Mercredi 14 Mai 2008 :
53 ème étape, Makat – Mumkir / 130 km.
Le Désert, le grand soleil qui sèche tout, où seul
les chameaux et les scorpions peuvent vivre eh bien, ce n’est pas
encore ici. Pourtant j’étais motivé pour affronter
la solitude, la chaleur et la soif. Je me voyais tel René Caillé
titubant à l’entrée de Tombouctou, le mouchoir sur
la tête, have, déshydraté. Bernique mon gars ! Je
suis pris à contre-pied, c’est la flotte et la boue qui m’assaillent.
Il y a des moments où des idées de ras le bol passent fugitivement
sous mon casque. Mais un Pacha, n’a pas le droit à la déprime.
Il doit rester l’Exemple. Alors je ¨frime¨, je ne l’avoue
qu’à toi, mais y a des fois, je frime. Même Céleste,
regimbe de temps en temps. Elle doit avoir les portugaises ensablées,
car elle n’obéit plus instantanément. Il faut que
je lui secoue les manettes plusieurs fois pour qu’elle daigne freiner
ou changer de vitesse. C’est la galè ….. Allez Pacha
ressaisis-toi que diable ! Il faut regarder le bon côté des
choses. Positive mon vieux, positive ! Bon d’ac. ! Nous roulons
dans une mer.. je veux dire dans une gadoue infâme qui ¨chiscle¨
partout, comme les flaques se suivent en ligne discontinue et que l’on
y plonge jusqu’au moyeu, nous sommes mouillés mais propres.
Liberté ! Liberté chérie ! à toi mon cœur,
à toi ma vieeeuuu ! Cette chanson Pyrénéenne de fin
de repas, revient secouer ma luette lorsque je m’aperçois
que la police nous a lâché les basquets. Par force assurément,
mais on ne les a plus aux trousses et nous pouvons pédaler à
notre guise, ou au moins comme l’on peut. On ne dira pas que nous
en profitons pour admirer le paysage car l’état de la piste
ne nous permet pas de s’extasier longuement sur ces majestueuses
immensités. Notre liberté retrouvée cependant nous
y laisse glisser… tiens j’ai trouvé le mot, glisser
, aujourd’hui, c’est jour de glisse. Ça glisse de partout
et surtout sur la piste. D’ailleurs, quelques belles gamelles heureusement
sans grosse conséquence sont à enregistrer. Positivons,
continuons à positiver. Je disais donc, que nous glissions des
regards aussi brefs qu’émerveillés dans cette steppe
assez vivante toutefois. On y croise des troupeaux de chèvres où
l’odeur des boucs n’est pas différente de chez nous,
des moutons aussi, beaucoup de moutons. Enfin tous les animaux qui se
contentent de peu avec en tête évidement les dromadaires.
J’ai remarqué une chose, ils ne sont pas si élégants
que les méharis d’Afrique du Nord et du Sahara. Plus poilus
et moins sveltes, ils ne donnent pas cette impression de rapidité
que suggèrent les montures Africaines. Le téléphone
Arabe nous apprend que nos véhicules sont plantés quelque
part derrière nous. C’est vrai que ce ne sont pas des Tatras
équipés pour le Paris-Dakar, mais leurs cousins de Russie
les fameux Kamaz qu’utilisent ici les pétroliers, viennent
gentiment au secours des petits français. Je pense à ce
soir, si nous devons attendre les camions à l’étape,
ça va rouscailler drôlement. Il est prévu de bivouaquer,
et là, on n’est pas de la quille. Monter les tentes dans
l’état où nous sommes, ce ne sera pas de la tarte.
Saint Vélocio protège nous ! Un aigle plane au dessus de
nos têtes, serait-ce lui ? En tous cas, en arrivant à Mumkir,
nous avons la joie d’apprendre que le gymnase est mis à notre
disposition. C’est terrible ça, ces râleurs professionnels
qui se plaignent qu’il n’y a pas de douche ! Ils n’ont
qu’à se foutre à poil et sortir. Mince à la
fin, et je reste dans les limites de la politesse. Jamais contents ces
olibrius, pourtant il y a des robinets… d’eau froide d’accord,
mais ça lave l’eau froide aussi bien que la chaude. Que les
dames soient gênées je le comprend, mais les hommes ils n’ont
pas fait la guerre ? Ou au moins leur service militaire ?
Jeudi 15 mai 2008 : 54 ème étape,
Mumkir – Bayghanin / 130km.
