Récit n°25

Samedi 19 Juillet 2008 : 105ème étape, Xi'an-Weinan / 80 km.

Ce Paris- Pékin, je le vois dans ma cinémathèque cérébrale comme une immense fusée de feu d'artifice. De Paris à Xi'an, nous étions la charge propulsive qui à travers quatorze Pays a tracé un trait d'union gigantesque. A Xi'an, la capsule fusante a été rajoutée, et c'est un énorme bouquet multicolore qui va illuminer le trajet Xi'an-Pékin. Tu vas me dire une fois de plus que les soleils successifs des terres traversées m'ont tapé sur la coloquinte. C'est peut-être vrai, car dans un voyage comme celui que nous accomplissons, les images sont de très loin plus nombreuses que les paroles. A vélo, s'il est aisé de regarder, il est plus difficile de parler, surtout quand ça monte. A part quelques boutades, émises par-ci par-là, c'est le silence. Les descriptions et citations pittoresques ne sortent pas du casque. Hier la "bleusaille" que nous appelons les Xi'an est partie. Les nouveaux arrivés feront les mêmes étapes mais avec 24 heures d'avance sur nous. Ce matin c'est à notre tour de prendre la route. Notre groupe est grossi de 100 cyclotouristes chinois. Ils représentent 22 provinces et c'est la première fois qu'une organisation pareille voit le jour en Chine. Nous prenons rendez-vous avec les responsables chinois afin de les aider à mettre en place une structure pour la pratique du cyclotourisme. Sur l'étape elle-même, il n'y aura pas grand-chose à dire. Nous avons emprunté la route menant à l'armée de terre, puis continué dans un paysage sans relief, traversant des villages peu attrayants et des champs de cultures potagères. Tu vois, pas de quoi en faire un fromage. Nous arrivons à quatorze heures pour le pique-nique et vaquons à nos corvées habituelles. Un petit tour au marché, pour se procurer quelques friandises et nous sourions en songeant aux normes draconiennes européennes. Ne parlons que des étals. Comme tables basses, si tu veux plus bas, il faut faire un trou dans la chaussée. Ce sont des linges simplement étendus à même le sol. Le marchand se tient accroupi devant le chaland accroupi. Et voilà, entre eux un tas de légumes et de fruits délicieux que tu nettoies en les essuyant sans-façon sur la manche de ta chemise. On ne soupçonne ni arthrose ni rhumatisme dans leurs genoux pliés à 180°, à croire que l'acupuncture ici fait des merveilles. De 16h. à 18h.30 nous mettons en place une stratégie permettant à nos amis chinois de construire l'ossature d'une Fédération de Cyclotourisme. Ils sauront adapter à la sauce chinoise, les différents ingrédients que notre expérience a pu leur fournir. Nous sommes enchantés de l'écoute et des réactions amicales que déclenchent nos informations. L'espoir fleuri de voir nos deux nations reliées par le CYCLOTOURISME. Du travail en perspective, mais quel immense pas vers la paix des peuples sera alors accompli.

Dimanche 20 Juillet 2008: 106 ème étape, Weinan-Tong'guan / 85 km.

