Ours et développement durable :
La solidarité transfrontalière pyrénéenne

 

Si l’ours était un des problèmes abordés samedi à Lès dans le Val d’Aran en Espagne il n’était pas vraiment au cœur du problème. Il n’était qu’un problème. Il ne s’agissait pas de manifester seulement contre mais pour une autre vision de la vie, de la préservation et du développement des territoires de montagne. Une vision différente de celle que veut imposer « quelques écologistes citadins qui décident loin de nos montagnes. »

 

Ce sont quelque 700 personnes (400 selon l’AFP) comptées dans les rues du petit village de montagne qui sont venues exprimer leur colère, sans haine, des décisions prises sans leur avis et qui leurs sont imposées de manière autoritaire depuis 12 ans. Les délégations de toutes les Pyrénées nord et sud, du Pays Basque à la Catalogne ont répondu présent pour signer le manifeste, en fin de matinée, à la mairie, avant de se réunir à proximité de l’église pour un  défilé symbolique des représentants des vallées.

 

Francès Boya, syndic d’Aran, ouvre la journée par ces mots "On est là pour dire à nos administrations qu'on ne veut pas qu'elles prennent de décisions sans nous écouter, loin de nous. On veut être écoutés, on veut participer à la gestion de nos territoires". Le ton est donné. C’est aussi ce que réclament l’ADDIP et les élus pyrénéens français depuis plusieurs années sans pour autant être entendus malgré les belles promesses et autre contorsions oratoires. Bruno Besche Commenge (ADDIP) après avoir remercié le « Val d’Aran  pour la rapidité avec laquelle les échanges se sont faits et la capacité de compréhension des problèmes» donne un sens particulier à cette rencontre en parlant de « respecter les hommes et les femmes des Pyrénées… qui ont fait  des paysages humains. » Ce sont eux qui assurent « des productions de qualité respectueuses du milieu, préservent des races d’élevage adaptées, porteurs d’un savoir faire local…. Il y a contradiction entre le fait de nous imposer des ours et des loups et de vouloir préserver ce lieu. » Il cite le cas dramatique des Asturies avec le loup qui « n’est pas un paradis naturel mais un paradis culturel. »

 

Le manifeste souligne qu’il ne faut pas "Transformer les Pyrénées en un sanctuaire de quelques espèces animales en éradiquant des montagnes bergers et activités humaines est une agression contre toute une culture vieille de milliers d'années qui a contribué à ce qu'un équilibre s'établisse, assurant la biodiversité de la flore". Bruno Besche Commenge insiste sur le fait que depuis des millénaires « le milieu naturel est devenu humain par le travail de l’homme. » Il dénonce avec force « la politique d’ensauvagement de la montagne» et il précise : "On ne veut pas être transformés en Indiens", tout en rappelant que « l’ours n’est pas en danger. Le berger est menacé. » Il veut qu’il soit dit aux gouvernants « STOP. On arrête cette politique. »

 

Si le Président du Conseil Général de l’Ariège, Augustin Bonrepaux, est absent, le maire de Castillon en Couserans le remplace. Pour lui, la situation est claire. Ceux qui proposent l’ours sont « des traitres à la montagne.» Il précise que « si la montagne n’est plus occupée par l’homme, c’est le tourisme qui disparaît. » Et il va plus loin en parlant du Projet de Parc Naturel Régional des Pyrénées Ariégeoises. « Nous avons fait tout ce qui fait la beauté de nos paysages….. Comment accepter un prédateur dans nos montagnes ? » Une interrogation qui en dit long sur la possible (ou impossible) acceptation de loups et d’ours dans le PNR. Il insiste en nous disant que « certains comptent sur notre essoufflement. Si on continue, c’est pour préserver des valeurs qui sont des valeurs humaines. »

 

Sur les panneaux (voir nos photos et la vidéo) portés par les manifestants nous découvrons une nette évolution dans les slogans. Les militants pyrénéens hostiles aux introductions d’ours qui ne sont pas que des éleveurs contrairement à certaines idées reçues, ne parlent pas exclusivement de l’ours. Les valeurs des slogans dépassent largement cet aspect et cette dimension restrictive qui était celle que nous avions l’habitude de voir jusqu’en 2006. Aujourd’hui, les manifestants refusent « l’ensauvagement » des montagnes. Jeunes et moins jeunes dans les rues de Lès sont en parfait accord avec les propos tenus par les différents intervenants de la matinée, français et espagnols, toutes vallées et provinces confondues que résume Francès Boya : "On est là pour dire à nos administrations qu'on ne veut pas qu'elles prennent de décisions sans nous écouter, loin de nous. On veut être écoutés, on veut participer à la gestion de nos territoires. » Pas seulement à l’administration française mais aussi à l’espagnole, l’andorrane et l’Européenne."On ne veut pas être transformés en Indiens" répète inlassablement Bruno Besche. Et dans la foule : "Les Pyrénéens veulent décider", "Ni ours, ni indemnisation, Les Pyrénées vivantes et tranquilles", "Réintroduction de l'ours au bois de Boulogne",…. le ton est donné pour l’avenir, celui des enfants, nombreux à défiler, qui voudraient rester au pays dans une nature préservée qui ne soit ni la savane ni la forêt vierge.

 

Quel avenir ?

Une interrogation qui trouve déjà un catalogue de réponses qui n’a pas été présenté au cours de cette journée. Des idées très concrètes et déjà avancées de part et d’autres de la chaîne des Pyrénées sont « dans les tuyaux ». Des équipes de travail souples et compétentes devraient être mises en place prochainement. « Il faut mener le combat pour quelque chose et toujours positiver » disait-on hors micro. Il est fort probable qu’il nous sera réservé quelques surprises sans pour autant changer d’orientation et de position quant à l’ours « qu’il faut retirer » disait un dirigeant d’association à une radio française. Mais Francès Boya ne se fait pas d’illusion. Du haut du balcon de la mairie de Lès, il dit clairement en aranais : « Le combat sera long et compliqué. »

Rendez-vous le 18 décembre pour le Groupe National Ours à Toulouse.

 

 

 

Le Manifeste des Pyrénées signé dans le Val d’Aran : http://www.pyrenees-pireneus.com/OURS-Manifestation-Val-Aran-2008.htm#2

Le Bilan de l’ADDIP : http://www.pyrenees-pireneus.com/ADDIP-Bilan2008.pdf

La motion pour une montagne vivante et préservée : http://www.pyrenees-pireneus.com/ADDIP-Motion-MontagneVivantePreservee.pdf

 

 
Louis Dollo
Vidéo 1
Vidéo 2
Vidéo 3
Vidéo 4
Images vidéo et Photos ci-dessous Alain BOUCHARD
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Mis en ligne samedi 6 décembre 2008-17h56
Mis en ligne dimanche 7 décembre 2008-9h33