Récit n°14

Mercredi 14 Mai 2008 : 53 ème étape, Makat – Mumkir / 130 km.
Le Désert, le grand soleil qui sèche tout, où seul les chameaux et les scorpions peuvent vivre eh bien, ce n’est pas encore ici. Pourtant j’étais motivé pour affronter la solitude, la chaleur et la soif. Je me voyais tel René Caillé titubant à l’entrée de Tombouctou, le mouchoir sur la tête, have, déshydraté. Bernique mon gars ! Je suis pris à contre-pied, c’est la flotte et la boue qui m’assaillent. Il y a des moments où des idées de ras le bol passent fugitivement sous mon casque. Mais un Pacha, n’a pas le droit à la déprime. Il doit rester l’Exemple. Alors je ¨frime¨, je ne l’avoue qu’à toi, mais y a des fois, je frime. Même Céleste, regimbe de temps en temps. Elle doit avoir les portugaises ensablées, car elle n’obéit plus instantanément. Il faut que je lui secoue les manettes plusieurs fois pour qu’elle daigne freiner ou changer de vitesse. C’est la galè ….. Allez Pacha ressaisis-toi que diable ! Il faut regarder le bon côté des choses. Positive mon vieux, positive ! Bon d’ac. ! Nous roulons dans une mer.. je veux dire dans une gadoue infâme qui ¨chiscle¨ partout, comme les flaques se suivent en ligne discontinue et que l’on y plonge jusqu’au moyeu, nous sommes mouillés mais propres. Liberté ! Liberté chérie ! à toi mon cœur, à toi ma vieeeuuu ! Cette chanson Pyrénéenne de fin de repas, revient secouer ma luette lorsque je m’aperçois que la police nous a lâché les basquets. Par force assurément, mais on ne les a plus aux trousses et nous pouvons pédaler à notre guise, ou au moins comme l’on peut. On ne dira pas que nous en profitons pour admirer le paysage car l’état de la piste ne nous permet pas de s’extasier longuement sur ces majestueuses immensités. Notre liberté retrouvée cependant nous y laisse glisser… tiens j’ai trouvé le mot, glisser , aujourd’hui, c’est jour de glisse. Ça glisse de partout et surtout sur la piste. D’ailleurs, quelques belles gamelles heureusement sans grosse conséquence sont à enregistrer. Positivons, continuons à positiver. Je disais donc, que nous glissions des regards aussi brefs qu’émerveillés dans cette steppe assez vivante toutefois. On y croise des troupeaux de chèvres où l’odeur des boucs n’est pas différente de chez nous, des moutons aussi, beaucoup de moutons. Enfin tous les animaux qui se contentent de peu avec en tête évidement les dromadaires. J’ai remarqué une chose, ils ne sont pas si élégants que les méharis d’Afrique du Nord et du Sahara. Plus poilus et moins sveltes, ils ne donnent pas cette impression de rapidité que suggèrent les montures Africaines. Le téléphone Arabe nous apprend que nos véhicules sont plantés quelque part derrière nous. C’est vrai que ce ne sont pas des Tatras équipés pour le Paris-Dakar, mais leurs cousins de Russie les fameux Kamaz qu’utilisent ici les pétroliers, viennent gentiment au secours des petits français. Je pense à ce soir, si nous devons attendre les camions à l’étape, ça va rouscailler drôlement. Il est prévu de bivouaquer, et là, on n’est pas de la quille. Monter les tentes dans l’état où nous sommes, ce ne sera pas de la tarte. Saint Vélocio protège nous ! Un aigle plane au dessus de nos têtes, serait-ce lui ? En tous cas, en arrivant à Mumkir, nous avons la joie d’apprendre que le gymnase est mis à notre disposition. C’est terrible ça, ces râleurs professionnels qui se plaignent qu’il n’y a pas de douche ! Ils n’ont qu’à se foutre à poil et sortir. Mince à la fin, et je reste dans les limites de la politesse. Jamais contents ces olibrius, pourtant il y a des robinets… d’eau froide d’accord, mais ça lave l’eau froide aussi bien que la chaude. Que les dames soient gênées je le comprend, mais les hommes ils n’ont pas fait la guerre ? Ou au moins leur service militaire ?