Les paroles s'envolent, mais les photos restent, pour ne jamais oublier ce moment de grande fraternité, nos amis chinois posent en groupe avec nous. Ils sont cent et nous cent vingt, belle photo panoramique! Ils vont pédaler avec nous aujourd'hui, cela va faire de beaux échanges en perspective. Des échanges très très longs, car celui qui explique doit d'abord calculer comment il va expliquer, puis être le plus clair possible en parlant lentement et comme celui qui écoute n'aura pas pigé au premier coup, il faudra recommencer en peaufinant la technique et trouver de nouvelles mimiques plus compréhensives. Hilarant! Et souvent c'est ce qui tue la conversation, le rire au milieu d'un mot mal dit ou mal compris. Les éclats de rire sont souvent beaucoup plus longs que les phrases. Mais opiniâtrement le souffle étant repris, on recommence, le temps passe et les kilomètres défilent. Nous roulons dans un paysage vallonné sans remarquer quoi que ce soit de spécial que nous n'ayons encore vu. Rien de notable jusqu'au moment où nos yeux pleurent et que des picotements dans les sinus nous signalent une nouvelle centrale thermique et des usines métallurgiques qui renvoient dans l'atmosphère une fumée noire polluant toute la région. La chaleur et la difficulté à respirer, ne nous incite pas à augmenter la cadence. Nous voici amorphes, englués dans un brouillard épais, chargé de fumeroles et de particules particulièrement agressives. La Route de la Soie est derrière nous, c'est la route de la… Bof ! Je suis trop ensuqué pour trouver le mot. On verra plus tard pédalons pour nous sortir de "la sortie de l'Enfer". Si l'on veut avancer, faut pas s'arrêter et cette logique prouve encore sa pertinence, puisque à demi-asphyxiés nous arrivons en haut du dernier col. L'air est pur, la rout… celle-là, je l'ai déjà chantée, je pourrais peut-être, je regarde Estoup, il a l'œil chassieux, mais ses grosses pognes posées sur le guidon me figent automatiquement. Je me tais et nous descendons, …Ivres d'air pur, de libertééé… « How! Le pâtre des montagnes, tu as des coliques ? » Une main avec des doigts comme des saucisses de Morteau se pose sur mon épaule. De les reconnaitre, ça me coupe le "chioùlot", le sifflet si tu préfères. La magnifique descente me console, et sitôt arrivé à l'hôtel, je prends une bonne douche et attaque une sieste qui me débarrasse des petits avatars de la journée. Je divague, je rêve d'une "Chine sans usine qui turbine où glycine et aubépine"…Paf ! « C'est pas possible ce mec ! Il chante même en dormant.»

Lundi 21 Juillet 2008: 107 ème étape, Tong'guan-Ruicheng / 60 km.

Il pleut! Prenons le petit déjeuner, on verra après. « Diù biban !! Mais c'est la Mousson. Ça ne pouvait pas tomber sur le Gobi, non! Il faut que ça tombe où il n'y en a pas besoin. Tu vois Pavarotti le résultat de tes vocalises ?» Mon copain n'est pas content. Question chant, à part Los de Nadaù et Momond Duplan, il ne supporte même pas un rossignol. Enfin question cyclo, il n'y a rien à lui reprocher, il supporte tout, même la Mousson. C'est le principal, et nous partons sous l'averse. La route est glissante, le macadam brille comme un drap de satin. D'ailleurs, certains se laissent avoir et s'y allongent lourdement. Comprenant leur erreur, ils se relèvent un peu sonnés mais sans bobos. Le déluge continue et le macadam a disparu. Un chemin de terre sous la pluie, ça devient une bauge, et une bauge de plusieurs kilomètres c'est un piège à cyclos. Les chutes continuent, sans gravité heureusement. Tu aurais vu, les pauvres quand ils se relevaient, placés à côté des soldats en terre cuite, ils n'auraient pas déparé, tu ne voyais pas la différence. Nous retrouvons la route goudronnée. Comme la pluie continue toujours aussi violente, elle nous débarrasse peu à peu de notre carapace fangeuse. C'est trempés mais reconnaissables que nous arrivons de bonne heure à l'hôtel. La douche et le coup de peigne, la chemise à manger de la tarte et le costard trois pièces, nous rendent une allure plus présentable. Nous pouvons sortir dignement visiter un temple taoïste et faire un tour de délassement en ville.

Mardi 22 Juillet 2008: 108 éme étape, Ruicheng-Sanmenxia / 99 km.

