Retrait de l'ourse Franska : les conseillers généraux
en appellent au président de la République

C'est dans l'urgence que François Fortassin, président du Conseil général des Hautes-Pyrénées, les parlementaires et les élus départementaux ont tenu en fin de matinée un point-presse pour dire leur exaspération devant la situation provoquée par l'ourse slovène Franska. Ils en appellent au président de la République après les derniers propos jugés inquiétants de la nouvelle secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Nathalis Kociusko-Morizet. Nous mettons en ligne ci-dessous l'essentiel des interventions :

François Fortassin : Nous avons décidé ce matin en urgence de saisir le président de la République auquel nous avons adressé un courrier par rapport à ce qui devient maintenant totalement ridicule avec cette ourse Franska au-delà des dégâts bien entendu qu'elle provoque et qui font que les éleveurs sont totalement excédés par cette situation. Maintenant, les populations sont aussi totalement désemparées. À l'évidence, nous avons une contre-publicité pour notre département où cette situation est intolérable. Les pouvoirs publics ne bougent pas. Nous voulons attirer l'attention du président de la République sur cette affaire pour lui dire qu'il faut non seulement la retirer en toute urgence mais surtout de ne pas la relâcher dans un autre biotope parce que relâcher cet animal serait en définitive mettre le feu aux poudres dans nos vallées et aujourd'hui nous n'hésitons pas à dire que l'ordre public est menacé dans ce département.

Josette Durrieu : Je voudrais ajouter qu'au-delà de l'ordre public qu'il appartient au préfet de faire régner, il y a un problème de sécurité publique. On parle beaucoup de biotope, d'ours, mais on ne parle absolument pas des gens qui sont en danger. Ça fait un moment que ça dure. Cet ours, il était il y a trois semaines à Vielle-Aure, hier il était à Saint-Laurent, il était l'autre jour à 100 mètres de chez moi. C'est de l'irresponsabilité collective que de laisser maintenant cette bête au milieu des populations. Elle est partout. C'est de l'irresponsabilité encore de penser qu'en la prenant pour la mettre ailleurs dans la montagne, plus haut, elle ne redescendra pas ! Actuellement, on la fait courir d'un endroit à un autre. Considérant sans doute que la danger est mieux à côté. J'en appelle à cette notion de sécurité. Nous demandons aux responsables de la sécurité collective d'assurer maintenant cette sécurité. Il y a une peur qui règne. Il y a un vrai danger. Cette affaire est invraisemblable. Combien ça coûte de surveiller cette bête. Hier, j'ai vu un hélicoptère touner une journée entière au-dessus de certains espaces. Jusqu'à quand cela va durer ? Nous demandons donc impérativement que cette ourse soit sortie. On a comme échéance l'immédiat. Cela veut dire aussi avant le tour de France parce qu'il va y avoir du monde dans nos montagnes.

Chantal Robin-Rodrigo : Les instructions que nous avons cru comprendre hier au soir sont de la pure provocation. C'est de la pure provocation que de dire qu'il faut enlever l'ourse Franska parce qu'elle est dans la plaine, près des populations, pour la ramener dans les zones de montagne.. C'est de l'irresponsabilité. C'est la raison pour laquelle nous en appelons au président de la République. Nous avons rendez-vous les parlementaires, les élus et bien évidemment les éleveurs et tous ceux qui sont concernés avec la secrétaire d'Etat à l'Ecologie le 26 juillet prochain. Mais on ne peut pas attendre cette date. Surtout quand de telles nouvelles mesures sont prises. Nous n'avons pas arrêté de demander la capture immédiate de Franska. Mais pas pour nous la remettre dans les zones de montagne. Nous en sommes à plus de 80 attaques aujourd'hui. Désormais, ce n'est plus une demande, c'est une exigence : que le président de la République prenne cette affaire en mains. Qu'il enlève tout simplement Franska et nous n'en voulons pas une autre en échange.

François Fortassin : Quand on nous dit que cet animal ne serait pas atypique, c'est le ridicule le plus total. Il y a eu 150 attaques ou prédations sur l'ensemble des Pyrénées dont 120 sont attribuées à cette ourse. Cela explique que les éleveurs sont totalement excédés et on aura un pépin humain.

Josette Durrieu : Et c'est ça qu'on attend ? C'est contre ça qu'on veut s'insurger. On se demande qui assume aujourd'hui la responsabilité de garantir la sécurité des populations. Cette affaire devient invraisemblable. Et ce n'est pas le meilleur moyen de promotion touristique de notre département. Il faut insister sur la peur. Sur les zones où l'ourse s'est baladée, les gens ont peur. Le soir, vous ne voyez pas un chat dehors. Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? C'est le ridicule le plus absolu.