Jeudi 15 mai 2008 : 54 ème étape, Mumkir – Bayghanin / 130km.
Les jours se suivent et se ressemblent. Il n’y aura pas grand-chose à raconter, puisque depuis un mois au moins c’est plat, toujours plat, quelques ondulations de temps en temps permettent de tester notre dérailleur. La seule nouveauté, c’est l’état lamentable des routes-pistes. Ce ne sont plus des routes, ce ne sont pas tout à fait des pistes. Cela ressemble à une route qui aurait été bombardée lors de la dernière guerre. Heureusement parfois de petites longueurs intactes de macadam souscrivent au repos de nos lombaires. Hou ! Bon sang j’allais oublier le vent, le grand vent de la steppe. Il souffle aujourd’hui, en ami dans le dos. Son aide puissante nous fait encore plus regretter le mauvais état de la route. On pourrait se taper fastoche du 50/55 à l’heure comme Anquetil au Trophée Barrachi. Mais l’état de la chaussée en accaparant toute notre attention, nous reconditionne dans notre nature cyclotouristique. C'est-à-dire plus humble. Les gendarmes accompagnateurs ne doivent pas avoir notre entrainement ni notre endurance car on dirait que leur attention se relâche. Ils doivent en avoir plein les leggings, nous en profitons pour retrouver notre façon de ¨cycloter¨ à la Française. Et voila que l’inattendu arrive. A l’entrée d’un petit village pas facile à prononcer et encore moins à écrire, le Chef de la Willaya, et un professeur de Français (faut avoir la vocation pour enseigner dans ce bled) accompagné de ses élèves viennent nous saluer avec les cadeaux d’usage. Nous en avons fait un usage aussi rapide qu’apprécié, surtout le fromage et les beignets. Quoique le lait de chamelle un peu plus fort en goût que le U.H.T. de chez nous, allait très bien pour faire descendre nos bouchées gloutonnes. Puis les enfants ont fini d’agrémenter cette pause par leurs chants angéliques. Nous reprenons notre pédalée fracassante en devisant sur la beauté du monde et philosophons toujours sur le même sujet : comment peut-il y avoir des guerres alors que sur Terre il n’y a que des gens gentils. Pense que nous avons parcouru 6.500 kilomètres sans rencontrer l’ombre d’une animosité quelconque. Et la philosophie nous mène au terme de l’étape. Accueil somptueux, de Monsieur le Maire. (Je te demande de mettre une majuscule à monsieur, car un Maire aussi chaleureux et généreux que celui-ci, on ne le trouve pas sous la patte d’un chameau. Merci !) D’abord il nous autorise à laver nos vélos, et quand on sait que l’eau ici est aussi précieuse qu’un Château Montus à Lourdes, imagine-toi la valeur du cadeau (Calcule combien valent 102 Château Montus et tu mesureras la grandeur du présent. Si tu n’y arrive pas, demande à Gérard Viollet ton copain de l’Hôtel de la Grotte, lui, te le dira.) Pour parfaire cette chaleureuse réception, il nous est offert en sus un spectacle folklorique avec danses et tout le toutim. Je te jure René que si les Pyrénées se trouvaient au Kazakhstan, je déménagerais tout de suite et m’en viendrais vivre ici.
Vendredi 16 Mai 2008 : 55 ème étape, Bayghanin- - Shubarqudig / 72 km.
Beau temps Stop – Grand soleil Stop - Départ tardif Stop – Petite étape Stop – Parcours plat Stop – Vent arrière Stop – Vitesse élevée Stop – Police tolérante Stop – Réception habituelle Stop – Tout va bien Stop.
Voila ! Jean-Michel Richefort notre D.T. Fédéral m’à dit l’autre jour que je racontais très bien, mais que j’étais un peu long, c'est-à-dire trop bavard et que dans mes messages télépathiques il y avait du brouillage. Ça doit venir du Contre-espionnage, car moi je me concentre et je suis la procédure à la lettre. Il m’a dit aussi (Comme tu ne te plains pas, je ne l’aurais jamais appris.) et je m’en excuse que ça te fatiguait les cervelles. Si la Saga dure trop longtemps tu vas être obligé d’aller à l’usine SEB te faire placer une soupape dans le crâne comme celles qui tournent sur les cocottes minutes. J’emploie un nouveau style, dis moi ce que tu en penses.
Note du Scribe : Comment veut-il que je le lui dise, je ne suis pas émetteur, je suis récepteur.