Il pleut encore ce matin, le ciel est gris, tellement bas qu'il faut presque baisser la tête pour ne pas accrocher les nuages. Le petit déjeuner à donné à la pluie le temps de s'égoutter. Si elle ne tombe plus elle reste suspendue sur nos têtes, mais enfin, tant qu'elle y reste…Bonne nouvelle, une déviation rallonge l'étape de 25 bornes. Quand on aime la bicyclette, plus on en fait mieux on se porte, et puis au bout de 13.000 km. 25 de plus est-ce que ça compte. Le paysage bosselé, est assez agréable, couvert de cultures et de vergers, asperges et prairies alternent avec les pommeraies, on se croirait par moments en Normandie. Des maisons troglodytes aussi, mais on ne s'y arrête pas car le casse-croûte est prévu un peu plus loin. Entre la curiosité et l'estomac… tu sais, le physique, il faut le soigner en priorité. Chez le cyclo, c'est primordial, sans moral, tu rames, tu avances doucement, mais tu avances. Tandis que si le physique tombe en panne, tu es cuit et bon pour la voiture balai. Un bol de pâtes avec tomates, omelette, délicieuse salade où se mélangent ail et oignon, que veux-tu de mieux pour continuer la route ? … Adieu cigalons et cigales, dans les grands pins, chantez toujours…Je ne chante pas, mais j'écoute le crincrin des cigales. Elles font un boucan d'enfer. Ou elles sont très nombreuses, ou elles sont grosses comme des hirondelles. On ne les voit pas, mais on les entend. « Oh! Estoup, va les faire taire.» Silence radio, le Béarnais rentre la tête dans les épaules, impuissant. Enfin nous arrivons à l'étape. On passe tout au jet, le vélo, les pieds dans les souliers, les guibolles qui sont au dessus, en cinq minutes, tout est clean.

Mercredi 23 Juillet 2008: 109 éme étape, Sanmenxia-Luoyang / 135 Km.

Changement de parcours et d'itinéraire, des difficultés d'hébergement inopinées nous obligent à improviser. Nos copains chinois, surement enchantés de notre balade collective, ont voulu remettre ça. Nous les retrouvons au départ, souriants et affables, heureux de nous offrir leur compagnie. De longues côtes au pourcentage sévère, empêchent d'entamer toute discussion. Nous voici revenus sur la grande route nationale qui doit nous conduire à Luoyang: la G 310. Si nous nous étions régalés sur la Route de la Soie, ici, c'est le cauchemar des cyclos. On pourrait la nommer "Silicose Vallée". Nuit et jour, sept jours par semaine des camions de tous âges et de toutes tailles la sillonnent sans discontinuer. Ils transportent du poussier de charbon afin d'alimenter les centrales thermiques. Alors qu'ils soient pleins ou qu'ils soient vides, même résultat, ils sèment à tout vent leurs poussières agressives. Quand tu pense que 80% de l'énergie électrique sont produits par ces centrales, tu en arrives à souhaiter la propagation des centrales nucléaires, au moins tu as des chances de mourir plus vite. Lorsque nous sommes arrivés à l'hôtel, le directeur à du croire au débarquement d'une pub. pour Banania. Nous n'avions que les dents et le tour des yeux blancs. Ne manquait que la chéchia. Heureusement que l'hôtel assez luxueux, nous a donné la possibilité de recouvrer notre vrai nature. Autant les travaux d'aménagement dans les territoires éloignés de Pékin, nous avaient étonnés par leur ampleur et leur technicité, autant nous sommes atterrés par le laisser-aller qui tolère une pareille pollution. Cette atmosphère malsaine nous met tous mal à l'aise et gâche en partie le plaisir que nous avions de randonner en Chine. Nous avons tout subi sans récrimination, avec un fatalisme infini. Mais, pédaler avec un masque sur le visage, nous ne l'avions jamais envisagé.

Jeudi 24 Juillet 2008 : 110 ème étape, Luoyang-Jiyuan / 70 Km.

