Lorsqu'il
s'agit d'ours, c'est le mutisme autant que l'incohérence du côté
de l'Etat. D'un côté un plan ours inapplicable par manque
de moyens financiers, par lenteur administrative et au final l'immobilisme
et de l'autre des associations de protection de la nature pro-ours provocantes
autant qu'inefficaces et inutiles pour le milieu pastoral.
Marie-Lise Broueilh et Claude Vielle |
Mais
sur le terrain, nous sommes à quelques semaines de la montée
en estive et rien n'est fait. Franska est toujours là à
narguer les éleveurs de Batsurguère et de l'Ouzoum,
pas de moyens pour mettre en place des cabanes, pas de législation
du travail adaptée pour les bergers, pas de législation
claire pour protéger les maires des communes, pas de sécurité
assurée en cas de garde par des patous, etc
|
D'où
le "coup de gueule" de l'ASPP
65, une des associations de sauvegarde du patrimoine pyrénéen
basée dans les Hautes-Pyrénées et qui entend bien
sauvegarder le patrimoine pastoral, culturel et environnemental de nos
montagnes.
Au
cours d'un point presse mardi après midi, Marie-Lise Broueilh,
l'active présidente et Claude Vielle, responsable de la commission
pastorale, nous ont expliqué les problèmes et les enjeux
de la présence de Franska en grande partie sur la Réserve
Naturelle du Pibeste mais aussi les problèmes d'indemnisation
par ceux qui ont mis le feu et l'absence de reconnaissance et de respect
du travail supplémentaire qu'occasionne la présence du prédateur
pour les éleveurs / bergers.
Le
problème de l'ourse Franska |
L'ourse Franska lâchée au Chiroulet (commune de Beaudéan)
en mai 2006 avec la bénédiction de Rolland Castells,
maire de Bagnères de Bigorre, s'est installée depuis
l'été dernier sur le secteur du Pibeste à l'Estibette
(versant sud et nord) faisant des incursions sur la vallée
de l'Ouzoum et jusque sur les estives de Bruges.
Les conséquences de cette présence sont nombreuses
sur le pastoralisme.
Les
principales et directes :
-
Un
sinistre de 70 brebis dont seulement 9 ont été
imputées à l'ours.
-
Le
départ prématuré des troupeaux des
estives entre juillet et août.
-
L'abandon
de la transhumance pour certains éleveurs.
-
L'abandon
de races de brebis autochtones au profit d'autres races
qui resteront plus facilement en plaine et n'iront pas
estiver.
-
Vente
de troupeaux et abandon du pastoralisme
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Vallée
de Batsurguère
|
Les
conséquences indirectes sur cette espace en grande partie
protégé par la réserve naturelle régionale
du Pibeste et dans le cadre du réseau européen Natura
2000 (conservation des habitats) :
-
La
biodiversité - Des estives non broutées sont
des espaces qui se ferment. Une végétation arbustive
débutant, selon les lieux et expositions, par des ligneux
(rhododendrons, genévriers
) détruit et étouffe
la flore des pelouses et avec elle une multitude d'espèces
animales qui s'en nourrit. La perte de biodiversité serait
considérable. C'est la raison pour laquelle les collectivités
locales, conscientes de cette richesse, ont pris l'initiative,
il y a une dizaine d'années, de protéger ce territoire.
Il ne s'agit pas là d'une initiative d'Etat ou associative
mais bien d'une volonté collective locale. Le retour
à l'ensauvagement de la Réserve lui ferait perdre
toute sa valeur patrimoniale.
-
Le
développement durable - Les éleveurs sont
des habitants des communes locales. Ils vivent et font vivre
ces communautés. Ils font partie du tissu social. Leur
disparition programmée, perturbe l'équilibre et
le développement local (perte d'habitants, plus de jeunes,
plus d'enfants, suppression de l'école, etc
). La
location des estives aux gestionnaires, les groupements pastoraux,
sont des sources de revenus pour les communes. Leur abandon
participe au déséquilibre financier de ces mêmes
petites communes.