Les jours se suivent et se ressemblent. Il n’y aura pas grand-chose
à raconter, puisque depuis un mois au moins c’est plat, toujours
plat, quelques ondulations de temps en temps permettent de tester notre
dérailleur. La seule nouveauté, c’est l’état
lamentable des routes-pistes. Ce ne sont plus des routes, ce ne sont pas
tout à fait des pistes. Cela ressemble à une route qui aurait
été bombardée lors de la dernière guerre.
Heureusement parfois de petites longueurs intactes de macadam souscrivent
au repos de nos lombaires. Hou ! Bon sang j’allais oublier le vent,
le grand vent de la steppe. Il souffle aujourd’hui, en ami dans
le dos. Son aide puissante nous fait encore plus regretter le mauvais
état de la route. On pourrait se taper fastoche du 50/55 à
l’heure comme Anquetil au Trophée Barrachi. Mais l’état
de la chaussée en accaparant toute notre attention, nous reconditionne
dans notre nature cyclotouristique. C'est-à-dire plus humble. Les
gendarmes accompagnateurs ne doivent pas avoir notre entrainement ni notre
endurance car on dirait que leur attention se relâche. Ils doivent
en avoir plein les leggings, nous en profitons pour retrouver notre façon
de ¨cycloter¨ à la Française. Et voila que l’inattendu
arrive. A l’entrée d’un petit village pas facile à
prononcer et encore moins à écrire, le Chef de la Willaya,
et un professeur de Français (faut avoir la vocation pour enseigner
dans ce bled) accompagné de ses élèves viennent nous
saluer avec les cadeaux d’usage. Nous en avons fait un usage aussi
rapide qu’apprécié, surtout le fromage et les beignets.
Quoique le lait de chamelle un peu plus fort en goût que le U.H.T.
de chez nous, allait très bien pour faire descendre nos bouchées
gloutonnes. Puis les enfants ont fini d’agrémenter cette
pause par leurs chants angéliques. Nous reprenons notre pédalée
fracassante en devisant sur la beauté du monde et philosophons
toujours sur le même sujet : comment peut-il y avoir des guerres
alors que sur Terre il n’y a que des gens gentils. Pense que nous
avons parcouru 6.500 kilomètres sans rencontrer l’ombre d’une
animosité quelconque. Et la philosophie nous mène au terme
de l’étape. Accueil somptueux, de Monsieur le Maire. (Je
te demande de mettre une majuscule à monsieur, car un Maire aussi
chaleureux et généreux que celui-ci, on ne le trouve pas
sous la patte d’un chameau. Merci !) D’abord il nous autorise
à laver nos vélos, et quand on sait que l’eau ici
est aussi précieuse qu’un Château Montus à Lourdes,
imagine-toi la valeur du cadeau (Calcule combien valent 102 Château
Montus et tu mesureras la grandeur du présent. Si tu n’y
arrive pas, demande à Gérard Viollet ton copain de l’Hôtel
de la Grotte, lui, te le dira.) Pour parfaire cette chaleureuse réception,
il nous est offert en sus un spectacle folklorique avec danses et tout
le toutim. Je te jure René que si les Pyrénées se
trouvaient au Kazakhstan, je déménagerais tout de suite
et m’en viendrais vivre ici.
Vendredi 16 Mai 2008 : 55 ème étape, Bayghanin- - Shubarqudig
/ 72 km.
Beau temps Stop – Grand soleil Stop - Départ tardif Stop
– Petite étape Stop – Parcours plat Stop – Vent
arrière Stop – Vitesse élevée Stop –
Police tolérante Stop – Réception habituelle Stop
– Tout va bien Stop.
Voila ! Jean-Michel Richefort notre D.T. Fédéral m’à
dit l’autre jour que je racontais très bien, mais que j’étais
un peu long, c'est-à-dire trop bavard et que dans mes messages
télépathiques il y avait du brouillage. Ça doit venir
du Contre-espionnage, car moi je me concentre et je suis la procédure
à la lettre. Il m’a dit aussi (Comme tu ne te plains pas,
je ne l’aurais jamais appris.) et je m’en excuse que ça
te fatiguait les cervelles. Si la Saga dure trop longtemps tu vas être
obligé d’aller à l’usine SEB te faire placer
une soupape dans le crâne comme celles qui tournent sur les cocottes
minutes. J’emploie un nouveau style, dis moi ce que tu en penses.