Si nous regrettons de quitter l'hôtel, c'est avec un gros soupir de soulagement que nous nous éloignons de cette ville, qui a du être vivable puisque chaque printemps on y célèbre la Fête de la Pivoine. Je me demande comment de si belles fleurs peuvent s'épanouir dans cet air empoisonné. Comment cette fleur aux vives couleurs peut se parer de façon si éclatante dans cette grisaille. Mystère de la nature, je ne prendrai pas la peine de l'étudier. Je pédale, je cherche de l'air, du bon air. Une frousse de plus en plus stressante me saisit. Cette brume opaque qui nous empêche de voir le ciel m'oppresse. Sous le beau ciel des belles Pyrénées… Beth ceù de Paù… Ciel du midi, ciel enchanteur c'est là… Toutes les chansons de notre folklore Pyrénéen, passent en boucle dans ma tête, me laissant entrevoir "la machine ronde" entourée de ciel bleu. Çà relève mon moral. C'est vrai, cette pollution me donne une impression de fin de monde. Nous avons retrouvé la vallée du Fleuve Jaune et le plafond s'est quelque peu levé. La vallée est riche, toujours nourrie par le limon du fleuve déposé lors de ses crues dévastatrices. Sais-tu que chaque mètre cube d'eau en période d'inondation, charrie plus de 37 kilos de sédiments. Énorme! Ses alluvions par millions de tonnes ont au cours des siècles considérablement agrandi le territoire chinois. Des usines alimentent cette affligeante atmosphère de leurs sinistres panaches noirs. Ici nous longeons une mine de charbon à ciel ouvert. Fermons les yeux la bouche et les narines. Passons!
Fin de l'étape, toujours dans un brouillard jaunâtre déprimant.

Vendredi 25 Juillet 2008: Journée des repos à Jiyuan

J'avais un besoin vital de m'arrêter pour faire le point. Dans ma chambre où le brouillard n'est pas entré, j'y vois plus clair. Je me calme et relativise ce problème qui hier m'a complètement déstabilisé. Nous sommes dans une région industrielle où tout fonctionne encore au charbon. J'imagine le Nord de la France et la Lorraine il y a cent cinquante ans, ce ne devais pas être mieux. Alors ! … Bon laissons là nos rêves et nos cauchemars. Passons à la lessive, gros travail en perspective. Ouf! Fait. Ã moi maintenant, toilette décapante longue, relaxante, assoupissante… Allez hop! Rinçage abondant, revivifiant, énergisant je suis tout neuf. Physique et moral. A ton tour Céleste, à la douche, et on nettoie tous les recoins. La chaîne, surtout la chaîne et le dérailleur. Bien graisser hé !ne pas être chiche sur la graisse et sur l'huile. « Là ! Hère plâ, très bien, tu es aussi belle qu'au départ. On s'en est payé une sacré balade, hein ma belle.» Céleste clignote des deux phares pour me dire tout son bonheur. Un petit déjeuner rapidement exécuté, et je suis prêt pour…« Alain! Il y a réunion des sachems, dans un quart d'heure.» Ah! Bon. Un car où je comptais bien me faufiler, file sans moi. Tant pis, le boulot avant tout. Les copains me raconteront, ils sont partis avec les accompagnatrices visiter les environs. Rassemblement des têtes pensantes, pour organiser les cérémonies qui doivent clôturer cet immense exploit que vient de réaliser la Fédération Française de Cyclotourisme. Penser, organiser et accomplir la liaison à bicyclette Paris-Pékin. La Tête et les Jambes ! Une réalisation d'amoureux de la petite reine, sans autre moyen que la volonté des Jambes de faire ce que la Tête à décidé. Monumentale organisation qu'un groupe de bénévoles acharnés à atteindre le but a mis en place. Monumentale randonnée qu'un groupe d'amateurs tenaces et indestructibles ont réussie. Monumentale performance d'un groupe d'accompagnateurs astreints à toutes les besognes et à résoudre tous les problèmes de la caravane. Monumentale croisière reliant la Tour Eiffel, monument le plus connu du Monde à la Grande Muraille de Chine, monument le plus gigantesque du Monde. Allons organiser ces réceptions et qu'elles soient à la dimension de notre épopée.

Samedi 26 Juillet 2008: 111 ème étape, Jiyuan- Xinxiang / 130km.

