Récit n°23

Mardi 8 Juillet 2008 : 97ème étape, Tianzhu –Lanzhou / 145 km.

Arrivés hier à 14 heures, nous étions en sueur, malgré les 3.032m. annoncés par le panneau du col que nous avons passé et mes 61 ans légèrement arrosés. Ce matin à plus de 2.400m d’altitude, il faut se couvrir. L’étape est assez longue, mais pas de problème, si nous sommes faciles dans les montées, dans les descentes ça filoche à "fond la caisse". Nos vélos sont merveilleux dans cet exercice. Une tenue de route irréprochable, ce sont de vrais Exocets à tête chercheuse. Ils pistent les virages de loin et tracent des trajectoires dignes de Jacques Anquetil. Ce paysage de cultures potagères que je t’ai décris en arrivant à Tianzhu, s’étend à perte de vue. Entre les champs ? il y a des serres. Entre les serres ? il y a des champs. Des cultures bien irriguées, qui laissent le minimum de place aux petites maisons de terre. Mais la Chine prouve que sa marche en avant est irréversible. Elle avance à grands pas, avec des pieds si grands, qu’elle écrabouille tout ce qui gène sa progression ou qui n’entre pas dans ses desseins. Les pauvres maisonnettes disparaissent sous la poussée des bulldozers et sont remplacées par des bâtiments plus modernes. Au pique-nique de midi, dans une cour d’usine, avec les provisions servies en abondance par nos dévoués préposés à la restauration, nous avons du manger aussi notre pain blanc. Le départ sous la chaleur, n’est pas aussi grisant que la descente que nous venons d’effectuer. C’est bizarre, comme les chansons piquètent mon parcours, moi qui ne chante jamais ou presque (surtout sous la garde vigilante d’Estoup). Sur cette route toute neuve, la chanson du Petit Zouave que papa me chantait quand j’étais gosse me monte aux lèvres. Tant pis, je tente le coup en sourdine : « L’air est pur, la route est large, le clairon sonne la charge et les Zouaves vont chant… Pan sur le casque ! « Alors mon petit Alainichou, on tente le diable ? On se fait son petit opéra perso ?» Puis d’une voix moins amicale : « Tu veux finir ficelé comme un rôti sur un poteau télégraphique ?» Bon ça va, je me tais ! Surtout que la chanson n’est pas tout à fait en adéquation avec le décor. La route est large, c’est vrai, mais l’air pur nous l’avons laissé là-haut dans la montagne. La production de nuages polluants, est à l’échelle de la production industrielle. Il est malheureux que des ingénieurs, qui en principe devraient être ingénieux, ne pensent pas un instant aux dommages que causent à notre planète les rejets nocifs résultant de leurs cogitations. Des brumes pestilentielles enveloppent notre arrivée à Lanzhou. Lanzhou est indubitablement une capitale industrielle. Nos sinus habitués aux effluves champêtres, renâclent à aspirer ces fumées délétères. Nous longeons le Fleuve Jaune, le deuxième plus long fleuve de Chine. Ses eaux boueuses, transporte des milliers de tonnes de limon qui justifient son nom. Il prend sa source à 4.000m. d’altitude et cette dénivelée, lui donne une puissance redoutable. Des traces d’habitations chinoises datant de 6.000 ans av. J.C. trouvées sur ses rives, lui ont valu le nom de ¨Mère de la Chine¨, mais un autre surnom moins honorable lui est donné : Douleur de la Chine. Le limon qu’il dépose en ralentissant sur son parcours, élève son lit à hauteur des plaines environnantes et ses crues alors s’avèrent désastreuses. En 1642, l’inondation qui lui valut son surnom lorsqu’il rompit les digues et prit la route du Sud, fit 300.000 morts. Pour l’instant nous admirons sa couleur et sa sagesse. Dompté par les barrages, il dispense la vie en irriguant le Nord du pays et en fournissant la puissance électromécanique dont la province à besoin. Son limon, se déposant, comme fait le Nil, rend les terres extrêmement fertiles. Grand centre industriel et commercial, Lanzhou à l’instar de tout le pays se modernise à une vitesse phénoménale. Des tours en constructions s’élèvent si serrées qu’elles font penser aux piquants d’un hérisson géant. C’est dans cette mégapole que nous entrons avec une grande appréhension. Au milieu de cette circulation bouillonnante et "bouchonnante", nous réussissons à trouver notre hôtel situé en face de la gare centrale. Assez pour aujourd’hui !

