La dictature serait-elle à notre porte ?

Si tous les militants politiques ou tous pratiquants d'une religion devaient vivre clandestinement pour éviter de perdre leur emploi…. Et s'ils devaient s'abstenir d'avoir une vie sociale et de participer librement à des activités associatives, nous serions bien sous un régime de dictature d'extrême droite ou d'extrême gauche. Mais au pays des droits l'homme, une telle situation n'est pas possible. Et pourtant !


Gilbert Castet

C'est ce qui arrive à Gilbert Castet, ce retraité, ancien arsenaliste qui, pour occuper sa retraite utilement s'est engagé au sein de l'Union départementale de la Confédération Syndicale des Familles pour aider ceux qui sont dans le besoin. Et il s'est acquitté de cette tâche en représentant les locataires, en aidant à faire des démarches sociales diverses notamment auprès du service social de la mairie de Tarbes où " on n'a jamais demandé la carte d'un parti politique à qui ce soit pour être aidé. "

Tout marchait bien jusqu'à ce jour de début janvier où il décide de se présenter aux élections cantonales comme suppléant d'Andrée Doubrère. Quoi de plus normal que de vouloir s'engager plus avant dans la vie de la cité en se présentant à une élection cantonale. Chacun est libre de ses idées, ses opinions, ses engagements. Le problème est que ce n'est pas tout à fait l'avis de l'association dont il fait partie.

Dès parution dans la presse de ses engagements avec une candidate " affichée de droite ", Gilbert Castet fait l'objet de pressions de plus en plus pressantes pour démissionner ou à défaut " être exclu de l'association ". Andrée Doubrère "indignée… mes valeurs humaines ne sont pas à remettre en cause. J'ai œuvré dans des associations, vous avez eu l'occasion d'apprécier le travail que j'ai fait " nous dit-elle.
" Quelle incompatibilité ? Aujourd'hui être accusé de s'afficher à droite… "

Mais Gilbert Castet tient bon. On ne transige pas avec la liberté d'opinion. Il entre en résistance et attaque en demandant, le 21 janvier, au Président de la CSF de " confirmer très précisément, de façon officielle, et par écrit votre désir de me voir démissionner… "


Andrée Doubrère et Gilbert Castet, candidats canton Tarbes III

Toutes personnes censées auraient flairé le piège d'une telle lettre. Mais non ! Le conseil Syndical de la CSF insiste le 31 janvier et évoque des motifs pour le moins surprenant tels que :

  • " surprise d'apprendre par voie de presse…. Avec une candidate affichée clairement à droite… " Il aurait sans doute été de bon ton que Monsieur Castet demande au Conseil Syndical l'autorisation de s'afficher avec une candidate de droite. Par contre, il est normal que Monsieur Castet et la CSF fassent des démarches auprès de cette élue de droite, dans un conseil municipal de droite pour effectuer des démarches à caractère social de droite pour des familles en difficulté. " Comme si le social est de droite ou de gauche ".
  • " … cet engagement politique… est incompatible avec les orientations et les valeurs que tout militant doit défendre au nom de la CSF. " Il faut donc avoir la carte d'un parti politique de gauche pour être militant de cette association ? Curieuse conception de la liberté de penser et de la liberté d'opinion. En fait, dans cette association l'un des buts est de défendre les consommateurs et les locataires. Mais, au-delà, c'est aussi " faire appliquer et avancer les droits des familles." Action pour laquelle il faut impérativement être " en faveur de l'économie socialiste qui s'oppose au capitalisme " donc à la droite. Seul un homme de gauche peut porter ces valeurs. Assez restrictif comme raisonnement.
  • Choisir entre sa candidature et son action au sein de la CSF. Là encore, les notions de liberté de penser et d'opinion sont quelque peu bousculées. Mais qu'importe. Manifestement, pour cette association, la fin justifie les moyens pour parvenir au but ultime de " l'économie socialiste. "

Mais comme Gilbert Castet fait de la résistance, il ne répond pas. Il avait raison, car le meilleur était à venir. Par lettre du 12 février il apprend que le Conseil Fédéral des 1 et 2 février 2008 a rédigé des recommandations qui affirment la " nécessité de démissionner des mandats de représentant CSF " pour les élections politiques. Voilà que la CSF taille un costume sur mesure à Gilbert Castet. Ça au moins, c'est de la démocratie probablement trouvée dans une fabrique d'amateurs de médiocre facture.