Je ne veux pas te lasser en racontant cette longue promenade sur une route plate et rectiligne bordée de champs de maïs à perte de vue. Nous avons roulé bien groupés, à la bonne allure que donne l'entraînement. Au départ, le résultat de notre réunion d'hier a été longuement expliqué par notre chef d'expédition. La revue de détail aussi sévère que pendant nos classes lors du service militaire, sera faite lors de chaque réception. Donc tenue vestimentaire impeccable, bicyclettes telles qu'elles sont sorties du magasin, et véhicules idem y compris les pneus lavés comme pour un 14 Juillet aux Champs-Elysées. Au moindre manquement, vous rentrez à pied compris ? O.K. ! Tiens en parlant de Champs-Élysées, nous croisons une copie conforme de notre tour Eiffel. Cent mètres de haut quand même, ça nous met la larme à l'œil. Miracle, est-ce la larme qui a lavé nos yeux empoussiérés, mais le ciel devient bleu tout à coup. Plus de pollution, et sur le bord de la route, des marchands de fruits nous proposent de succulentes pêches à 20centimes le kilo. Délicieuse fin d'étape dans un hôtel bien étoilé, où nous dégustons une fois de plus la vraie cuisine chinoise.


Dimanche 27 Juillet 2008; 112 éme étape, Xinxiang- Anyang / 111 km.

Ça devient lassant de pédaler sur ces routes plates bordées de cultures, diverses d'accord, mais monotones à regarder …et à te raconter. Aujourd'hui, afin de ne pas saborder cette Saga, et sauter des étapes qui ont chacune leurs petites anecdotes, je vais te parler de la cantine. Sais-tu, non tu ne sais pas qu'elle a été la consommation de boissons tout au long de cette "croisière jaune".
Il a été servi Bières 25.000 de 25cl. : 6.250 litres
" " " " Eau : 4.000 "
" " " " Sodas 6.000 " " : 1.500 "
" " " " Boissons lactées 1.500 " " : 375 "
Nota: Pour être précis dans le décompte, je dois signaler que quelques litres d'eau ont été utilisés pour les ablutions avant le repas de midi, justifiant ainsi cette grosse consommation.

Concernant les repas, la F.F.C.T. avait fait l'acquisition de milliers de rations aux organisateurs du Paris-Dakar 2008 qui a été annulé. Cela à facilité le travail des cuistots, et permis de varier les menus: Pâtes bolognaises évidement, riz-poularde au curry à se lécher les doigts, chili con carne indispensable aux itinérants en tous genres, cassoulet pour le sud-ouest, porc aux lentilles apprécié par les "Bougnats", porc et pommes de terre apprécié par tout le monde. À cela il faut ajouter les pique-niques de midi.
J.C. Marandon, ses cuisiniers et leurs aides volontaires se levaient à 4h.30 tous les matins pour faire chauffer 60 litres d'eau et préparer café, thé, et chocolat. Il fallait aussi mettre sur les tables, pain, beurre confiture, riz au lait etc etc. Certainement que j'oublie beaucoup de choses, mais je ne veux surtout pas oublier de les remercier pour le travail "à la Chinoise" qu'ils ont effectué. C'est-à-dire un chantier gigantesque accompli avec le sourire et beaucoup de talent.

Lundi 28 Juillet 2008: 113 ème étape, Anyang-Xingtai / 126km.

Pour la revue de détail, nous attendrons la veille des cérémonies. Ce matin, nos bicyclettes sont recouvertes de suie. Nettoyage rapide de la selle et du guidon Nous roulons accompagnés de policiers. Il faut dire que la région que nous traversons est un chantier continu. Des panneaux indiquent qu'elle se donne (ou qu'on lui donne, va savoir.) trois ans pour détruire les immeubles anciens et reconstruire des bâtiments modernes. Ce sont des maisons rasées sur des kilomètres et des kilomètres, remplacées par des kilomètres et des kilomètres d'immeubles flambant neufs. Et toujours ce travail où des centaines de triporteurs et véhicules de toutes sortes, transportent déblais ou matériaux de construction que des milliers de fourmis chargent, déchargent et mettent en œuvre. Dans trois ans j'en mets ma main à couper, le plan sera exécuté. Et nous roulons au milieu d'une poussière grise, ce qui ne change pas grand-chose à la poussière noire que nous subissions jusqu'ici. Pourtant, stoïques, des centaines de gens nous regardent passer. Une chose bizarre me saute aux yeux: pas d'encouragement, ni d'applaudissement. Demain passe ici la flamme Olympique. Ils doivent réserver leurs débordements de joie pour cette manifestation. Peut-être est-ce aussi la présence policière qu'ils ne veulent pas honorer. A moins que ce ne soit leur engouement pour les Français qui ai disparu. Chi lo sa! L'avenir nous le dira.