Mercredi 9 Juillet : journée de repos à Lanzhou

Il est inutile de te dire mon bonheur de pédaler dans ces pays inconnus aux paysages merveilleux, aux cols surdimensionnés, aux peuples généreux. Mais il serait malhonnête de renier la félicité que procure la journée de repos. Pour un cyclo, en priorité passent les obligations, toujours les mêmes, et je ne t’en parlerai pas, tu connais, mais je peux te parler de la ville et des sites que nous visitons. Lanzhou se singularise par le nombre et l’excellence de ses musées. Dominant la rive gauche du Huang He, en français Fleuve Jaune, la colline de la Pagode Blanche doit son nom au temple qui se trouve à son sommet. D’innombrables marches taillées dans le rocher permettent à l’âme et au corps de se purifier avant d’y accéder. Mais si tu es pur au départ, tu peux faire l’ascension en télésiège, le paiement de la place te fournit en même temps que le ticket, une provision d’indulgences plénières qui effacent les dernières traces de tes fautes. On se moque souvent de Lourdes sans réfléchir au pourquoi. En effet bien des gens font une fixation critique sur les magasins de médailles et autres bondieuseries qui longent les rues menant aux Sanctuaires. Ils devraient voyager un peu et sortir de leur trou, car les marchands du temple existent depuis des siècles, et ce ne sont certainement pas les Lourdais qui les ont inventés. Jésus-Christ pourrait en parler savamment. Ici dans le parc Baita Shan Gongyuan, toutes les allées qui mènent au temple sont bordées de maisons de thé, et de magasins répondant comme partout ailleurs à la demande des gens de passage qui veulent emporter un souvenir religieux ou profane suivant leur bon ou mauvais goût. A visiter aussi le Musée provincial du Gansu dont Lanzhou est la capitale. Au rez-de- chaussée, un squelette de mammouth nous domine dans sa pose hiératique et affiche son inébranlable sérénité. La statuette vieille de 2.000ans, le célèbre Cheval volant dont je t’ai parlé lors de notre étape à Wuwei, trotte élégamment le sabot posé sur le dos d’une hirondelle. Ici nous admirons l’original, celui de Wuwei n’est qu’une copie. Au Sud de la ville, nous visitons le parc du
" Mont des cinq sources". Selon la légende, le général Huo Qubin, aurait fait stationner sa cavalerie sur la colline, et pour subvenir aux besoins en eau de ses hommes et de leurs chevaux, avec son épée il aurait tranché le rocher pour en faire jaillir l'eau. Dans le parc, nous visitons aussi le palais Jingang qui abrite un Bouddha en bronze de cinq mètres de haut. Nous avons vu bien d’autres merveilles, je te les décrirai à Berbérust, mes batteries commencent à se vider, il est temps d’aller faire un ¨sièstou¨ pour les recharger.
A demain !

Jeudi 10 Juillet 2008 : 98 ème étape, Lanzhou – Dingxi / 105 km.