Note du Scribe : Comment veut-il que je le lui dise, je ne suis
pas émetteur, je suis récepteur.
Samedi 17 Mai 2008 : 56
ème étape, Shubarqudig – Quandiaghash / 85 km.
Salut René ! Bon j’ai lu sur lourdes–infos.com, l’étape
style télégraphique, ce n’est pas folichon. Je trouve
que c’était mieux avant, alors comme tu ne peux pas me joindre,
si tu es fatigué de mon baratin, tu déconnectes. Surtout
ne t’en fais pas pour moi, si tu décroches, j’ai le
cerveau qui s’emballe, je suis ainsi averti que j’émets
dans le vide. Petit à petit, à force de vivre dans la steppe,
une sorte d’homomorphie nous transforme, nous adoptons la morphologie
de la faune endémique. D’abord un bronzage spécial
cyclo, bien connu sous le nom de bronzage Panda, c'est-à-dire membres
noirs et ventre blanc. Un tour de taille à faire pâlir de
jalousie toutes les filles de la Star’AC., j’ai regagné
4 trous à ma ceinture. Des hanches en porte manteau, qui nous font
ressembler à des dromadaires, enfin le mimétisme complet.
Nos kilos se perdent dans cette nature qui nous en est reconnaissante
en minimisant ses plissements. Plat, c’est encore plat, mais la
température est agréable. Si l’état de la route
laisse toujours à désirer, ce n’est pas catastrophique,
un peu de concentration et ça passe bien. Heureusement qu’il
y a les Quandiaghashais et les Quandiagashaises , en cas que tu ne comprenne
pas, ce sont les habitants de Quandiaghash du moins je crois sans en être
sûr que c’est comme ça qu’ils s’appellent.
L’accueil offert par les autorités locales, est tout simplement
somptueux. A l’entrée du patelin, une délégation
nous attend, entourée de petits enfants qui agitent des drapeaux.
Tout le long de la rue, comme pour Chef d’État, des policiers
maintiennent la foule. Le collège nous est désigné
comme gîte, et, avant d’y entrer une double haie d’écoliers
nous applaudit à s’en casser les menottes. C’est gentil
tout plein. Sur le grand perron central, les policiers en tenue et tellement
médaillés que tu te demandes si ce n’est pas une côte
de maille, des civils, professeurs fonctionnaires et notables nous souhaitent
la bienvenue. Le Chef de la police dans son allocution n’oublie
pas de nous faire connaitre son érudition en citant un méli-mélo
de célébrités Françaises. Je te les donnes
dans le désordre, mais il y a, Chirac, Robespierre, Zinedine Zidane,
Victor Hugo et même notre Président Fédéral
Dominique Lamouller plus connu ici que le Président de la République.
Qu’elle notoriété ! Terminant son homélie,
il signale qu’il nous est interdit de sortir de l’enceinte
du collège, elle est gardée. Mais il a du penser que cette
contrainte pouvait nuire aux relations diplomatiques. Pour compenser,
il comble notre incarcération par de délicieux et copieux
repas. Des plats du pays comme il se doit. Saucissons de cheval, viande
de mouton avec des pâtes enfin tout ce qu’il faut pour rassasier
des cyclos à l’appétit solide. Nous avons droit aussi
à des concerts. Le Grand Chef est pardonné ! Amen. Quatre
des nôtres sont invités dans un salon privé par les
Huiles locales, Maire, Député, chef de la police et tutti
quanti. Ils souffrent les pauvres. Ils doivent se ¨fader¨ entre
chaque allocution un verre de Cognac ou de Vodka. Ça,ce n’est
rien, le pire c’est lorsqu’ils doivent avaler les yeux de
moutons, plat d’honneur réservé aux hôtes de
marque. Enfin, notre confinement n’est pas trop stressant, il est
plus que supportable. Il est chez toi 22 heures et ici nous sommes déjà
le 26 à 2 heures du matin alors je débranche et te souhaite
une bonne nuit.
Dimanche 18- Lundi 19 Mai 2008:Transport
ferroviaire, Quandiaghash - Torétam 680km.
