Nadau
Nuit de Noël à Arcizans-Dessus

Il fait un clair de lune remarquable pour cette nuit du solstice d’hiver. Le Val d’Azun est éclairé depuis Argelès. A gauche nous distinguons parfaitement le Cabaliros. Au fond, le Gabizos… Puis il faut monter à droite après Arras. Les maisons scintillent de guirlandes, le village vit. L’église se détache. Sa tour carrée est toute illuminée comme un château de la Loire…
Tiens, les bergers sont sur la place de la mairie. « On attend le curé ! »… « Et Marcel avec l’agneau. » En attendant on se réchauffe la voix en entonnant quelques chansons.

Cela fait déjà quelques jours que Pierrot Gerbet, le maire, prépare cette veillée de Noël avec l’incertitude d’avoir un prêtre. Parce que pour l’évêché, Arcizans-Dessus ce n’est qu’un « trou » au milieu des montagnes avec 90 âmes plus ou moins chrétiennes. Qui voulez-vous qui aille dans un tel bled ?

Peu importe, Pierrot prépare cette soirée et ce n’est pas un mais deux prêtres qu’il aura. L'abbé Bernard Guillou qui vient de la région de Nantes et se trouve en famille dans la vallée répond présent. Et l’abbé Borie qui, du fond de sa maison de retraite lourdaise, n’attend qu’une chose : que l’on vienne le chercher pour la messe de Noël.

Cet après midi du 24 décembre, l’ambiance commence à chauffer. Comme à son habitude Marcel Cazajous a choisi son plus bel agneau pour qu’il participe à la fête… vivant ! Et bien vivant. Il est bichonné, nettoyé, préparé, habillé, décoré pour l’occasion. Celui de l’an dernier regarde la scène. C’est aujourd’hui une belle brebis qui a passé le dernier été à la montagne.

C’est l’heure. Marcel et son agneau montent en voiture jusqu’à la mairie tandis que Bertrand arrive avec l’abbé Borie. C’est l’heure de se diriger vers l’église… à pied. Le village n’est pas si grand. A l’entrée, à l’extérieur, la crèche est installée comme tous les ans. Ici, personne n’a peur de se faire voler les personnages. Chacun respecte l’autre et la crèche en particulier. Le village est calme. « Il n’y a pas de neige » nous dit une vieille dame. « Et vous vous en plaignez ? »… « Quand même, un Noël sans neige, c’est pas un Noël. » Et ce n’est pas cette nuit qu’il en tombera. Le temps est clair, la lune éclaire et l’étoile du berger est bien visible.

D’ailleurs, ils arrivent les bergers…
22 h, l’église est déjà pleine. Plus de places assises. La tribune par laquelle on accède par l’extérieur est pleine de monde. Le fond de l’église… c’est tout juste si nous pouvons y entrer. La TV, France 3, est là pour saisir l’événement… enfin, la 52 ème édition de l’événement : une messe en « patois »… pardon, en gascon bigourdan, reste un événement une fois par an.

22 h 30 c’est l’heure ! Les portes de l’église s’ouvrent. Les bergers entrent, Marcel en tête avec son agneau qui accompagne la chorale de ses bêlements. Tout le monde est sous le charme de cette chanson "Era stela d’eth aulhe" qui résonne dans l’église. Un chant parfaitement de circonstance…. Le même depuis 52 ans traduit par l’abbé Borie en 1955 et manifestement heureux d’être là au milieu de 300, 400, 500 personnes ? Qui sait ? Et peu importe. C’est la joie…

Montagna qu’en s’apèra, bos escouta pastou
Enten eth ben qui passe, en cantan sa cansou

….
Can arriba ra noeyt qu’aparech ua stela
Ra stela d’et aulhè, tan clara è tan bèra
Qu’et troupet lhèbat cap, qu’et pastou dab bergère
Souneye à son estala tan clara è tan bèra.

Quand arrive la nuit, apparaît une étoile…. L’abbé Borie procède, non sans un peu d’humour, à la bénédiction de l’agneau… en gascon bien sûr… est-ce bien catholique ? C’est ainsi depuis toujours pour lui et tous les ans il est, en juin, à la transhumance dans la vallée d’Estaing pour bénir les troupeaux qui montent en estive. Un fidèle du pastoralisme, de ce qui fait la vie de ces villages de montagne.

Pierrot lira l’Epitre en gascon avec néanmoins une traduction en français car, parmi toute cette assistance, tout le monde ne comprend pas cette belle langue des troubadours du Moyen Âge. Ce qui n’empêche pas d’être apprécié par ces vacanciers bordelais qui « n’avaient jamais vu ça »

L’Evangile fut lu en français et l’abbé Guillou prononça son homélie… également en français. Pour un prêtre venant de Nantes, il était difficile qu’il en fut autrement. D’ailleurs, retrouverons nous un jour des prêtres parlant bigourdan ou tout simplement occitan ? Avec le Père Borie, ce sera toute une culture qui disparaîtra.

Un grand moment cette messe pleine de ferveur où tout le monde reste attentionné, grands et petits, azenois ou « estrangers ». Et puis vient la fin. On en vient presque à le regretter. Presque… Parce que Pierre Gerbet annonce qu’il y a une petite réception à la salle des fêtes… « Pour tout le monde et ceux qui ne savent où c’est suivent ceux qui savent… »

Discrètement, avant la fin de la messe, Jean-Baptiste et quelques autres s’étaient éclipsés pour préparer quelques boissons et la tourte pour « tout le monde ». Une occasion de se retrouver entre amis pour les uns et de faire connaissance pour les autres….

S’il devait y avoir une morale à cette nuit de Noël 2007, ce serait que « ceux d’Arcizans-Dessus » ont failli à leur sobriquet « Eths Calhets », "les avares". Car c’est bien le contraire de cela que nous avons vu et vécu au cours de cette soirée. Pas du tout avares de partage, de joie, de plaisir….

Merci à Arcizans-Dessus et surtout conservez vos coutumes. (Louis Dollo)

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Les chants de la messe de Noël des bergers
L’histoire de la messe des bergers

Mis en ligne mardi 25 décembre 2007