Et c’est reparti ! Je me demande si c’est la grande forme qui me met dans cet état ? Il me semble que je suis en apesanteur. Je flotte ! Je flotte dans mon cuissard, je flotte dans mon maillot, je flotte sur Céleste, en résumé, je me sens comme un bouchon sur le lac de Lourdes. Sensation bizarre mais très confortable, je suis une espèce de fantôme sans consistance, sans douleur. Seul mon esprit fonctionne, engrange et classe tout ce qui fera que ce voyage pour moi sera éternel. Je suis un ectoplasme pédaleur. Tel monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, j’ai du découvrir la DOPE INDÉCELABLE ! Où ? Quand ? Comment ? Je n’en sais rien et je m’en fiche. Je suis bien dans ma peau, et m’en contente. Tu me diras, le sourire en coin, qu’il ne me reste plus que ça avec les os en dedans. D’accord, mais je t’affirme qu’à vélo, c’est le rêve, je pédale sur des nuages, au Paradis. Tiens, aujourd’hui, nous quittons la grande vallée du Fleuve Jaune, l’horizon devant nous semble gratouiller le ciel. C’est une longue montée qui doit nous mener à 2500m. d’altitude, eh bien, je monte sans autre envie que de regarder pousser les choux- fleurs et murir les pastèques dont les champs longent notre route. Je monte aussi léger qu’un ballon de baudruche (beaucoup moins rond évidement), qu’on lâche le 14 Juillet. J’ai atteint le Nirvana cyclotouriste. Je suis Bouddha-Gandhi, je suis … merde, j’ai crevé. Pauvre Céleste elle roule un pied déchaussé. C’est de ma faute aussi, j’ai bien vu hier au soir que sa babouche arrière était usée. Un peu de flemme m’a empêché de la changer. Quelle négligence, et quel manque de reconnaissance envers celle qui a toujours fait le maximum pour me donner satisfaction depuis le départ. Le camion de dépannage n’est pas loin heureusement, et tant qu’à faire je rechausse Céleste avec une paire de "pompes" toutes neuves. Il lui en faut peu pour faire son bonheur, des souliers neufs et elle se croit parée pour aller au bal. Elle roule ses phares dans tous les sens pour s’admirer. Mais non Céleste, ce ne sont pas des escarpins vernis, ce sont des godasses de route. Rien n’y fait, elle est heureuse, et je n’insiste pas. Nous reprenons notre progression pour entrer dans un long tunnel, ce qui l’oblige à remettre ses phares-yeux à l’endroit. A la sortie, je crois comprendre le travail ¨made in China¨. Tu vois, des champs petits, petits, dedans des hommes courbés petits, petits. Ils ramassent à la main les légumes et font des petits tas. D’autres hommes petits, petits, récupèrent petit à petit les tas pour les transporter sur de petits triporteurs motorisés. Et là, le gigantisme de ce pays te saute brusquement aux yeux. Les petits triporteurs déchargent leur petite livraison dans une immense coopérative. D’énormes camions dans une noria ininterrompue, livrent cette formidable récolte dans les grands magasins des villes toutes proches. Pas de tracteur, pas de machine agricole, seulement des champs irrigués par des canaux qu’alimentent les eaux de ruissellement et la sueur des hommes. Je ne pense pas qu’il y ait de chômeurs en Chine, tous les bras sont utilisés pour la cause commune. Il doit bien y avoir quelques tire-au-flanc, comme partout, mais ils doivent se faire petits, petits, encore plus petits que ceux qui travaillent. Toujours ce principe de la fourmilière. On a vu des militaires aider les paysans aux récoltes. Le pique-nique met une fin provisoire à mes études ethniques et à mes réflexions sur le monde chinois. Nous bivouaquons dans la cour de l'école, sous les balcons, ce qui nous évite de monter les tentes. Ya pas de petites économies d'énergie!

Vendredi 11 Juillet 2008 : 99ème étape, Dingxi – Huining / 65 km.

Il y a quelques jours, j'ai ébauché l'historique de la Grande Marche, Huining la ville d'où nous partons aujourd'hui, a été aussi une étape de cette terrible retraite des troupes communistes. C'est une bourgade qui pourrait sans cela, être complètement inconnue du monde. Un musée rappelle cet épisode tragique, et puisque il n'y aura pas grand-chose à raconter, si ton enregistreur télépathique ne chauffe pas, je vais t'en tracer les grandes lignes. En 1920, les leaders communistes déclarés hors la loi se replièrent vers les bases reculées dans le Sichuan, le Hunan, et le Jiangxi. Jinggang Shan le siège du Soviet du Jiangxi commandé par le leader Mao Zedong, était de plus en plus menacé par les troupes nationalistes du Guomindang. Le 16 Octobre 1934, Mao donna l'ordre de repliement. La traversée de la rivière Xiang, première grande bataille, fut désastreuse pour les communistes qui perdirent presque tout leur matériel. Mais la guerre est une longue suite de batailles. En Janvier 1935, à Zunyi, au prix de lourdes pertes, la victoire leur fut favorable. Au Lushan, arrivé premier en haut du col, Mao signe une nouvelle victoire sur ses adversaires. Douze mille kilomètres à vélo, c'est ce que nous venons de parcourir, c'est long, extrêmement long. Mais bien dorlotés par l'équipe d'accompagnement, c'est faisable, et pas si dur que l'on veut bien le faire croire. Alors pense, 9.500 kilomètres à pied, l'ennemi aux trousses, pas de voiture suiveuse, par des chemins impossibles, avec la neige, la glace et le ventre creux, ce doit être atroce. Cela en un an, avec comme seules pauses, les féroces batailles fratricides où nulle pitié n'était admise. À Luding se situe le fait d'armes le plus héroïque, si l'on peut se permettre de juger un évènement sans y avoir participé. Tu rigoles, pourtant il y en a qui le font. Bon! Revenons à nos soldats. Un pont suspendu tenu par les Nationalistes, était le seul passage qui permettait de traverser la rivière Dadu. Ce pont, long d'une centaine de mètres, est constitué de treize chaînes qui soutiennent le tablier. Les Nationalistes en avaient retiré le revêtement en planches. Rampant et s'accrochant aux chaînes, sous le feu ennemi, vingt-deux soldats de la Longue marche réussirent à traverser et à établir une tête de pont. La Longue Marche continuait. Ce fut en suite le franchissement des cols enneigés du Daxue Shan ou l'armée Rouge perdit encore de nombreux soldats. La traversée des grandes plaines glacées d'Aba ajouta encore ses terribles marches de nuit, aux malheurs de ces soldats. Sur les 130.000 hommes partis de Jinggang Shan, 5.000 seulement arrivèrent au Yan'an le 19 Octobre 1935. Que l'on juge bon ou mauvais leur idéal peu importe. Ces hommes ont lutté et supporté toutes ces souffrances pour le défendre, ils méritent la reconnaissance de leur courage. Je termine mon émission journalière en te disant quand même que nous avons escaladé un col à plus de 2.000 mètres, entouré de petits champs avec encore des petits hommes qui portent sur leurs épaules d'énormes ballots d'herbe ou qui tirent de petites charrettes surchargées de légumes. Nous avons assisté aussi au battage des lentilles sur la route. Folklo! Arrivés à midi, après ablution, nutrition, et récupération, nous sommes passés à l'éducation. Tout ce que je t'ai raconté, je le tire du musée historique de Huining que nous avons visité et qui raconte cette tragédie.