Par ailleurs, la diminution du " chargement "
en bêtes des estives fera perdre la prime à l'herbe
pour les groupements pastoraux déjà d'une extrême
fragilité financière. S'ils ne peuvent plus rembourser
leurs emprunts d'aménagements, ce sont les communes propriétaires
qui devront prendre le relais. Avec quels moyens ? L'impôt
local prélevé sur tous les habitants ?
Autant
d'arguments inquiétants qui ne militent pas en faveur du
maintien de cette ourse sur ce secteur.
Il est souvent reproché aux éleveurs pyrénéens
de refuser l'application du "
Plan Ours ". Alors, ils lancent un défit :
" essayons, pour ce secteur, d'imaginer sa mise en application.
"
Tout, dans le plan ours, repose sur le principe de la garde des
troupeaux par un berger et par des chiens de protection. Et les
représentants de l'ASPP fournissent juste quelques éléments
de réflexion sans approfondir la technique.
Cabane
du Pré du Roy |
-
Qui
dit berger qui garde, dit cabane aménagée
comme lieu de vie permanent avec au moins des sanitaires,
donc de l'eau. Que fait-on lorsqu'il n'y a ni cabane ni
eau ? On nous répond : " construisez des
cabanes ". Sur le secteur considéré
(Pibeste - Estibette) il y a 5 estives de petites tailles
pour des petits troupeaux comme c'est le cas depuis des
centaines d'années. Pour construire, il faut de
l'argent. Or le plan ours ne prévoit pas le financement
des cabanes et dans tous les cas au moins 20% sont à
la charge du groupement pastoral qui n'a pas la moindre
trésorerie en poche vu la petite taille des troupeaux
en présence. Sans parler de l'eau inexistante sur
ces 5 estives.
Par ailleurs, la construction d'une cabane aux normes
en application de l'Arrêté
du 1er juillet 1996 relatif à l'hébergement
des travailleurs agricoles " ne se décide
pas aussi vite que de prendre la décision d'introduire
5 ours. "
|
La
solution de la tente ? L'arrêté ci-dessus
ne la prévoit pas dans les Hautes-Pyrénées
ce qui fait que plusieurs groupements du département
sont actuellement en infraction avec la législation
du travail par la seule faute de la DIREN Midi-Pyrénées
et du Ministère de l'Ecologie. |
La yourt
du berger Sam au Hautacam |
-
Les
chiens de protection
il faut les nourrir tous
les jours mais pire encore. " S'ils sont bons et protégent
correctement le troupeau, nous pouvons garantir que plus personne
ne pourra passer par le GR 101 au Pré du Roy ni monter
en famille au col d'Andorre ou aller pique-niquer au col d'Espandelle.
" Et pour renforcer l'argument, ils nous signalent
que " plusieurs procès ont eu lieu dans les Alpes
à ce sujet et des communes des Alpes du Sud ont pris
la décision d'interdire les chiens de protection "
et préfèrent prendre en charge, sans expertise
et sans discuter, le nombre de brebis disparues entre la montée
et la descente en alpage.
Sans
parler des clôtures : " imaginez toutes les estives
clôturées sur toutes les montagnes du département
! " et " autres idées saugrenues , nous
voyons bien avec seulement ces deux mesures, les limites des solutions
proposées que nous dénonçons depuis 1996 "
(premier plan d'introduction).
La cabane
du Col d'Andorre |
Pour
l'ASPP et plusieurs éleveurs, il semble clair que
" Franska doit être retirée ou que
les services de l'Etat garde l'ourse pour laisser les brebis
en liberté assurer leur rôle de protection
de l'environnement " (maintien des paysages et
de la biodiversité). Et ils posent cette question
: " Pourquoi, serait-ce à l'éleveur
de parquer et faire garder ses animaux et non à l'Etat
d'en faire de même avec un animal qu'il a volontairement
importé de Slovénie ? " Et de nous
rappeler que " l'espèce est loin d'être
en péril puisqu'une centaine [d'ours] par
an doit être abattue pour réguler l'espèce.