Mardi 29 Juillet 2008: 114 ème étape, Xingtai-Shijiazhuang /125 km.

Nous roulons toujours en atmosphère polluée, dans une circulation polluante. Mais fait nouveau la Télé Française s'intéresse à nous. Un caméraman de BFM TV debout sur une moto prend des risques insensés pour faire un bout de film qui durera 1mn.45. Dans cette circulation entièrement libre où chacun peut faire ce qu'il veut avec son véhicule quel qu'en soit le genre, dire que nous sommes un peu stressés est un euphémisme. Il suffit de prendre place sur la chaussée en s'imposant et en suite de foncer en choisissant les endroits les moins encombrés. On double à droite, à gauche, on se coule dans la foule qui s'enroule et s'écoule… cela sur prés de cent kilomètres. Nous circulons en agglomération et agglomération en Chine n'est pas un vain mot. Tout y est aggloméré, les gens piétons, les gens à vélo, les gens en voiture, les véhicules de toutes sortes allant du petit chariot à la grosse charrette que l'on n'aperçoit même plus sous sa charge. Et dans tout ce trafic insensé, un seul code, celui de la dé… brouille. Et ça marche! Nous essayons quant à nous de rester groupés et en ordre de bataille. Nous faisons bloc pour percer ces tourbillons d'abeilles qui tournent en tous sens. Sains et saufs nous sommes accueillis à l'hôtel par le groupe des Xi'an-Pékin qui ont connu hier les mêmes problèmes. Le soir un repas officiel nous réunit sous les yeux paternels de monsieur Lin Ministre du Tourisme de la province et de notre président Fédéral Dominique Lamouller.

Mercredi 30 Juillet 2008: Journée de repos à Shijiazhuang.

Grosses surprise aujourd'hui, dans tous les cybercafés l'utilisation d'internet est inter…dite. Les voies de communication sont coupées, heureusement René que nous avons nos "cybercervelles" télépathiques et hors censure en bon état de marche quoique légèrement fatiguées. Mais nous approchons du dénouement. Les vacations sont plus courtes faute de diversité. Nous avons je crois assez bien raconté cette aventure. Rabâcher les mêmes choses, ne servirait qu'à ennuyer les lecteurs et rendre ce récit lassant comme la fin du parcours. Aujourd'hui, c'est jour de repos, mais seulement pour les bicyclettes, il faut déjà penser à préparer le retour. Le rapatriement de la logistique vers Paris, 115 vélos de Paris-Pékin plus le maximum des vélos du Xi'an-Pékin, et tout le fourniment, ce n'est pas rien à décharger puis à recharger après en avoir fait le tri et déterminé le rangement, suivant l'ordre où il faudra les décharger demain. Une journée entière est nécessaire pour sortir des véhicules les 45 tonnes de matériel et effectuer les opérations de classement et de rechargement en tenant compte des dernières étapes et des besoins logistiques jusqu'à Pékin ou il faudra recharger les deux camions de 20 tonnes. Je suis "pompé" et je vais me coucher. Bonne nuit à toi et un coucou amical aux C.R.L.

Jeudi 31 Juillet 2008 : 115 ème étape, Shijiazhuang-Dingzhou / 80km.

