Le symposium « écolo » aura-t-il lieu à Luchon ?

 

Depuis plusieurs semaines nous savions que l’ADET-Pays de l’ours, FERUS et le WWF allaient organiser un symposium à Luchon du 15 au 17 mai dans le cadre des mesures de financement européen Life-Coex. Cette manifestation était considérée par beaucoup d’éleveurs et syndicats agricoles comme « une nouvelle provocation des pro-ours » malgré qu’une intervention de 20 minutes sur 3 jours de colloque ait été réservée aux opposants.

 

Qu’est-ce que Life-Coex ?

LIFE, créé en 1992, est un outil financier de l'Union Européenne dédié à l'environnement. Il permet 3 types de co-financements :

·        LIFE-Nature dédié au financement de la directive " Oiseaux " et la directive " habitats " dite Natura 2000.

·        LIFE-Environnement participe au développement de techniques et méthodes novatrices ainsi qu'au développement de la politique communautaire.

·        LIFE-Pays Tiers en direction de pays riverains en particulier de la mer Méditerranée et de la mer Baltique.

LIFE-Coex est un programme LIFE-Nature qui a pour objectif de " partir d'une approche participative de tous les acteurs concernés, de faciliter la mise en œuvre des conditions légales et socio-économiques nécessaires à la conservation des grands carnivores dans les régions ciblées, en diminuant les situations de conflit qui affectent la protection de ces espèces. "

Dès cette définition, nous voyons déjà de nombreux malentendus.

Constatant que dans la liste des partenaires, le milieu de l'élevage français est totalement exclu. Les partenaires Life tel que l’ACP ne comptent guère plus de 5 éleveurs et le FIEP une dizaine dans le cadre du fromage "Pe Descaous". Partant de ce constat, il est pour le moins difficile d'imaginer "une approche participative de tous les acteurs concernés."

A noter que ce montage a été réalisé avant les conflits majeurs de 2004, que depuis, rien n'a été fait pour rentrer en dialogue ? Ce qui est normal, puisque les associations et syndicats représentatifs d'éleveurs sont, par définition, exclus du partenariat. De plus, depuis 2005, ces associations ont tout fait pour faire disparaître la seule structure de dialogue des Pyrénées qu’est l'IPHB.

 

Face à ce contexte, il était peu probable que les partenaires français de LIFE Coex puissent aboutir à des résultats positifs compte tenu de la totale absence de volonté du milieu pastoral à vouloir collaborer avec les associations de protection de la nature qui, de leur côté, ne se sont jamais beaucoup investies dans le dialogue et l'échange.

 

Devant cette situation, il aurait peut-être été judicieux, soit de changer de méthode soit arrêter immédiatement des financements dont on sait qu'ils partent à fonds perdus sauf pour mener une propagande - comme le font le WWF et FERUS en diffusant leurs questionnaires dans les vallées - ressentie comme une provocation.

 

De leur côté, la majorité des éleveurs et des acteurs des territoires pyrénéens ne se sentent absolument pas concernés par des projets associatifs qui n’ont aucune volonté de faire participer. Et combien même que cette volonté existe, les acteurs territoriaux estiment que c’est à l’Etat d’assumer ses responsabilités et ses choix  et non à des associations qui constituent des nébuleuses financières comme le précisent divers rapports parlementaires et l’inspection générale des finances et de l’environnement.

Pourquoi Luchon ?

Parce que Luchon incarne l’ours. Son ancien maire avait pris des engagements avant les élections. Et puis Luchon est une image européenne, la « petite reine des Pyrénées ». Cela fait bien sur un carton d’invitation et cela redore le blason d’associations qui n’ont strictement aucun bilan à présenter. Mais en attendant, au final, comme le faisait remarquer le président du Conseil Général de l’Ariège, Augustin Bonrepeau, dans un rapport de mission de l’Assemblée Nationale, c’est le contribuable français ou européen qui paie.

 

L’analyse du programme de ce symposium n’a rien d’extraordinaire et n’apportera pas grand-chose à la connaissance. Comme le faisait remarquer un éleveur des Hautes-Pyrénées, « ils n’en font pas beaucoup plus que nous au cours de nos fêtes de transhumance » ou cet autre « on en voit autant à la fête des côtelettes de Luz et encore c’est plus festif. » Si ce symposium n’apporte rien, pourquoi s’inquiéter ?