Samedi 17 Mai 2008 : 56 ème étape, Shubarqudig – Quandiaghash / 85 km.
Salut René ! Bon j’ai lu sur lourdes–infos.com, l’étape style télégraphique, ce n’est pas folichon. Je trouve que c’était mieux avant, alors comme tu ne peux pas me joindre, si tu es fatigué de mon baratin, tu déconnectes. Surtout ne t’en fais pas pour moi, si tu décroches, j’ai le cerveau qui s’emballe, je suis ainsi averti que j’émets dans le vide. Petit à petit, à force de vivre dans la steppe, une sorte d’homomorphie nous transforme, nous adoptons la morphologie de la faune endémique. D’abord un bronzage spécial cyclo, bien connu sous le nom de bronzage Panda, c'est-à-dire membres noirs et ventre blanc. Un tour de taille à faire pâlir de jalousie toutes les filles de la Star’AC., j’ai regagné 4 trous à ma ceinture. Des hanches en porte manteau, qui nous font ressembler à des dromadaires, enfin le mimétisme complet. Nos kilos se perdent dans cette nature qui nous en est reconnaissante en minimisant ses plissements. Plat, c’est encore plat, mais la température est agréable. Si l’état de la route laisse toujours à désirer, ce n’est pas catastrophique, un peu de concentration et ça passe bien. Heureusement qu’il y a les Quandiaghashais et les Quandiagashaises , en cas que tu ne comprenne pas, ce sont les habitants de Quandiaghash du moins je crois sans en être sûr que c’est comme ça qu’ils s’appellent. L’accueil offert par les autorités locales, est tout simplement somptueux. A l’entrée du patelin, une délégation nous attend, entourée de petits enfants qui agitent des drapeaux. Tout le long de la rue, comme pour Chef d’État, des policiers maintiennent la foule. Le collège nous est désigné comme gîte, et, avant d’y entrer une double haie d’écoliers nous applaudit à s’en casser les menottes. C’est gentil tout plein. Sur le grand perron central, les policiers en tenue et tellement médaillés que tu te demandes si ce n’est pas une côte de maille, des civils, professeurs fonctionnaires et notables nous souhaitent la bienvenue. Le Chef de la police dans son allocution n’oublie pas de nous faire connaitre son érudition en citant un méli-mélo de célébrités Françaises. Je te les donnes dans le désordre, mais il y a, Chirac, Robespierre, Zinedine Zidane, Victor Hugo et même notre Président Fédéral Dominique Lamouller plus connu ici que le Président de la République. Qu’elle notoriété ! Terminant son homélie, il signale qu’il nous est interdit de sortir de l’enceinte du collège, elle est gardée. Mais il a du penser que cette contrainte pouvait nuire aux relations diplomatiques. Pour compenser, il comble notre incarcération par de délicieux et copieux repas. Des plats du pays comme il se doit. Saucissons de cheval, viande de mouton avec des pâtes enfin tout ce qu’il faut pour rassasier des cyclos à l’appétit solide. Nous avons droit aussi à des concerts. Le Grand Chef est pardonné ! Amen. Quatre des nôtres sont invités dans un salon privé par les Huiles locales, Maire, Député, chef de la police et tutti quanti. Ils souffrent les pauvres. Ils doivent se ¨fader¨ entre chaque allocution un verre de Cognac ou de Vodka. Ça,ce n’est rien, le pire c’est lorsqu’ils doivent avaler les yeux de moutons, plat d’honneur réservé aux hôtes de marque. Enfin, notre confinement n’est pas trop stressant, il est plus que supportable. Il est chez toi 22 heures et ici nous sommes déjà le 26 à 2 heures du matin alors je débranche et te souhaite une bonne nuit.

