Toulouse, le 19 mai 2008 Monsieur François FILLON Premier ministre 57 rue de Varenne 75007 PARIS Monsieur le Premier ministre, Des informations concordantes et publiques nous amènent à vous saisir des menaces lourdes qui pèsent aujourd’hui sur l’avenir de l’industrie aéronautique, nationale et européenne confirmant les craintes que nous n’avons cessé d’exprimer depuis deux ans. Le terme mis aux opérations de cession
des sites de Méaulte et de St Nazaire Ville, en parallélisme avec
les décisions prises pour les sites allemands, s’il répond à un souci apparent d’équilibre légitime
défendu par les personnels d’Airbus – la vente des sites anglais n’a
pas été interrompue - ne constitue
qu’une étape dans le processus annoncé. Or celui-ci est extrêmement
préoccupant pour l’avenir de la filière aéronautique dans la mesure
où EADS ne revient pas en même temps sur ses intentions affichées
dans Power 8. Ces sites seront filialisés et revendus ultérieurement
annonce EADS. Latécoère écarté, seuls des groupes étrangers seraient
alors en mesure de procéder à leur acquisition. Cette perte de contrôle
et la disparition du seul sous-traitant français de niveau 1 en mesure
de peser dans la répartition des charges mettent gravement en jeu
le devenir de toute la filière française. Au delà, certaines charges de production envisagées pour les sous-traitants
nationaux et européens sont maintenant orientées vers des entreprises
américaines, Spirit notamment, ou situées en zone dollar. L’attribution
de lots importants du programme A350 à ces entreprises – les décisions
récentes prises pour l’attribution de la production du fuselage par
exemple - et les délocalisations de production du programme A330 avec
l’implantation d’une chaîne de montage aux USA confirment ces craintes. Le Gouvernement, qui ne peut demeurer spectateur de ces évolutions
doit, de surcroît examiner les conséquences pour Latécoère du changement
de stratégie d’EADS dont il semble démontré qu’il relève davantage
de l’impossibilité de la vente des sites allemands que de la fiabilité
du projet. En tout état de cause sa recapitalisation doit être contrôlée
afin qu’elle ne débouche pas, à terme, par le jeu de nouveaux partenaires,
éventuellement orientés par le Ministère de l’Economie, de l’Industrie
et de l’Emploi, vers des délocalisations supplémentaires y compris
dans des pays cherchant à développer des activités de haute technologie
en vue de préparer l’après pétrole… Les Etats actionnaires, et en priorité la France, au moment où elle
s’apprête à exercer la Présidence de l’Union européenne, ne peuvent
renoncer à conduire une véritable politique industrielle et laisser
le seul jeu des financements spéculatifs s’y substituer au détriment
de nos économies, de nos territoires et de l’emploi. Il convient donc
d’obtenir d’urgence de la gouvernance des groupes Airbus et EADS qu’elle
reconsidère ses décisions et qu’elle affiche clairement la politique
qu’elle conduit ainsi que sa cohérence avec ces objectifs majeurs. Les engagements
que vous avez pris pour la défense des intérêts français ne sont pas
respectés. Nous nous interrogeons légitimement sur le suivi des annonces
que vous faisiez en octobre dernier affirmant disposer des moyens
financiers pour constituer des « champions nationaux » susceptibles
de reprendre et de développer les sites français d’Airbus et d’EADS
mis en vente et ceux nécessaires à la restructuration de la filière.
Nous avions dit
non seulement que les montants annoncés étaient manifestement insuffisants
mais que la crise, masquée par les plans de charge en cours d’exécution,
ne serait pas longue à se révéler. Nous y sommes hélas, ou tout du
moins, nous sommes dans ses prémices avancés. Face à des perspectives aussi inquiétantes, nous en appelons à la responsabilité
de l’Etat, actionnaire principal, afin qu’il prenne toutes les dispositions
pour mettre un terme à cette situation de crise dont les conséquences
seraient désastreuses pour notre industrie et l’emploi si des décisions
énergiques de politique industrielle ne sont pas rapidement prises.
A l’évidence les mesures successivement annoncées, voire mises en
œuvre, depuis la visite de votre prédécesseur le 14 novembre 2006
à Toulouse et par vous-même depuis votre installation à Matignon,
ne répondent pas à l’ampleur des problèmes posés. Nous vous demandons, en tant qu’actionnaire, de bien vouloir faire
reconsidérer d’une part l’implication des équipementiers nationaux,
en particulier Latécoère, Daher et Socata, dans les futurs programmes
d’Airbus, d’autre part, de rechercher des solutions financières les
mettant à l’abri d’un risque d’Offre Publique d’Achat et de mettre
un terme au démantèlement de la filière qui s’annonce par des dispositifs
adaptés au vaste tissu de la sous traitance. Nous insistons par ailleurs pour qu’un groupe permanent soit
constitué dans les meilleurs délais, sous votre autorité, regroupant
les représentants d’AIRBUS et EADS, ceux des industriels et des organisations
syndicales, des élus, ceux des collectivités locales très largement
impliquées dans le soutien à la filière aéronautique et qu’une mission
de suivi lui soit officiellement confiée. Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier Ministre, à
l’assurance de notre haute considération. Martin MALVY
Pierre IZARD Pierre COHEN Ancien Ministre Président du Conseil Député-Maire Toulouse Président Région
Général Haute-Garonne
Président de l’Agglomération Midi-Pyrénées Grand Toulouse |