Samedi 12 Juillet 2008: 100 ème étape, Huining – Jinging / 82 km.

Cent jours, comme Napoléon! Tu parles d'une aventure, cent jours que nous pédalons. Mais soit rassuré René, Pékin ne sera pas notre Waterloo. La "Longue Randonnée" voit se bouffir notre Égo de jour en jour, si les chevilles n'enflent pas encore, c'est tout simplement pour cause d'exercice intensif. Mais les réceptions offertes par les populations, et l'accueil amical qui nous est réservé partout, transforment notre randonnée en Marche Triomphale. Nous sommes toujours pédalant en zone montagneuse, à une altitude moyenne de 2.000 m. notre taux d'E.P.O. doit entrer dans la zone suspecte. Pourtant, personne ne se shoote dans le peloton. Juste pour confirmer que l'entraînement en altitude est bénéfique à la condition physique, je voudrais savoir de combien s'est élevé notre taux d'hématocrite depuis que nous roulons dans ces hautes montagnes. L'étude serait intéressante. Naturel, sans excès d'aucune sorte notre cas pourrait fournir des renseignements utiles. Comme je ne suis pas toubib, je ne vais pas me lancer dans des supputations d'où il ne sortirait que de l'eau de boudin. Alors égoïstement je garde pour moi les bienfaits de l'altitude, ça ne pèse pas, bien au contraire. Concernant le paysage, rien de nouveau, toujours des champs en terrasse ou des hommes-fourmis cultivent du maïs, du blé, des pommes de terre, et des lentilles. Je crois que les Chinois ont envie de varier leur menu. Manger du riz depuis des siècles cela doit être lassant, mais c'est peut-être de là qu'ils tirent leur riZette permanente, attention de ne pas la perdre, c'est triste un plat de lentille. C'est bon, cependant c'est triste comme la figure d'Ésaü. Quand je te dis que l'enthousiasme des accueils tourne au délire. Ce n'est pas encore la folie que suscite notre Johnny national à Bercy, loin de là, mais quand même aujourd'hui, près de 200 élèves en uniformes avec leurs professeurs, ont ovationné notre arrivée. Les photographies créèrent de charmantes bousculades. La remise de notre fanion au directeur de l'école, et le petit discours qui a suivi furent très applaudis. Pour se faire comprendre des Chinois en parlant petit nègre, c'est coton, mais avec de la persévérance d'un côté et de la compréhension de l'autre, on y arrive dans de grands éclats de rire.
C'est ça la paix du Monde. Rire ensemble: LA SYMPHONIE UNIVERSELLE!

Dimanche 13 Juillet 2008: 101ème étape, Jinging – Pingliang / 100km.