Ah! Léon, Léon, Léon roi de Bayonne, roi de Bayonne.
Ah! Léon, Léon, Léon roi de Bayonne et des …couillons.
C'est par ce chant que débute la journée. C'est une grande Fête que la Fête… d'abord on ne dit pas la Fête, mais les Fêtes de Bayonne. Pour les Fêtes de Bayonne, tout ou presque est permis, et c'est pour cette raison que mon copain Estoup pose une main amicale sur mon épaule et me laisse entonner ce refrain avec les copains des Pyrénées-Atlantiques. Mais avant tout, je voudrais rendre aux Gascons, ce qui appartient aux Gascons. On dit et c'est une grosse erreur que Bayonne est au Pays Basque. Que nenni ! Bayonne est Gasconne. Occupée peu à peu par des envahisseurs venus d'Euskadie, ceux-ci comme tous les envahisseurs qui se trouvent bien quelque part y sont restés et se croient maintenant chez eux. Eh bien ! messieurs, consultez les anciens documents et … bon, je ne vais pas vous dire de retourner chez vous, car notre entente et si parfaite que mis à part une langue que même le diable ne comprend pas, nous sommes les mêmes. Aimant rire, boire, chanter, danser sous le même béret, les fêtes de Bayonne sont nôtres. Bien que très loin du Pays, nous souhaitons de belles Fêtes aux Gascons, Basques et Béarnais. Bonne hartère à tous !
Pour cause du passage de la flamme Olympique, nous avons du scinder l'étape en deux. Initialement prévue à Baoding, notre étape s'arrête à Dingzhou. L'autre partie du trajet étant réservée à cette manifestation qui normalement faisait partie de notre programme. Notre déception ne sera pas couverte par le plaisir d'une sieste plus longue, c'est dommage. Lors de notre courte promenade, nous avons droit dans un petit village à une démonstration de sports de combat où de jeunes athlètes avec une fougue qui n'a plus rien de juvénile, luttent déjà pour la victoire. Ici, l'important n'est pas de participer, mais de gagner. On le leur inculque de bonne heure. Nous passons le reste de l'après-midi à continuer les uns la préparation du rapatriement, les autres à fignoler les cérémonies de clôture de notre expédition.Tout baigne!

Vendredi 1er Août 2008 : 116 ème étape, Dingzhou-Baoding / 75 km.

La Grande Muraille est proche et nous pénétrons dans la province de Pékin. Notre seul problème pour le moment est de rester groupé pour traverser des villes interminables, tellement grandes que nous ne savons pas quand nous sortons de l'une pour entrer dans l'autre. Nous apprécions grandement d'être aidés par la police qui nous encadre maintenant. Il faut reconnaître, que depuis notre entrée en Chine, nous n'avions subi aucun contrôle policier. Nous nous demandions par moments, s'il y avait une police en Chine. Mais depuis deux jours, sécurité oblige, les policiers et les militaires sont omniprésents et crois moi, ils sont très sérieux et très efficaces. Pas de sourire, mais polis et courtois, tant que tu es en règle. Comme nous le sommes, les seuls contrôles un peu poussés, sont pour les véhicules. Le fonctionnement d'internet est bloqué. La liberté à diminué d'un chouïa, mais chez nous pour ces occasions, c'est du pareil au même. Priorité à la sécurité, c'est humain et responsable. Disons que ce n'est pas insupportable, nous pouvons nous balader et photographier ce que bon nous semble sans avoir une brigade de pandores sur le dos. L'interdiction de circuler faite aux camions de plus de trois tonnes et demi et d'entrer dans Beijing le jour, nous contraint de charger nos vélos dans les camions qui les déposeront en un lieu autorisé. En bus, nous ferons le même trajet pour récupérer nos montures et continuer notre voyage. Ce que nous faisons sans rouspéter (la sagesse Confucéenne) puisque en fin de course, nous logeons dans un hôtel super luxe.

Samedi 2 Août 2008 : 117ème étape, Baoding-Gaopédian / 63 km.