Dimanche 18- Lundi 19 Mai 2008:Transport ferroviaire, Quandiaghash - Torétam 680km.
Certainement l’étape la plus facile du Kazakhstan. Du collège à la gare, le trajet assez court nous permet d’arriver au but à 16 heures. Le départ du train est prévu à 18h15. Certainement que le Chef de gare a lu les Aventures d’Astérix pour nous imposer 2 heures d’attente. Il n’a pas assimilé encore que depuis les Gaulois bagarreurs et semeurs de pagaille, les Français ont évolué. Il ne se doute pas qu’en France l’horaire de la S.N.C.F. est un parangon d’exactitude dans le monde ferroviaire et que les Français se permettent souvent d’entrer en gare en même temps que le train. Si notre Société Nationale est un modèle du genre, nous sommes étonnés, mais ici ce n’est pas mal non plus. A 18heures précise, le K.G.V.(Kazakhstan-Grande-Vitesse) entre en gare tiré par deux motrices diesel. Nous prenons possession de nos couchettes respectives et les plus gaillards foncent au fourgon de queue pour procéder au chargement des vélos. Avec la délicatesse et la rapidité de certains de nos gars habitués à ce genre de boulot, le chargement est effectué avec seulement 7 minutes de plus que prévu. Le travail est bien fait, les vélos arrimés dans les règles de l’art ne risquent pas la moindre éraflure. Moment d’intense émotion, les cyclos à qui le wagon n° 6 était attribué, le cherchent éperdument sans résultat et pour cause, il n’y a pas de wagon n° 6. Mais la Police omniprésente et omnipotente à tôt fait de résoudre le problème, elle réquisitionne le wagon n° 5. Voila tout notre monde casé. Ce sont des compartiments à quatre couchettes comme chez nous. Une literie neuve mieux que chez nous qui sera d’autant plus appréciée qu’elle compense en partie les secousses de wagons aux amortisseurs largement amortis. Grosse lacune, tout de même qui aurait pu être catastrophique pour des non prévoyants. Il n’y a pas plus de wagon restaurant que de n°6 et là, la police qui veille sur notre bien-être, ne peut rien faire. Pour certainement nous éviter toute recherche fastidieuse et un regain de fatigue, elle nous interdit de changer de wagon. Elle veille, nous compte et nous recompte. A bout d’arguments ¨emmerdatoires¨, deux policiers affirment que nous occupons deux couchettes non attribuées et que nous devons leur rendre pour qu’ils puissent dormir. Un « Niet !» avec l’accent Frantzuski leur fait comprendre qu’ils doivent dormir dans le couloir si ça leur chante. On ne les reverra plus, ce qui ne dérangera pas notre sommeil. 650km. en se reposant, c’est appréciable, bercés par les ta-tam, ta-tam du tortillard. Ne nous moquons pas puisqu’à 9h15 avec une précision de montre Suisse, nous faisons notre entrée dans la gare de Torétam. Récupération de nos montures et direction vers le gymnase providentiel qui nous évite encore un bivouac.

Mardi 20 Mai 2008 : 57 ème étape, Torétam – Josali / 85 km.
Ma Céleste est intenable ce matin, elle à eu tellement peur dans cette geôle sans lumière où elle a passé un temps infini dans un vacarme apocalyptique. De me sentir à nouveau sur son dos, il lui pousse des ailes, et je suis obligé de la calmer afin que tout le groupe reste homogène. Un soleil radieux et irradiant nous réchauffe, puis nous chauffe, nous surchauffe et enfin nous rôtit. Je refais mes classes, et plus j’avance en âge et à vélo, plus la vérité vraie de la vie vient rectifier mon savoir. Tu vois je n’imaginais pas le désert comme ça. Bien sur le prof. m’avait appris que le soleil y tape très fort, qu’il y fait très chaud, et que parfois à l’horizon on voit des bouquets de palmiers qui n’existent pas. Ici dans notre désert, on ne voit même pas les palmiers qui n’existent pas. Les rares touffes d’herbe qui n’ont pas encore été broutées, te font de l’ombre juste pour un orteil. Heureusement lorsque l’horloge gastrique a sonné midi, de grands bâtiments ont déchiré l’horizon, nous laissant présumer d’une ombre salvatrice. C’est l’ombre d’un musée dédié à un contemporain de Jésus dénommé Korkyut, qui selon la légende aurait inventé la musique. Il nous est arrivé dans ce désert ou il n’y a rien à voir, un phénomène météorologique inattendu. Une tornade comme on en voit dans les westerns. Bien sur, pas une grosse grosse tornade, mais suffisamment puissante pour envoyer un copain dans les décors. Son forfait accompli, sans un mot d’excuse elle à continué son chemin en titubant comme une ivrogne. Nul autre incident à signaler, et c’est l’arrivée à Josali, il est 16h30. Devine où nous avons dormi ? Dans un gymnase ! On s’habitue vite à son confort, aidé par la frousse d’avoir à monter la tente. Le super luxe c’est lorsqu’il est équipé d’un sauna. Je ne te dis pas le décrassage. Suer, on ne sue pas trop, bien qu’il y fasse plus que chaud, car nous n’avons plus un goutte d’eau dans notre corps. Le désert ça dessèche son bonhomme. Mais la douche à l’eau froide si elle nous fait hésiter pour y passer, s’avère bénéfique pour notre régénération. Aaaaaaaaaaaachchcchchchchchchchchch ! que c’est bon.

