieu début Juillet alors que tous les enfants sont en vacances. Y aura-t-il des professeurs volontaires pour prolonger leur temps de travail afin de montrer à des mioches qui s'en tamponnent, un papillon qui sera s'ils ont la chance de l'apercevoir, complètement oublié en rentrant à la maison devant les avantages de la Gameboy ou de la Télévision ?

 

Je suis convaincu que l'on doit laisser la nature vivre sa vie. Elle seule connaît ses besoins et elle y pourvoie si l'homme n'y porte entrave. Ce qu'il ne cesse de faire d'ailleurs. Nous pouvons étudier la nature et croire que nous en connaissons tous ses mystères. Sachons surtout rester humbles et reconnaître que les plantes et les animaux quels qu'ils soient, oiseaux, poissons ou mammifères, vertébrés ou invertébrés en savent plus que nous question reproduction ou adaptation aux modifications polluantes et atmosphériques que les hommes, entrepreneurs agricoles ou industriels apportent inconsidérément à notre planète. Même les virus savent s'adapter pour survivre et résister à nos vaccins, pourtant ils n'ont pas notre grosse tête. La Nature prend son temps pour s'adapter, c'est ce qui lui manque le moins. Ayons la sagesse de ne pas lui nuire et elle aura celle de ne pas se venger. C'est nous qui en fin de compte supportons les conséquences de notre "science" en folie et de toutes ses nuisances.

 

En accord avec tous mes amis Lourdais chasseurs, pêcheurs ou ceux nombreux avec qui je fais du "toque-manette" en me promenant dans les rues de Lourdes et qui aiment la Nature, leur Ville et son Patrimoine, j'estime que comme tout un chacun, les papillons et libellules de la Tourbière ont droit au respect de leur mode de vie et ce n'est pas en allant les déranger que nous les protègerons.

 

NOUS DISONS NON A LA PASSERELLE !

 

Nous proposons afin de ne pas passer pour des adeptes d'une protection à outrance réservée à une soi-disant élite, en remplacement de cette monumentale cicatrice, la construction plus discrète et moins onéreuse de deux ou trois petits cabanons périphériques bien camouflés. Les enfants vraiment intéressés y seraient conduits discrètement. Maintenus au silence dans un espace limité, leur attention serait plus concentrée à la vie qui les entoure. Non dérangée la faune n'en serait que plus active et visible. Autre avantage aussi et non négligeable, les poubelles, canettes et papiers gras seraient plus facilement récupérables.

 

Afin que les néo-défenseurs de la nature ne se sentent pas floués par mon avis sur la passerelle et ne plongent dans un désagréable chômage technique, je leur propose en échange un immense chantier à la mesure de leur passion : la protection et la sauvegarde des plaines d'Ossun et de Lanne-Mourine. A l'heure actuelle, elles se couvrent de sarcophages en tôle du plus mauvais effet, et nos jeunes écoliers en balade y verront plus certainement voler l'A.380 que l'A.louette des champs complètement éradiquée sans que personne ne s'en inquiète.

 

Il est bon de savoir que la soumission à Natura 2000 est contractuelle. Renouvelable tous les six ans elle ne peut rien imposer au propriétaire des lieux soumis qui reste maître à tous moments des aménagements à créer, à proscrire ou à détruire.

…et puis en cette période de crise, est-il sage et souhaitable d'investir de l'argent     30.000 €) dans un projet aussi néfaste ? 

Il paraîtrait que le SMDRA est chargé de ce dossier. Comme le Patron de cet organisme est M. le Maire de Lourdes, espérons que la sagesse n'aura pas de mal à retrouver son vrai chemin et que cette catastrophique initiative ne se réalisera pas sur notre Lac.

 

René Delhom     

Mis en ligne mercredi 6 mai 2009