Certainement l’étape la plus facile du Kazakhstan. Du collège
à la gare, le trajet assez court nous permet d’arriver au
but à 16 heures. Le départ du train est prévu à
18h15. Certainement que le Chef de gare a lu les Aventures d’Astérix
pour nous imposer 2 heures d’attente. Il n’a pas assimilé
encore que depuis les Gaulois bagarreurs et semeurs de pagaille, les Français
ont évolué. Il ne se doute pas qu’en France l’horaire
de la S.N.C.F. est un parangon d’exactitude dans le monde ferroviaire
et que les Français se permettent souvent d’entrer en gare
en même temps que le train. Si notre Société Nationale
est un modèle du genre, nous sommes étonnés, mais
ici ce n’est pas mal non plus. A 18heures précise, le K.G.V.(Kazakhstan-Grande-Vitesse)
entre en gare tiré par deux motrices diesel. Nous prenons possession
de nos couchettes respectives et les plus gaillards foncent au fourgon
de queue pour procéder au chargement des vélos. Avec la
délicatesse et la rapidité de certains de nos gars habitués
à ce genre de boulot, le chargement est effectué avec seulement
7 minutes de plus que prévu. Le travail est bien fait, les vélos
arrimés dans les règles de l’art ne risquent pas la
moindre éraflure. Moment d’intense émotion, les cyclos
à qui le wagon n° 6 était attribué, le cherchent
éperdument sans résultat et pour cause, il n’y a pas
de wagon n° 6. Mais la Police omniprésente et omnipotente à
tôt fait de résoudre le problème, elle réquisitionne
le wagon n° 5. Voila tout notre monde casé. Ce sont des compartiments
à quatre couchettes comme chez nous. Une literie neuve mieux que
chez nous qui sera d’autant plus appréciée qu’elle
compense en partie les secousses de wagons aux amortisseurs largement
amortis. Grosse lacune, tout de même qui aurait pu être catastrophique
pour des non prévoyants. Il n’y a pas plus de wagon restaurant
que de n°6 et là, la police qui veille sur notre bien-être,
ne peut rien faire. Pour certainement nous éviter toute recherche
fastidieuse et un regain de fatigue, elle nous interdit de changer de
wagon. Elle veille, nous compte et nous recompte. A bout d’arguments
¨emmerdatoires¨, deux policiers affirment que nous occupons deux
couchettes non attribuées et que nous devons leur rendre pour qu’ils
puissent dormir. Un « Niet !» avec l’accent Frantzuski
leur fait comprendre qu’ils doivent dormir dans le couloir si ça
leur chante. On ne les reverra plus, ce qui ne dérangera pas notre
sommeil. 650km. en se reposant, c’est appréciable, bercés
par les ta-tam, ta-tam du tortillard. Ne nous moquons pas puisqu’à
9h15 avec une précision de montre Suisse, nous faisons notre entrée
dans la gare de Torétam. Récupération de nos montures
et direction vers le gymnase providentiel qui nous évite encore
un bivouac.
Mardi 20 Mai 2008 : 57 ème étape,
Torétam – Josali / 85 km.
Ma Céleste est intenable ce matin, elle à eu tellement peur
dans cette geôle sans lumière où elle a passé
un temps infini dans un vacarme apocalyptique. De me sentir à nouveau
sur son dos, il lui pousse des ailes, et je suis obligé de la calmer
afin que tout le groupe reste homogène. Un soleil radieux et irradiant
nous réchauffe, puis nous chauffe, nous surchauffe et enfin nous
rôtit. Je refais mes classes, et plus j’avance en âge
et à vélo, plus la vérité vraie de la vie
vient rectifier mon savoir. Tu vois je n’imaginais pas le désert
comme ça. Bien sur le prof. m’avait appris que le soleil
y tape très fort, qu’il y fait très chaud, et que
parfois à l’horizon on voit des bouquets de palmiers qui
n’existent pas. Ici dans notre désert, on ne voit même
pas les palmiers qui n’existent pas. Les rares touffes d’herbe
qui n’ont pas encore été broutées, te font
de l’ombre juste pour un orteil. Heureusement lorsque l’horloge
gastrique a sonné midi, de grands bâtiments ont déchiré
l’horizon, nous laissant présumer d’une ombre salvatrice.
C’est l’ombre d’un musée dédié
à un contemporain de Jésus dénommé Korkyut,
qui selon la légende aurait inventé la musique. Il nous
est arrivé dans ce désert ou il n’y a rien à
voir, un phénomène météorologique inattendu.
