Ours en villégiature : c’est le printemps…
sans avenir durable

Ceux qui pensaient qu’une fois Franska morte, tous les problèmes seraient résolus étaient bien naïfs. Les ours sont toujours là et les conflits persistent et semblent bien se développer plus que jamais. Ours et éleveurs ne baissent pas la garde. Les prédations et l’insécurité sont toujours d’actualité. Le ministère de l’Ecologie ne tient pas ses engagements et nous ignorons toujours le résultat de son évaluation à mi-parcours. En attendant, l’ADDIP rédige sa propre évaluation qui conclura sans doute à une évidence de terrain : la cohabitation est impossible sauf… s’il n’y a plus d’éleveurs et brebis en montagne. De leur côté, les associations environnementalistes organisent, dans le cadre du programme de financement européen Life Coex, un symposium à Luchon pour « théoriser sur une possible coexistence. »

Qu’en est-il de ces ours ?
L’hiver est terminé depuis un petit moment. Le printemps est arrivé avec le soleil et les fleurs dans les prairies. Les brebis commencent à sortir d’un long confinement hivernal dans les bergeries. Mais, dans le même temps, les ours batifolent pour le plus grand plaisir de… qui ?

 L’ourse Hvala, qui a eu deux oursons l’an dernier a passé l’hiver en Haute-Garonne, entre Melles et Boutx, à la limite de l’Ariège (Saint-Lary en Couserans). Elle se trouve actuellement avec sa progéniture au-dessus de l’Hospice de France sur le plateau de Campsaur où elle a fait récemment des dégâts sur environ 8 ovins dont un bélier.

Sarousse a passé une partie de l’hiver sur le Val d’Aran. Elle est venue se rassasier dans le Larboust durant plusieurs semaines et serait depuis lundi dans le secteur de Marignac (Haute-Garonne). Aurait-elle un ourson ? C’est une probabilité qui n’a pas pu être confirmée.

Pour ce qui concerne l’ours Balou, toujours en Ariège, l’équipe de suivi cherche à le capturer pour lui retirer son collier qui le blesse et le rend agressif. « La comédie dure depuis un mois et ils sont incapables de le capturer afin de sécuriser les habitants des villages et les éleveurs qui vont bientôt monter en estive » nous disait ce matin un éleveur ariégeois. Et il rajoutait : « avec tout leur matériel de détection ils en savent moins que nous sur le lieu où il se trouve. Ils sont complètement incompétents. » Il est vrai que nous sommes en droit de nous interroger.

Cette situation montre que :

  • L’équipe de suivi de l’ours semble être d’une efficacité discutable.
  • Les ours d’origine slovène ne sont pas très impressionnés par les traversées de routes et villages. Ils n’ont manifestement pas peur de la présence de l’homme. Quelles dispositions ont été prises pour limiter les risques ? Information ? Protection des villages ? Mise en place de poubelles spéciales ?.....
  • Comme Balou, ils peuvent présenter un danger que l’équipe de suivi est incapable de traiter. Ce risque est essentiellement assumé par les populations de montagne et jamais par les habitants d’Arbas d’où ont été lâchés les ours. N’y a-t-il pas là une situation discriminatoire ?
  • L’ours n’a pas de territoire déterminé. Il se balade sur de grandes distances. Ceci ne rend-il pas stupide l’idée du Ministère de l’Ecologie de déterminer des zones à ours ? Dans les faits, nous constatons que l’ours peut-être partout, sans prévenir, y compris en basse altitude et en plaine. Pourquoi ne pas le reconnaître ? Cela coûterait-il trop cher à la collectivité qui a d’autres priorités ?
  • A quelques jours du symposium Life Coex  organisé par les associations environnementalistes à Luchon, les éleveurs sont « chauffés à blanc » et les risques de débordements évoqués depuis plusieurs jours se font de plus en plus probables. Quelles dispositions ont été prises pour éviter que ce qui est considéré comme « une agression » des éleveurs soit évité ? La réponse sera-t-elle de transformer Luchon en fort Chabrol avec des forces de l’ordre en grand nombre comme lors des lâchers d’ours ? Si oui, n’est-ce pas la preuve qu’une coexistence, malgré tout objet de ce symposium, n’est pas possible ?
  • La cohabitation entre homme et ours n’a jamais existé au cours de l’histoire des Pyrénées. Pourquoi serait-elle une réalité au XXIème siècle ? Quelles garanties pour les populations montagnardes ? Quels intérêts économiques et sociaux de plus qu’au XIXème siècle ?

