Homélie
du cardinal André Vingt-Trois Messe
concélébrée par les évêques à la grotte des Apparitions Lourdes – 9 novembre 2008
La présence de Dieu dans l’histoire des hommes se manifeste par
des signes. Le Temple de Jérusalem était perçu en Israël comme le signe
majeur de la présence de Dieu à son peuple. La vision d’Ezéchiel déploie
les effets de cette présence de Dieu. L’eau vive qui jaillit du Temple
procure « une nourriture et un remède.» (Ez 47, 12) Elle purifie
et elle donne la fécondité.
Jésus lui-même reconnaît dans cette maison de pierres la « maison
de son Père » (Jn 2, 16), le signe de la présence de Dieu, et le
lieu de la prière qui doit être respecté. Il en chasse les marchands
et leurs trafics. En même temps, il invite ses contradicteurs à passer
du signe à la réalité : la véritable présence de Dieu dans l’humanité,
ce n’est pas un bâtiment de pierres, si prestigieux soit-il. C’est le
Christ lui-même qui est la réalité de la présence de Dieu. Celui qui
va susciter à Dieu des adorateurs « en esprit et en vérité »
(Jn 4, 23) comme il l’a dit à la Samaritaine. Mais le développement de l’œuvre du Christ va plus loin encore.
Après sa résurrection, par le don de son Esprit, sa présence à l’histoire
des hommes va se poursuivre, non pas dans les bâtiments mais dans le
cœur de ceux qui croient en Lui et qui deviennent, selon la belle formule
de Paul aux Corinthiens, le temple de Dieu : « le temple de
Dieu est sacré, et ce temple c’est vous. » (1 Co 3, 17)
Cette nouvelle manifestation de la présence de Dieu au monde
définit en même temps notre dignité et notre mission de disciples du
Christ. Baptisés dans l’Esprit, confirmés par l’onction sainte de la
confirmation, nous sommes devenus ces « temples de Dieu »
(et) l’Esprit de Dieu habite en nous. » (1 Co 3, 16). Nous sommes
conformés au Christ, Prêtre, Prophète et Roi pour témoigner de l’Alliance
nouvelle et définitive scellée dans le sang de l’Agneau. Nous devenons
comme un sacrement de Dieu en ce monde. Ceci définit la dignité des
chrétiens, non pas pour qu’ils s’enorgueillissent d’un mérite qu’ils auraient, mais pour qu’ils
rendent gloire à Dieu et que leur vie soit une continuelle action de
grâce. Cette grâce dont nous avons bénéficié
en raison de l’amour surabondant de Dieu pour les hommes, constitue,
en même temps la mission qui nous est confiée par le Christ lui-même :
devenir les témoins de l‘amour de Dieu pour l’humanité entière. L’Eglise
du Christ, édifiée sur la fondation qu’est Jésus Christ rassemble ces
pierres vivantes que nous sommes devenus en lui (cf 1 P 1, 5). Elle
est constituée par lui comme la demeure de Dieu parmi les hommes, comme
un « signe dressé au milieu des nations » (Is 11, 10)
pour que tous puissent connaître de quel amour chacun est aimé et que
tous puissent répondre à cet amour.
Nous qui sommes les pasteurs de l’Eglise qui est en France, nous
voulons rendre grâce avec vous pour l’œuvre que Dieu accomplit aujourd’hui par son Eglise en notre pays. Nous savons tous
que la fidélité à l’Evangile n’est pas facile tous les jours. Nous savons
combien nous pouvons être tentés de croire que c’est nous qui faisons
l’Eglise, comme si elle était une œuvre humaine.
Mais nous savons aussi qu’une multitude d’hommes et de femmes
laissent la force de l’esprit transformer leur vie et les conduire dans
la louange rendue à Dieu et dans le service de leurs frères. Nous savons
que la vigueur de notre Église, dont nous avons encore eu un signe éclatant
lors de la récente visite du Saint Père à Paris et ici même à Lourdes,
surmonte nos faiblesses et nos timidités pour rendre palpable l’amour
de Dieu dans notre société. 3. Une église en mission C’est la première mission de l’Église.
C’est la nôtre, celle de chacun des membres du corps ecclésial. Aujourd’hui,
en France, être chrétien c’est accepter de devenir un missionnaire de
l’Évangile. Dans notre culture, cette orientation missionnaire est souvent
suspecte, y compris pour certains membres de nos communautés. Elle est
identifiée à une sorte de viol des consciences dont nous nous rendrions
coupables à l’égard de nos semblables, comme si nous avions le désir
et le pouvoir de les forcer à adhérer à la foi par des moyens de pression
psychologique ! Le missionnaire de la foi chrétienne
ne saurait jamais être une sorte de « rabatteur » qui attire
dans son Église par tous les moyens disponibles de la communication
moderne. Telle n’est pas la mission confiée par le Christ. Telle n’est
pas la manière dont les Apôtres l’ont menée à bien. Être missionnaire,
c’est avant tout permettre à la liberté humaine de s’exercer en lui
donnant tout simplement à voir comment la puissance de Dieu peut transformer
les existences humaines. Notre premier témoignage est celui de notre
manière de vivre et de mettre en pratique la Parole de Dieu qui nous
est confiée comme un trésor. C’est la fidélité dans les engagements,
la disponibilité dans le service des autres, et surtout des plus démunis,
c’est la confiance dans la promesse de Dieu, c’est l’endurance dans
les difficultés, c’est la dignité humaine dans l’affrontement de la
souffrance et de la mort. Bref, c’est la vie confiante dans l’amour
du Père qui s’est révélée à nous. Mais cette manière de vivre n’est pas,
en elle-même, une annonce si elle n’est pas associée clairement et directement
à notre intégration dans l’édifice ecclésial dont nous sommes les pierres
vivantes. Nous devons être toujours prêts à « rendre compte de
l’espérance qui est en nous » (1 P 3, 15). Nous ne pouvons laisser
croire que notre manière de vivre, dans l’amour et de l’amour, serait
seulement une sorte d’option personnelle dont les motifs resteraient
cachés et incommunicables. Elle est le fruit de la grâce que nous avons
reçue. Elle nous vient de la foi au Christ ressuscité. Nous pouvons
le dire et nous devons le dire, sans ostentation, sans artifice, mais
aussi sans honte et sans crainte. Frères et Sœurs, Les temps sont favorables. Les hommes
qui nous entourent ont besoin de savoir que la vie humaine n’est pas
une machinerie disponible pour nos inventions, moins encore une marchandise,
et que notre avenir ne dépend pas de la bourse. Ils ont besoin de savoir
qu’ils sont appelés à une aventure extraordinaire : l’aventure
de l’amour fidèle et miséricordieux. Nous qui le savons, nous trouvons
notre joie à partager le trésor que nous avons reçu. Et notre joie,
nul ne pourra nous la ravir, Jésus lui-même l’a promis à ses disciples :
« Je vous dis cela pour que ma
joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn
15,11) |
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Mis
en ligne dimanche 9 novembre 2008-16h00
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