Mercredi 21 Mai 2008 : 58 ème étape, Josali – Jalagash / 94km.
Le point marquant de cette journée, c’est le bornage de la route. Tu rigoles, mais une espèce de dysenterie semble secouer le peloton de spasmes gastriques et les rouleaux de Sopalin passent de main en main. Je dis de main en main pour respecter la décence, car ce n’est pas pour s’essuyer les mains, quoique parfois …. Les arrêts sont fréquents et les bornes placées de façon régulière. Mais on avance, on avance vers l’Est. Comme le disait avec justesse un hérisson qui descendait de dessus une brosse : « L’erreur est humaine !», pour nous, pas d’erreur possible, on va vers l’Est. Pour preuve première, c’est que nous devons approcher de l’Himalaya. A la dénivelée habituelle qui était de 100 à 150 mètres/jour, nous passons à 454 mètres. Tu penses on triple d’un seul coup. Ça se plisse ! Et puis et surtout il y a des rizières, et quand il y a des rizières la Chine n’est plus très loin. Un système de canaux permet l’irrigation de la steppe qui devient ainsi une immense rizière. Quand les hommes se mettent à être intelligents, il faut reconnaître qu’ils font du bon boulot. En tous cas, de voir changer un peu le paysage nous ravigote les mollets. L’étape est relativement courte, et notre moyenne relativement élevée, ce qui nous fait arriver au gymnase à 15 heures. 102÷6=17x5= 85’= 1h25’-5= 1h20’. ( Ça, c’est du calcul mental comme on en fait plus, et c’est bien dommage.) Il est 15 heures donc théoriquement à 16 heures 20’ les douches seront libre, j’ai le temps de me taper une petite ronflette. Je t’explique : nous sommes 102 cyclos qui doivent impérativement se doucher. Il y a 6 douches dans le gymnase, ce qui donne 17 cyclos par douche. A raison de 5 minutes chacun, cela fait 85 minutes soit 1heure et 25 minutes d’où je dois retirer mes 5 minutes à moi, cela fait bien 1heure 20’. Je monte le réveil et te dis à demain. P.S. : Aujourd’hui, les emmerdeurs professionnels ont du se démerder isolément. Bien fait !

Jeudi 22 Mai 2008 : 59ème étape : Jalagash – Kizil-Orda / 80km.
L’autre jour, je te disais que s’accentuait notre mimétisme avec la faune du pays. Aujourd’hui, une transformation supplémentaire vient de s’opérer. Il fait une chaleur pas tropicale mais presque. Notre Confucius cycliste disait «Il faut boire avant d’avoir soif.» La Mère Denis corroborerait cette juste assertion d’un tonitruant : « Ça c’est vrai, ça !» Le besoin créant la fonction, et partant de ce postulat, nous avons adopté le ¨Camelback¨, en Français : dos de chameau. Nous avions déjà les hanches en porte-manteau, nous avons maintenant une bosse sur le dos. Nous sommes intégrés dans le Gotha zoologique du Kazakhstan. Nous sommes devenus dromadaires. Le bled c’est le pays de la soif, tu le sais puisque tu as fait ton sapin en Afrique du Nord avec les tirailleurs Sénégalais. Ici c’est Kif-kif ! il est recommandé de boire entre 1 litre½ et 2 litres tous les vingt kilomètres, tu parles, plus que pour une coloscopie. La campagne est verte avec encore des rizières. D’énormes silos, témoignent d’une productivité qui permet aux habitants de vivre avec plus d’aisance que dans les régions que nous venons de traverser. Les villages sont plus propres, mieux équipés avec télévision par satellite en tête. Ce soir on dort à l’Hôtel, dasvidán’ye !!!!