Voilà quelques questions qui sont, aujourd’hui, sans réponse. Depuis plus de 20 ans nous en sommes toujours au même point avec les mêmes conflits qui pourrissent la vie des vallées empêchant tout le monde d’«avancer» sereinement et assurer ainsi un développement durable des territoires de montagnes.

 Le 30 janvier 1990, à l’occasion d’une conférence de presse, Brice Lalonde, ministre en charge de l’Environnement disait : « J’ai en tout cas une conviction, c’est qu’on ne protégera efficacement l’ours des Pyrénées que si les Pyrénéens en sont d’accord. » Nous connaissons l’évolution qui s’en est suivie en 18 ans.

En 1992, dans les "Carnets de terrain"  sur l’Ours des Pyrénées édité par le Parc National des Pyrénées, Michel Siroir, Directeur Adjoint du PNP écrivait : « Rêver d’une nature déshumanisée aux Pyrénées n’a aucun sens  jusque et y compris dans le Parc National des Pyrénées fort de ses 45 000 ha dont 25 000 d’estives parcourues chaque année par les troupeaux…. Et par deux millions de visiteurs annuels. » (Page 204)

En décembre 2005, Serge Lepeltier, Ministre de l’Ecologie, en visite à Chèze dans les Pays Toy dans les Hautes-Pyrénées disait « il ne s’agit pas de savoir si nous allons réintroduire ou non des ours mais de savoir si on peut le faire. » Quelques semaines plus tard, il a dû estimer qu’il était possible d’introduire de nouveaux ours puisque le 13 janvier 2006 il décide d’en importer 15. Chiffre ramené quelques mois plus tard à 5 par la nouvelle ministre Nelly Olin. Un tel comportement nous laisse à penser qu’il n’y a aucun « fil rouge » scientifique justifiant un nombre déterminé et / ou elle a ressenti une véritable opposition de la part des populations locales. Elle a tout simplement coupé la poire en trois pour ne satisfaire personne comme nous l’avons vu sur le terrain au cours des divers lâchers et la manifestation de Bagnères de Bigorre avec 7 000 manifestants. Etait-ce la preuve d’un accord de la part des Pyrénéens ?

 Un an plus tard, le  19 septembre 2007 à Masseube dans le Gers, Michel Barnier, ministre de l’Agriculture, déclare : "Une chose est certaine, c'est que l'on ne réintroduit pas l'ours contre l'avis des acteurs locaux. On l'a oublié dans cette affaire sensible. Il faut recréer la confiance et surtout les partenariats. En ce sens, ce qu'avait organisé l' IPHB est un exemple de ce que pourrait être le départ de nouvelles orientations avant tout repeuplement " C’est aussi le sens des divers propos tenus dans le cadre du Grenelle de l’Environnement sous la rubrique « Gouvernance écologique ». Dans les faits, il ne s’est rien produit sauf une idée de Groupe National Ours dont personne ne veut parce que ce n’est pas un lieu de concertation des Pyrénéens.

La cohérence scientifique et sociale ? Difficile de l’imaginer.
En 1992, Michel Siroir précisait : « Il faut probablement nourrir artificiellement les derniers ours pour créer des conditions favorables à la restauration d’une population viable… mais aussi et surtout pour que les habitants des vallées assument « leurs » ours. » (Page 2005 des « carnets de terrain »). Il n’a jamais parlé d’introduction ou de renforcement mais d’une pratique qui a fait ses preuves quelques décennies avant de la Slovaquie à… la Slovénie. En 1996, un rapport interne à l’IPHB suite a un voyage d’études dans les pays d’Europe centrale préconisait de ne pas choisir d’ours slovènes parce qu’ils étaient nourris artificiellement. Dans les faits, ce sont ces ours qui ont été choisis par les pouvoirs publics en 1999 et 2005 mais… sans les nourrir. Devons-nous nous étonner qu’il existe des problèmes ?

Non seulement, il n’y a aucune cohérence dans les choix qui sont faits mais de plus l’avis des habitants des Pyrénées n’a jamais été pris au sérieux même dans les rares cas où on le leur demandait. Pourquoi donc continuer à discuter avec un pouvoir central qui décide tout, tout seul ?

 En attendant, les ours continuent leur vie d’ours de prédation en prédation. Jusqu’à quand ? L’histoire, depuis le Moyen Âge, nous a prouvé que ce n’était pas une solution d’avenir durable.

Louis Dollo, le 6 mai 2008

Mis en ligne mercredi 7 mai 2008-19h52