En fait, Gilbert Castet devait avoir été négligeant. En effet, il fallait lire tous les statuts et ne pas se limiter à l'action visible. Il y est clairement question " d'économie socialiste " comme rappelé ci-dessus, et l'objet est bien annoncé : " prendre clairement position en faveur de l'économie socialiste qui s'oppose au capitalisme. " Néanmoins il est dit que la " confédération se définit aussi comme laïque, respectant la liberté de conscience et les religions, elle ne lie pas sa doctrine et son action à une métaphysique. " Ce n'est pas très évident à la lecture des lettres du Président Caperaa.

Gilbert Castet nous dit avoir " milité en tant que défenseur des consommateurs et des locataires, pas à un parti politique… On me reproche d'être le suppléant d'une candidate de droite…. Quelle différence entre le social de droite et de gauche lorsqu'on aide des personnes en difficulté ? "

Et de développer la notion de liberté d'opinion clairement défini dans l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme : " Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. " Quelle loi interdit au membre d'une association, de se présenter à une élection ? Il y de quoi s'interroger sur l'exercice de la liberté d'opinion.

Et l'article 4 est encore plus précis : " La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. " Or les statuts, annexes, délibération d'une association ne sont pas la Loi. Tout ce qui n'est pas interdit par la Loi est autorisé. Et l'article 11 va encore plus loin : " La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. " Le fait de se présenter à des élections cantonales nuit-il à autrui ? Si oui, de quelle manière ?

D'où l'indignation d'Andrée Doubrère face aux pressions dont fait l'objet son suppléant. Pour elle " c'est révoltant de subir ces pressions depuis un mois et demi…. Faut-il posséder une carte à gauche pour appartenir à certaines associations ? La gauche a-t-elle le monopole du cœur ? " Autant de question de la part de la candidate qui va plus loin encore. " Fabrique démocratique ?.... C'est ignoble et indigne. " Et elle poursuit : " J'espère pouvoir compter sur le bon sens des Tarbais surtout de ce canton. " (NDLR: Canton III de Tarbes)

Gilbert Castet précise que " jamais cette association n'a défendu les arsenalistes en difficulté. J'y suis allé à titre personnel. " Et il affirme qu'il " ne s'arrêtera pas là. Ça ira plus loin. " Il ne cache d'ailleurs pas ses intentions face à la décision du président Caperra de lui retirer ses représentations. Il fait clairement référence à l'article L421-9 du Code de la construction et de l'habitation qui stipule notamment :

" Les représentants des locataires au conseil d'administration de l'office sont élus sur des listes de candidats présentées par des associations oeuvrant dans le domaine du logement.
" Ces associations doivent être indépendantes de tout parti politique ou organisation à caractère philosophique, confessionnel, ethnique ou racial et ne pas poursuivre des intérêts collectifs qui seraient en contradiction avec les objectifs du logement social fixés par le code de la construction et de l'habitation, et notamment par les articles L. 411 et L. 441, ou du droit à la ville défini par la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville. "

Voilà une affaire qui n'est probablement pas terminée et qui pourrait bien avoir des implications au-delà des seules élections cantonales et municipales. Mais il est clair qu'à Tarbes, certaines associations sont réservées….

Au fait, qui finance la Confédération Syndicale des Familles à Tarbes ? " Je ne voulais pas en parler " nous dit Andrée Doubrère. Mais Gilbert Castet précise : " Les cotisations des membres et 800 Euros de subventions de… la mairie de Tarbes. Rien du Grand Tarbes ni du Conseil Général. " En somme, " lorsqu'il s'agit d'argent, il est naturel de s'afficher avec la droite même lorsqu'on est de gauche. "


Texte et photos : Louis Dollo

Extrait de la déclaration des droits de l'homme (annexé à la Constitution)


Art. 2. -
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression

Art. 4. -
La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

Art. 10. -
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi.

Art. 11. -
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

La totalité du texte est consultable sur le site du Conseil Constitutionnel

Article L421-9 du Code de la construction et de l'habitation (Modifié par Ordonnance n°2007-137 du 1 février 2007 - art. 1)


Les représentants des locataires au conseil d'administration de l'office sont élus sur des listes de candidats présentées par des associations oeuvrant dans le domaine du logement.

Ces associations doivent être indépendantes de tout parti politique ou organisation à caractère philosophique, confessionnel, ethnique ou racial et ne pas poursuivre des intérêts collectifs qui seraient en contradiction avec les objectifs du logement social fixés par le code de la construction et de l'habitation, et notamment par les articles L. 411 et L. 441, ou du droit à la ville défini par la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville.

En cas de fusion de plusieurs offices publics de l'habitat, et jusqu'à l'élection qui suit, les membres élus par les locataires dans les conseils d'administration des offices ayant concouru à la fusion désignent parmi eux les locataires appelés à siéger dans le nouveau conseil d'administration. A défaut, ces derniers sont désignés par le préfet.
Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.

Source : Légifrance / Code de la construction et de l'habitation