Franska, morte ou vive ??!!!

Ce pourrait être un titre digne du far west si l'action n'était pas située à proximité de Lourdes dans la vallée de Batsurguère. Et pourtant, c'est bien ce qui se passe dans ce petit coin des Pyrénées où la traque de l'ourse Franska est permanente.

" Morte ou vive ! ".
Même si ce n'était pas l'intention de départ c'est bien dans cet esprit que certains ont abordé lundi soir une réunion organisée à Omex par l'ASPP 65 (Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Pyrénéen).

Une centaine d'élus locaux, d'éleveurs, de responsables de groupements pastoraux concernés par la présence de Franska dans le secteur Pibeste, Col d'Andorre, Estibette étaient donc réunis pour envisager des dispositions à l'égard de cette animal qui perturbe la vie des estives et des villages depuis 2006, remet sérieusement en cause le principe même de la transhumance et par voie de conséquence l'avenir du patrimoine paysager et de la biodiversité de la réserve naturelle du Pibeste dont on doit rappeler que sa création l'a été à l'initiative des collectivités locales.

Une partie du Conseil d'Administration de l'ASPP 65 à l'occasion d'une réunion de travail


Suivez l'ours....


Il est peut-être derrière
la cabane du col d'Andorre...



Un berger peut-il y vivre ?
(Intérieur de la cabane du Pré du Roy)

Selon nos informations recueillies dans la matinée, les échanges ont été parfois vifs mais le constat est implacable :

1/ L'ourse n'hiberne pas. Elle se déplace sur tout le secteur Batsurguère. Dès la montée des troupeaux en estive, les éleveurs craignent donc le pire pour leurs troupeaux qui est, rappelons-le, leur patrimoine et leur outil de travail.
2/ Environ la moitié des éleveurs abandonneront dès cette année les estives. Certains, âgés, ont vendu leur troupeau. D'autres changent de forme d'élevage et même de races de brebis pour ne plus quitter la vallée, voire même rester en plaine en cherchant des terrains hors des montagnes. Pour certains scientifiques, "c'est un début d'accélération de la disparition d'un patrimoine génétique de races à petits effectifs contraire aux recommandations de la FAO (ONU) et aux engagements de la France dans ce domaine"
3/ Les maires des communes sont interpellés. Ils ont l'obligation d'assurer la protection des biens et des personnes surtout lorsqu'ils font payer un droit de pacage aux groupements pastoraux et aux éleveurs. Certains éleveurs auraient refusé de payer l'année 2006 tant que le maire n'aura pas garanti la sécurité pour 2007.


La forêt de Saint Pé de Bigorre vue depuis le col d'Andorre.
Une cache idéale pour Franska. Mais elle n'y reste pas....

4/ Le Préfet des Hautes-Pyrénées, Emmanuel Berthier, " n'a tenu aucun de ses engagements pris lors d'une réunion à Salles". Rappelons nous qu'en septembre dernier, à la suite d'une réunion houleuse qui s'était terminée par le départ de la salle de tous les éleveurs suite à des propos inappropriés de la part de la représentante de la DIREN, le Préfet avait commandé un diagnostic pastoral à la DDAF pour fin octobre afin de prendre des mesures pour le printemps prochain. A ce jour, personne n'a entendu parler des résultats et ne sait même pas si ce diagnostic a été réalisé.


Réunion à Salles en présence du Préfet :
"J'ai demandé un diagnostic pastoral"

Aujourd'hui, les éleveurs parlent et, une fois encore, font part de leur colère. Alors que l'ASPP 65 multiplie les démarches depuis plusieurs semaines pour faire cette réunion, les collectivités locales et les groupements pastoraux reçoivent, curieusement, une convocation de la part de la DDAF à une réunion intimiste pour mardi prochain où, paraît-il, la presse ne serait pas la bienvenue.

Durant près de trois heures de débat, de nombreuses idées ont été proposées dont celle d'éliminer Franska. Certains allant même jusqu'à proposer de l'envoyer en Pays Basque parce que " les Basques ont un savoir faire ". Mais il ne nous a pas été donné de solution pour son transfert dans cette région. D'autres ont suggéré d'en " faire cadeau " à l'IPHB puisque l'institution avait, en décembre 2004, donné son accord pour recevoir deux femelles. Mais manifestement les Béarnais présents hier soir y sont totalement opposés… il fallait s'y attendre. En définitive personne ne veut de cette ourse. Et pourtant, il faut trouver une solution ou abandonner l'élevage de montagne. Trouver une solution en maintenant la transhumance et le pastoralisme, c'est bien le but que se donne l'ASPP 65.


La cabane du Pré du Roy à proximité
de la tute de Franska
Selon nos informations, il semble qu'une ou des solutions aient, en définitive, été trouvées mais les participants restent discrets sur la méthode ou les méthodes qui pourraient être adoptées selon les secteurs et la complexité des pratiques et surtout des droits exercés sur les terrains par les uns et les autres.
L'ASPP 65 serait le " chef d'orchestre " de l'ensemble. Une réunion de travail pour la coordination des actions devrait avoir lieu en comité restreint en fin de semaine. Nous devrions en savoir plus à cette occasion.