Michel Pélieu : Evidemment, on peut craindre des manifestations au moment du tour de France. Personnellement, je me sens solidaire du monde des éleveurs. Je ne peux pas rester indifférent à leur détresse. Jour après jour, ils voient leurs troupeaux décimés. Il y a un affectif entre l'éleveur et son troupeau. Il y a les bêtes mortes, celles qui sont abîmées, les chairs déchirées, qui souffrent, celles qui avortent, qu'on ne retrouve pas. Le pastoralisme est un élément majeur de notre économie et de nos paysages. Aujourd'hui, on est en train de le mettre en mal. Tout ça, à cause d'un ours qui est complètement atypique. Il faut tirer les conséquences de cette situation. Moi, je comprends les éleveurs qui vont réagir sans doute au passage du tour de France. Nous serons sur une étape qui aura un intérêt sportif évident, qui sera télévisée en continu. Sans doute que les éleveurs vont profiter d'un passage à un endroit sensible pour que l'opinion entende leur détresse. D'un autre côté, pour nous qui organisons un événement sportif comme celui-là, c'est un gâchis énorme. Depuis un an, on travaille à mettre en place un événement comme celui-là. Ça coûte cher. Tout ça risque d'être occulté parce que la problématique de l'ourse va prendre le dessus. J'interviendrai auprès de tout le monde pour demander la capture et surtout pas la remise en liberté de l'ourse sinon ce serait l'apothéose et ça sera le feu dans les Pyrénées. Ce sont les urbains et le parisianisme qui décident de cela, eh bien qu'ils mettent l'ours au bois de Boulogne ou au bois de Vincennes puisqu'il mérite autant de considération. Notre priorité c'est le pastoralisme et le tourisme.

Maryse Beyrié : Je rajouterai incohérence au mot irresponsabilité. Nous sommes dans des zones où la biodiversité est reconnue, on nous prône l'excellence environnementale et on veut nous donner des leçons en matière de biodiversité. Par ailleurs, on met en oeuvre des politiques de maintien des éleveurs sur les espaces, de maintien du pastoralisme par des financements à tout crin. Est-ce qu'au-delà de l'irresponsabilité, il n'y a pas l'incohérence et cette reconnaissance aussi des paysans de nos vallées comme des personnes qui ne sont pas reconnues dans leur profession.

François Fortassin : Au niveau du conseil général, en pratiquement quinze ans, nous avons aidé à ce que le nombre de bergers progresse, ils étaient six salariés en 1994. Ils sont aujourd'hui 40. C'est la preuve que cela correspond à quelque chose au plan économique, au plan social et aussi au plan de la défense de l'environnement. Ce sont quand même les troupeaux qui permettent de protéger l'environnement. On ne veut pas que cela soit mis à mal .

Josette Durrieu : Il y a un seul mot : c'est de l'irresponsabilité. C'est la seule chose que nous avons à dire à cette ministre maintenant et à faire passer à Sarkozy. Je pense que le préfet de de temps en temps doit l'entendre. Nous ne voulons pas assumer cette irresponsabilité et nous dénonçons tous les méfaits.

Michel Pélieu : Nous n'avons plus d'arguments pour calmer le jeu. À partir de maintenant, tout est possible.

Henri Forgue : Notre tourisme qui est basé sur les randonnées, les sentiers, le tourisme vert, la montagne, eh bien nous nous rendons compte depuis quelque temps que nos centrales de réservations ont beaucoup moins de fréquentation que l'année précédente. Notamment pour les gîtes, Clévacances. Souvent avant de réserver, une question est posée par les touristes : est-ce qu'il y a l'ours ? Ça devient un problème. Le tourisme étant l'économie majeure de notre département, on voudrait le mettre en mal qu'on ne s'y prendrait pas mieux.

Josette Durrieu : Il y a le choc de deux images maintenant. Malheureusement, cette image des éleveurs qui dénoncent en montrant ce qui se passe, l'ours n'est pas un produit de promotion touristique, les touristes ont peur. On est confronté à une incompréhension de l'autre monde. Il se forge une image assez négative de ce que nous sommes dans ces espaces.

Michel Pélieu : Moi je dis aujourd'hui qu'en matière d'ordre public, tout est possible. Si les pouvoirs publics ne veulent pas entendre, ils s'exposent à de graves difficultés. On a atteint le summum du supportable

. - Pour écouter François Fortassin, président du Conseil général des Hautes-Pyrénées et Josette Durrieu, vice-présidente du conseil général et sénatrice des Hautes-Pyrénées, cliquez ici ...

Propos recueillis par Gérard MERRIOT