Vendredi 23 Mai 2008 : Repos à Kizil-Orda - Absent pour tout le monde !( du moins je l’èspère)
Ce matin tout le monde est de bonne humeur, la nuit a été merveilleuse. La douche hier au soir avec l’eau chaude qui efface les douleurs, un vrai lit ou l’on peut s’étirer sans risque de se retrouver sur le plancher, la climatisation inespérée, enfin un confort d’autant plus apprécié qu’il était devenu un besoin vital. A la guerre comme à la guerre d’accord, mais l’armistice de temps en temps c’est indispensable. Cuissards, maillots et vêtements de ville ont besoin d’être mieux lavés qu’avec un filet d’eau froide. Le matériel nettoyé, révisé, graissé et réglé doit d’être parfaitement au point afin de réduire les incidents de parcours. Une remise à neuf s’impose autant pour les machines que pour les participants. Nous nous y employons toute la matinée. La laverie de l’hôtel tourne à plein régime. Mais on ne peut penser à tout, et surtout que notre linge n’est pas étiqueté nominativement, résultat nous le retrouvons en tas au milieu de la pièce. A chacun de retrouver ses ¨calcifs¨, je ne te dis pas la panique. Céleste a attendu patiemment que je m’occupe d’elle. Claude, notre mécano a changé sa chaîne, moi j’ai fait le reste. Je te prie de croire qu’on la dirait tout juste sortie du magasin. Elle est belle et le sait, seulement elle fait sa petite mijaurée avec des façons, maintenant qu’elle connait la part importante qu’elle prend dans cette aventure. Ces petits défauts de star lui sont pardonnés car si tu connaissais son comportement irréprochable… L’après midi est consacré à la visite de la ville qui n’est pas particulièrement intéressante. Pour nous distraire, il y avait un concert avec des chanteurs, des danseurs tous impeccables dans leur tenue. Le clou de la soirée, à notre grande surprise ce fut notre interprète Andreï Ivanov qui est aussi un pédaleur, pas un pédaleur en rond comme nous, lui il pédale artistiquement au piano. En virtuose de concert, il nous a interprété des morceaux de musique classique et a été longuement applaudi à la mesure de son talent.

Samedi 24 Mai 2008 : 60 ème étape, Kizil-Orda – Shiyelli / 132km.
La steppe est transformée ce matin, on se croirait à Targassonne. Cent deux miroirs se promènent, renvoyant au ciel les brillants rayons solaires. Le peloton ressemble à une concentration de lampions un soir de 14 Juillet. Ça brille de partout lorsque nous démarrons de Kizil-Orda. Les frimousses d’abord, bien bronzées elles ont perdu leur matité poussiéreuse. Les maillots et les cuissards sont dignes d’une marque de lessive bien connue, ¨antiperditiondecouleur¨, et les bicyclettes, étincelantes, on les dirait sorties tout juste du magasin. Bref, tout est remis à neuf. Ça se ressent tout de suite, la forme aidant, nous avalons 90 bornes dans la matinée. Cela ne nous empêche pas d’engloutir le pique-nique lorsque nous arrivons à l’oasis qui nous offre avec parcimonie l’ombre quelques arbres maigriots. Il ne nous reste plus que 42 km. à parcourir ce qui nous permet faire un petit roupillon avant de continuer notre méharée. Nous arrivons assez tôt et c’est tant mieux. Le décrottage sera plus long car dans notre centre d’hébergement, il n’y a pas d’eau courante, c’est nous qui devons courir après elle, pour nous laver sommairement. Mais le bain russe, genre de sauna rustique suffit pour peaufiner notre toilette et c’est peau nette et désodorisés que nous allons dîner. Le personnel se met en quatre pour nous être agréable. Surtout les femmes qui n’ont jamais côtoyé ni peut-être jamais vu ¨l’homme blanc¨. Elles veulent poser pour la postérité, et tout cela dans la joie et les rires. Bien que nous ne parlions pas la même langue, nous nous comprenons. Le langage des yeux complété par celui des mains, je te l’ai déjà dit est universel.

René Delhom

Mis en ligne vendredi 30 mai 2008

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