Une tornade comme on en voit dans les westerns. Bien sur, pas une grosse
grosse tornade, mais suffisamment puissante pour envoyer un copain dans
les décors. Son forfait accompli, sans un mot d’excuse elle
à continué son chemin en titubant comme une ivrogne. Nul
autre incident à signaler, et c’est l’arrivée
à Josali, il est 16h30. Devine où nous avons dormi ? Dans
un gymnase ! On s’habitue vite à son confort, aidé
par la frousse d’avoir à monter la tente. Le super luxe c’est
lorsqu’il est équipé d’un sauna. Je ne te dis
pas le décrassage. Suer, on ne sue pas trop, bien qu’il y
fasse plus que chaud, car nous n’avons plus un goutte d’eau
dans notre corps. Le désert ça dessèche son bonhomme.
Mais la douche à l’eau froide si elle nous fait hésiter
pour y passer, s’avère bénéfique pour notre
régénération. Aaaaaaaaaaaachchcchchchchchchchchch
! que c’est bon.
Mercredi 21 Mai 2008 : 58 ème étape,
Josali – Jalagash / 94km.
Le point marquant de cette journée, c’est le bornage de la
route. Tu rigoles, mais une espèce de dysenterie semble secouer
le peloton de spasmes gastriques et les rouleaux de Sopalin passent de
main en main. Je dis de main en main pour respecter la décence,
car ce n’est pas pour s’essuyer les mains, quoique parfois
…. Les arrêts sont fréquents et les bornes placées
de façon régulière. Mais on avance, on avance vers
l’Est. Comme le disait avec justesse un hérisson qui descendait
de dessus une brosse : « L’erreur est humaine !», pour
nous, pas d’erreur possible, on va vers l’Est. Pour preuve
première, c’est que nous devons approcher de l’Himalaya.
A la dénivelée habituelle qui était de 100 à
150 mètres/jour, nous passons à 454 mètres. Tu penses
on triple d’un seul coup. Ça se plisse ! Et puis et surtout
il y a des rizières, et quand il y a des rizières la Chine
n’est plus très loin. Un système de canaux permet
l’irrigation de la steppe qui devient ainsi une immense rizière.
Quand les hommes se mettent à être intelligents, il faut
reconnaître qu’ils font du bon boulot. En tous cas, de voir
changer un peu le paysage nous ravigote les mollets. L’étape
est relativement courte, et notre moyenne relativement élevée,
ce qui nous fait arriver au gymnase à 15 heures. 102÷6=17x5=
85’= 1h25’-5= 1h20’. ( Ça, c’est du calcul
mental comme on en fait plus, et c’est bien dommage.) Il est 15
heures donc théoriquement à 16 heures 20’ les douches
seront libre, j’ai le temps de me taper une petite ronflette. Je
t’explique : nous sommes 102 cyclos qui doivent impérativement
se doucher. Il y a 6 douches dans le gymnase, ce qui donne 17 cyclos par
douche. A raison de 5 minutes chacun, cela fait 85 minutes soit 1heure
et 25 minutes d’où je dois retirer mes 5 minutes à
moi, cela fait bien 1heure 20’. Je monte le réveil et te
dis à demain. P.S. : Aujourd’hui, les emmerdeurs professionnels
ont du se démerder isolément. Bien fait !
Jeudi 22 Mai 2008 : 59ème étape
: Jalagash – Kizil-Orda / 80km.
L’autre jour, je te disais que s’accentuait notre mimétisme
avec la faune du pays. Aujourd’hui, une transformation supplémentaire
vient de s’opérer. Il fait une chaleur pas tropicale mais
presque. Notre Confucius cycliste disait «Il faut boire avant d’avoir
soif.» La Mère Denis corroborerait cette juste assertion
d’un tonitruant : « Ça c’est vrai, ça
!» Le besoin créant la fonction, et partant de ce postulat,
nous avons adopté le ¨Camelback¨, en Français :
dos de chameau. Nous avions déjà les hanches en porte-manteau,
nous avons maintenant une bosse sur le dos. Nous sommes intégrés
dans le Gotha zoologique du Kazakhstan. Nous sommes devenus dromadaires.
Le bled c’est le pays de la soif, tu le sais puisque tu as fait
ton sapin en Afrique du Nord avec les tirailleurs Sénégalais.
Ici c’est Kif-kif ! il est recommandé de boire entre 1 litre½
et 2 litres tous les vingt kilomètres, tu parles, plus que pour
une coloscopie. La campagne est verte avec encore des rizières.