Les éleveurs ne désarment pas
Nous pouvons constater que le monde pastoral ne désarme pas malgré une tendance de plus en plus forte de sa faible représentativité dans les villages. Et pourtant, c'est bien grâce aux éleveurs et au pastoralisme que les Pyrénées peuvent se vanter de conserver son caractère et la qualité de ses paysages et de sa biodiversité. Selon un responsable de l'ASPP 65 "l'abandon du pastoralisme c'est accélérer l'ensauvagement des Pyrénées avec toute les conséquences que cela peut avoir sur l'environnement et même le tourisme ". Mais ce serait aussi " un problème d'aménagement du territoire, un problème social et un problème économique, c'est-à-dire tous les ingrédients d'un développement durable." A cause de l'ours, les Pyrénées vont-elles perdre le bénéfice de toutes leurs qualités ?

Nous n'avons donc pas fini d'entendre parler de l'ours Franska dont personne ne veut.

Des principes généraux se dégagent


En discutant avec des éleveurs, il apparaît que les positions se précisent quant à la forme de pastoralisme souhaité.

1/ refus de garde des troupeaux au profit de surveillance de l'ours : " les éleveurs n'ont rien demandé, à l'Etat d'assumer ses responsabilités et de garder les animaux qu'il importe "
2/ refus d'embaucher des bergers ou des gardiens de troupeaux pour un motif juridique assez clair : il n'existe pas de cabanes aux normes de la législation sociale, certaines n'ayant même pas de possibilité d'avoir de l'eau.
3/ pas de Patous pour des raisons de sécurité des randonneurs. Plusieurs procès ont eu lieu dans les Alpes où les éleveurs et bergers ont été condamnés. Certaines communes des Alpes auraient même interdit les Patous et paient directement les dégâts causés par les loups.

A propos des expertises

Expertiser quoi lorsque l"'expert"
arrive après tous les prédateurs ?
Face au comportement des personnes chargées des expertises et à partir de l'expérience acquise l'an dernier et les années antérieures, des recommandations vont être fournies aux éleveurs. Il semble que le nombre de procédures judiciaires contre les "experts" pourraient s'accroître au cours de l'été. Mais les éleveurs ne laisseront plus faire n'importe quoi par des gens dont la compétence et les méthodes sont pour le moins contestées. Des dispositions devraient être prises à défaut de voir les services de l'Etat évoluer favorablement.
Les indemnisations

L'administration a des méthodes assez curieuses pour indemniser les éleveurs suite aux prédations. Non seulement les "experts" sont juges et parties (font partie de l'administration) sans qu'il ne soit possible de faire des constats contradictoires mais le chèque d'indemnité n'est pas fait par l'Etat mais par des associations écologistes militantes.
Dans les Pyrénées-Atlantiques, jusqu'à fin 2006, c'était le FIEP qui payait les éleveurs. Depuis, ils ont décidé de refuser tout chèque de cette association qui n'a d'ailleurs pas d'état d'âme pour engager des procédures judiciaires contre eux.
Dans les Hautes-Pyrénées, suite au retrait du système de la Fédération des chasseurs, c'est le CPIE de Bagnères de Bigorre qui établit un chèque signé de… Roland Castells, le seul maire du département qui a accepté, sur sa commune, le lâché de… Franska, cette ourse qui sème la pagaille dans les estives du Pibeste.
Pourquoi cette fonction n'est-elle pas assurée directement par les services de l'Etat ?
Pour la zone Parc National, c'est le PNP qui assure tout depuis l'expertise jusqu'à l'indemnisation.
Un mouvement européen

AG de l'ASPAP (Ariège), point de départ d'un renouveau des actions européennes où tout le monde se tient la main. En médaillon, Joseph Jouffrey, leader du pastoralisme des Hautes-Alpes, un des organisateurs du rassemblement européen
La problématique des grands prédateurs, ours et loups, aura eu pour effet de renforcer les liens entre les vallées mais aussi entre les massifs.
Alors que l'on nous dit que tout se passe bien dans toute l'Europe, nous apprenons qu'un rassemblement européen est prévu à Gap (Hautes-Alpes) dans le courant du mois de mars. Il y aurait une participation de nombreux pays comme l'Espagne (y compris les Cantabriques confrontés aux loups et aux ours), l'Italie, la Suisse, l'Allemagne, l'Autriche, la Roumanie et peut-être bien la Slovénie. Sans que nous puissions en savoir plus, il nous est dit que " la participation officieuse de certaines associations françaises pourrait bien surprendre ". Il nous ait précisé que " ce n'est qu'un tout petit aspect de ce qui se passera en 2007. D'autres projets sont en cours dont un dans les Hautes-Pyrénées "
Dossiers à consulter pour une meilleure compréhension et approfondir le sujet de l'ours, de l'élevage et de l'environnement montagnard

Louis Dollo