Huit heures. Larguez les amarres! La flotte française prend le large, les croiseurs-cuirassés en tête voulant prouver qu'ils ne sont pas encore mûrs pour la réforme. Ils sont suivis des contre-torpilleurs l'œil aux aguets. Des patrouilleurs et des vedettes rapides papillonnent autour de l'escadre. L'ensemble est soutenu par les escorteurs-ravitailleurs. J'arrête là ma comparaison cyclo-maritime, car le seul vaisseau qui la supporterait c'est le pédalo, sachons rester humbles. Elle vaut ce qu'elle vaut, mais j'avais cette idée dans la tête pour démarrer le récit de cette étape. Voilà, je l'ai sortie elle n'encombrera plus mon disque dur. J'ai la mémoire RAM qui commence à ramer. Il est difficile de varier les descriptions quand on ne fait que du vélo, sur des routes plates, montantes ou descendantes dans des paysages déserts ou cultivés. En fouillant un peu, je peux rajouter l'air pur et la pollution, les montagnes et les usines. En recommençant une nouvelle centaine de récits sur le même sujet, et surtout en Chine il est ardu de se renouveler, car un mot prévaut sur tous les autres: TRAVAIL. On travaille en ville, on travaille à la campagne, et on travaille à relier les villes en traversant les campagnes. La Chine est immense, la Chine est un immense chantier. Nous sortons de la ville, aussitôt une montée assez raide sollicite nos mollets pour nous faire traverser les travaux de construction d'une autoroute. Au gré des méandres, nous les coupons plusieurs fois, la route souvent transformée en piste. En Chine, il n'y a pas de dimanche de repos. On mange le dimanche, donc on bosse le dimanche. Si tu en veux, tu te le gagnes. Système vraisemblablement simpliste, mais qui marche et procure une production phénoménale. Tous ensembles! Tous ensembles! Ils ne le clament pas, ils le font tout simplement. Ne crois pas que je me lance dans la politique, mille fois non. Je constate et je fais la comparaison. Les Fourmis de Bernard Werber, tombent sur le plateau de la balance, l'aiguille de mon jugement penche de leur côté. Ce n'est pas croyable ce qu'arrivent à faire ces Fourmis-Hommes. Pas ou peu de machines, le moins possible, mais de l'huile de coude en quantité incalculable et "in calculée". Des murs de soutènement grands comme les falaises d'Étretat, longent l'autoroute. Pas de voiture, mais les camions font une ronde incessante, pour transporter le matériel. Système rétrograde, me diras-tu. Oui, mais ça avance. Je ne sais pas où sont puisés les reportages que l'on nous livre sur ce pays. Ce dont je suis sûr, c'est comme disait papa : «Qu'on nous rempli le cul de violettes.» En gros cela veut dire qu'on nous raconte des balivernes orchestrées pour des raisons "Secret d'État". Sur nos bécanes, nous avons le temps de regarder, de discuter avec les autochtones et de les comprendre pour en tirer un jugement personnel et objectif. Le cyclotourisme est un merveilleux sport de fond. Tu vas au fond des choses comme au fond de toi-même. Il n'y a pas que les jambes qui tournent, nous pouvons nous permettre de lever les yeux, de scruter les alentours sans faire une fixation sur le seul macadam. Revenons au pays des fourmis! Nous passons en revue les Champs Élysée horticoles. À droite, des serres et des champs, à gauche, des champs et des serres et les fourmis au milieu qui s'affairent passant des uns aux autres, partant chargés, revenant pour une autre charge inlassablement. Nous arrivons à Long De, une petite bourgade ou dans le ciel brumeux, tournent sans bruit une quinzaine de grues. Chez nous, les cigognes portent les bébés dans les maisons, si ce n'est pas la réalité, c'est une belle image. Ici, les grues portent du béton pour faire des maisons, c'est moins poétique, plus matérialiste, mais c'est vrai. À la sortie de la ville, une côte de 10 km. nous mène à 2.400m. d'altitude, où dans une station service désaffectée, notre intendance à déjà dressé le pique-nique. Tandis que mes mandibules s'activent, je pense toujours à la vie des Chinois. Insensiblement, une douce somnolence me gagne, mon estomac se distend, mon cerveau se comprime et la digestion annihile mes divagations. « Allez! Alain, met ton K-way, il commence à pleuvoir, nous partons.»
Estoup, mon ange gardien me ramène à la rude réalité. Nous pénétrons dans un tunnel, un camion devant le groupe, un autre derrière pour la sécurité. Le tunnel est éclairé, s'il y manque quelques loupiotes la traversée se déroule sans encombre. Par contre la descente s'effectue prudemment. Il pleut, la route est rendue glissante par les gaz d'échappement qui laissent leur dépôt huileux sur la chaussée. Nous arrivons à Pingliang trempés et crottés. Pour nous mener dans nos chambres, les tchics, tchics cadencés de nos souliers aquariums, remplacent l'ascenseur en panne. Et maintenant, pour le délassement et le décrottage, une bonne douche… froide nous suffit. Douche froide dehors, douche froide dedans, où est la différence ? AH! Sagesse chinoise quand tu nous tiens. Mais est-ce sagesse ou inhibition ?


Là est peut-être le "GRAND SECRET DE LA CHINE". À potasser demain.

René Delhom

Dernière mise en ligne lundi 21 juillet 2008

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