D’énormes silos, témoignent d’une productivité
qui permet aux habitants de vivre avec plus d’aisance que dans les
régions que nous venons de traverser. Les villages sont plus propres,
mieux équipés avec télévision par satellite
en tête. Ce soir on dort à l’Hôtel, dasvidán’ye
!!!!
Vendredi 23 Mai 2008
: Repos à Kizil-Orda - Absent pour tout le monde !( du moins je
l’èspère)
Ce matin tout le monde est de bonne humeur, la nuit a été
merveilleuse. La douche hier au soir avec l’eau chaude qui efface
les douleurs, un vrai lit ou l’on peut s’étirer sans
risque de se retrouver sur le plancher, la climatisation inespérée,
enfin un confort d’autant plus apprécié qu’il
était devenu un besoin vital. A la guerre comme à la guerre
d’accord, mais l’armistice de temps en temps c’est indispensable.
Cuissards, maillots et vêtements de ville ont besoin d’être
mieux lavés qu’avec un filet d’eau froide. Le matériel
nettoyé, révisé, graissé et réglé
doit d’être parfaitement au point afin de réduire les
incidents de parcours. Une remise à neuf s’impose autant
pour les machines que pour les participants. Nous nous y employons toute
la matinée. La laverie de l’hôtel tourne à plein
régime. Mais on ne peut penser à tout, et surtout que notre
linge n’est pas étiqueté nominativement, résultat
nous le retrouvons en tas au milieu de la pièce. A chacun de retrouver
ses ¨calcifs¨, je ne te dis pas la panique. Céleste a attendu
patiemment que je m’occupe d’elle. Claude, notre mécano
a changé sa chaîne, moi j’ai fait le reste. Je te prie
de croire qu’on la dirait tout juste sortie du magasin. Elle est
belle et le sait, seulement elle fait sa petite mijaurée avec des
façons, maintenant qu’elle connait la part importante qu’elle
prend dans cette aventure. Ces petits défauts de star lui sont
pardonnés car si tu connaissais son comportement irréprochable…
L’après midi est consacré à la visite de la
ville qui n’est pas particulièrement intéressante.
Pour nous distraire, il y avait un concert avec des chanteurs, des danseurs
tous impeccables dans leur tenue. Le clou de la soirée, à
notre grande surprise ce fut notre interprète Andreï Ivanov
qui est aussi un pédaleur, pas un pédaleur en rond comme
nous, lui il pédale artistiquement au piano. En virtuose de concert,
il nous a interprété des morceaux de musique classique et
a été longuement applaudi à la mesure de son talent.
Samedi 24 Mai 2008 : 60 ème étape,
Kizil-Orda – Shiyelli / 132km.
La steppe est transformée ce matin, on se croirait à Targassonne.
Cent deux miroirs se promènent, renvoyant au ciel les brillants
rayons solaires. Le peloton ressemble à une concentration de lampions
un soir de 14 Juillet. Ça brille de partout lorsque nous démarrons
de Kizil-Orda. Les frimousses d’abord, bien bronzées elles
ont perdu leur matité poussiéreuse. Les maillots et les
cuissards sont dignes d’une marque de lessive bien connue, ¨antiperditiondecouleur¨,
et les bicyclettes, étincelantes, on les dirait sorties tout juste
du magasin. Bref, tout est remis à neuf. Ça se ressent tout
de suite, la forme aidant, nous avalons 90 bornes dans la matinée.
Cela ne nous empêche pas d’engloutir le pique-nique lorsque
nous arrivons à l’oasis qui nous offre avec parcimonie l’ombre
quelques arbres maigriots. Il ne nous reste plus que 42 km. à parcourir
ce qui nous permet faire un petit roupillon avant de continuer notre méharée.
Nous arrivons assez tôt et c’est tant mieux. Le décrottage
sera plus long car dans notre centre d’hébergement, il n’y
a pas d’eau courante, c’est nous qui devons courir après
elle, pour nous laver sommairement. Mais le bain russe, genre de sauna
rustique suffit pour peaufiner notre toilette et c’est peau nette
et désodorisés que nous allons dîner. Le personnel
se met en quatre pour nous être agréable. Surtout les femmes
qui n’ont jamais côtoyé ni peut-être jamais vu
¨l’homme blanc¨. Elles veulent poser pour la postérité,
et tout cela dans la joie et les rires. Bien que nous ne parlions pas
la même langue, nous nous comprenons. Le langage des yeux complété
par celui des mains, je te l’ai déjà dit est universel.
René Delhom |