Cette étape en raison des difficultés de circulation à l'approche de Beijing, a été écourtée. Nous ne pédalons que pendant 60km. Personne n'en pleure, car le trafic nous oblige à serrer les rangs et nous devons rester concentrés sur la roue arrière du copain. Impossible de regarder par côté les endroits que nous traversons. Nous chargeons nos vélos dans les camions et continuons en bus et en convoi jusqu'à notre hôtel situé dans la banlieue de Beijing. La traversée à duré trois heures. Ça commence à sentir la GARBURE!

Dimanche 3 Août 2008: 118 ème étape, Goapédian-Miyun-Muraille de Chine-Beijing 71 km. départ 6h. ARRIVÉE 10H.

Aucun rassemblement de plus de 10 personnes n'est autorisé. C'est donc par groupes de dix que nous quittons l'hôtel. Direction la Grande Muraille de Chine, et ces boum- boum que l'on entend, ce ne sont pas les tambours chinois comme tu pourrais le croire. Ce sont les cœurs des cyclos français qui "pataquèjent" d'émotion. Au bout de vingt kilomètres, nous entrons dans un secteur où la discipline se relâche et nous sommes libres de nous regrouper. C'est calmement, avec une aisance souveraine que nous nous jouons des petites rampes offertes par ce parcours montagneux. Les Cyclos Xi'an nous font une haie d'honneur. Regroupement général et nouveau départ pour une marche triomphale Président en tête. En Chine, tout finit par un feu d'artifice, notre périple n'y a pas échappé. La rampe de quatre kilomètres qui termine ce parcours, nous élève au rang de Héros. C'est en musique, que nous sommes accueillis sous les ovations des organisateurs chinois et des 500 personnes rassemblées sur la plateforme. Moment d'émotion intense, les larmes mouillent les embrassades, les rires et les exclamations disent la joie d'avoir réussi l'irréalisable. Les congratulations et les félicitations se bousculent, elles effacent les mauvais moments, laissant dans nos regards en lettres scintillantes ces mots :

Nous l'avons fait!

Ainsi se termine ce raid époustouflant pensé et organisé par la Fédération Française de Cyclotourisme. Sur une idée de son Président Dominique Lamouller, Jean-Michel Richefort, directeur technique fédéral en tête suivi de toute l'équipe fédérale s'est mis au boulot avec un seul but: réussir. Remercions toute l'ÉQUIPE de cette immense réalisation qui réveille le Coq Gaulois pour un magnifique COCORICO ! C'est la plus belle médaille gagnée par la France durant les J.O. de Beijing 2008. Qu'on se le dise !
Personnellement, je remercie en sus:
La F.F.C.T. qui m'a permis de "pomper" dans ses C. R. la trame de mes élucubrations et dans sa photothèque de quoi les illustrer.
Jean-Michel Richefort, qui dans un moment de doute m'a poussé à continuer ce récit.
Mon ami Alain Labialle, qui m'a demandé d'écrire "quelque chose sur Paris-Pékin". Grâce à ses émissions télépathiques, il m'a donné presque tous les renseignements nécessaires. Si les interférences dues à l'éloignement et aux parasites qui en résultent, m'ont empêché de bien comprendre ses propos qu'il veuille bien excuser la faiblesse de mon cerveau-récepteur. Si des pensées, des paroles et des actions ne sont pas tout à fait conformes à la réalité telle qu'il aurait voulu qu'elle paraisse, c'est ma faute, c'est ma faute, c'est ma très grande faute, qu'il me pardonne. En tous cas et tu sais que c'est sincère : « Chapeau Alain! Je savais que tu réussirais. Coup de Béret aussi à Estoup de Bosdarros. »

Cette Saga, n'est pas un reportage exact de l'exploit réalisé par les cyclos français, c'est le récit d'un cyclo qui a pédalé devant son ordinateur et a suivi en communion avec son ami, le déroulement réel ou imaginaire de cette formidable expédition.
Merci à tous les lecteurs de Lourdes-infos.com qui ont eu la patience de me lire.

Fin.

René Delhom

Dernière mise en ligne mardi 12 août 2008

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