 

Samedi dernier, lors de son Conseil d‘Administration à Tarbes, l’ADDIP a pris la décision d’ignorer ce colloque et surtout de ne pas y participer. « Y participer serait cautionner quelque chose qui ne représente rien. Ils nous ont eus dans les voyages en Asturies et dans le Trentin en prétendant dans la revue « Empreinte » du Ministère de l’Ecologie le contraire de ce que nous avons dit, nous n’allons pas encore une fois nous faire rouler dans la farine » nous dit un administrateur. Et puis, « nous n’avons rien à voir avec ces associations. Notre interlocuteur c’est l’Etat. »

 

Mais pour d’autres éleveurs plus radicaux, c’est une affaire de symbolique. « Venir nous provoquer dans nos montagnes, il n’en est pas question » nous dit un Ariégeois. Et celui-ci de la vallée de la Garonne « on leur mettra le feu »

Mettre le feu !

L’affaire a été jugée suffisamment sérieuse pour que le président de l’ADDIP ait pris l’initiative de prévenir le maire de Luchon et diverses autorités dont le Préfet de la Haute-Garonne dans un courrier datant du 22 avril dernier. Nous pouvons y lire notamment :

 

« Alors que  les ours (les plus grands carnivores d’Europe), lâchés contre la volonté des habitants, attaquent sans cesse les troupeaux, entraînent des pertes importantes d’animaux. et mettent en danger l’avenir du pastoralisme et de toute l'agriculture de montagne, la tenue d’un tel rassemblement  sur une commune du massif pyrénéen est ressentie par beaucoup comme une énième provocation des associations pro-ours. » Plus loin, le Président Lacube précise :

« Diverses informations nous parviennent aujourd’hui selon lesquelles certaines actions « coups de poing » se prépareraient autour de cette manifestation, actions que nous ne cautionnons évidemment pas mais que la situation de désespoir vécue sur le terrain rend prévisible. »

 

Nous pouvons imaginer que cet éleveur ariégeois par ailleurs porte parole de l’ASPAP est particulièrement bien informé sur les intentions de ses troupes. Même s’il ne les approuve pas, nous pouvons déjà penser qu’il les comprend. Même son de cloche du côté du Luchonnais Francis Ader ou de la Bigourdane Marie-Lise Broueilh. A l’évidence, ces dirigeants responsables souhaitent rester dans la légalité et agir pacifiquement malgré une base chauffée à blanc contre les « importateurs d’ours »

 

Dans cette lettre que nous avons pu consulter, il est également dit  que « A l’heure où les conclusions de l’évaluation du plan ours sont attendues avec beaucoup de détermination par les populations de ce massif ; à l’heure où son avenir est suspendu à la décision de l’Etat de continuer ou pas le plan ours, la colère des Pyrénéens monte dans les vallées de voir certains venir théoriser sur l’ours chez nous, dans les Pyrénées. »

 

Eh oui, dans les estives confrontées à un ours, on n’a pas le temps de théoriser. Il faut agir vite, parfois très vite. D’où cette conclusion qui invite à la sagesse adressée au maire de Luchon mais aussi au Préfet, « nous vous demandons, …., pour ne pas abonder dans cette provocation et surtout pour éviter que votre commune ne souffre d’actions que nous regrettons par avance, d’annuler au nom de la sécurité publique la tenue de cet évènement. »

 

Aujourd’hui, la question est de savoir si Préfet et Maire écouteront cette supplique d’un Président de l’ADDIP qui, manifestement, pourrait bien se faire dépasser par sa base excédée, non pas par des exigences environnementales mais par des prétentions de ceux qu’ils appellent « les talibans de l’écologie ».

 

A suivre dans quelques jours…. Mais cette ambiance est bien la preuve d’un total échec de ce financement européen dont l’objectif était de tendre vers une certaine coexistence entre acteurs locaux tels que les bergers et les grands prédateurs comme l’ours et le loup.

 

En savoir plus sur Life-Coex : http://www.pyrenees-pireneus.com/OURS-LIFE.htm

 

Louis Dollo