" Pour ces acteurs des territoires de montagne,
c'est l'Etat qui a décidé seul sans une réelle
concertation préalable à la décision.
C'est donc à l'Etat d'assumer sans perturber les
activités traditionnelles.
|
Pour
eux, " brebis et humains font partie du " Vivant
" et donc de la biodiversité. Ils ont aussi droit à
la protection. " Un argument difficile à contredire.
Voir
la lettre adressée au Préfet de Région en charge
de l'ours par les maires et Présidents des groupements
pastoraux, gestionnaires des estives.
Rappelons que le SIVU du Pibeste (Réserve naturelle régionale)
a déposé un recours devant le Tribunal Administratif
de Pau, contre l'Etat, pour introduction d'espèce étrangère
à la réserve sans aucune consultation préalable
du Comité Scientifique.
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L'indemnisation
des sinistres causés par l'ours |
La
lettre que l'ASPP a adressé au Préfet des Hautes-Pyrénées
est explicite :
1.
Le paiement des sinistres.
Les éleveurs refusent que ce soit l'association écologiste,
le Centre
Permanent d'Initiation à l'Environnement (CPIE),
présidée par Rolland Castells, responsable de leurs
problèmes, qui assure le règlement des sinistres.
Sur le principe, il est effectivement difficile qu'ils acceptent
une telle procédure. Claude Vielle qui nous explique la procédure
ne cache pas sa colère. Pour lui et les éleveurs qu'il
représente c'est " une question de dignité
et de fierté et c'est plus important que l'argent ".
Sans relâcher son indignation, il nous précise que
l'Etat passe par une association " pour aller plus vite
". Argument peu porteur pour ce montagnard qui rétorque
à juste raison " lorsqu'on monte des brebis en montagne
ce n'est pas pour en sortir un revenu 15 jours après. On
peut donc attendre " et puis " c'est quand même
à l'Etat d'assumer TOUTES ses responsabilités et de
mettre en place une procédure de règlement sous 15
jours après la décision et la reconnaissance du sinistre.
" Une logique évidente
qui ne semble pas évidente
pour tout le monde.
A noter que jusqu'en 2005, c'était la Fédération
Départementale des Chasseurs qui assurait cette mission jusqu'à
ce que le nouveau Président et Conseil d'Administration y
mette un terme.
Expertise
du cadavre d'une brebis |
2.
L'expertise des sinistres occasionnés par les ours.
L'ASPP 65 constate que sur l'ensemble
de la chaîne des Pyrénées "
tout est mis en uvre pour minimiser le nombre des
prédations voire même, dans certains cas, nier
leur existence. " Le cas de la zone Franska sur
70 brebis mortes et disparues, seulement 9 prédations
reconnues plus 3 indemnisations exceptionnelles accordées
par le Préfet des Pyrénées-Atlantiques
(???). Nous pouvons également constater que l'Etat
et les associations de protection de l'ours communiquent
beaucoup sur la théorie de la cohabitation mais jamais
sur le nombre de prédations. Sujet tabou ??
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Comme
indiqué dans la lettre adressée à Michel Billaud,
alors préfet des Hautes-Pyrénées, L'ASPP 65
conteste " la qualité d'" expert "
en ours des agents de l'Etat qui obtiennent cette qualification
après deux jours de formation ". Selon cette association,
" ils apprennent sur l'ours en même temps que l'éleveur.
" C'est assez surprenant. Mais nous apprenons aussi que la
procédure d'expertise n'est pas satisfaisante : pas de copie
pour l'éleveur, observations très approximatives,
parfois pas de photos, etc.. et la qualité de l'expertise
elle-même (délais parfois importants entre la découverte
et l'arrivée de l'agent de l'Etat).
Mais l'ASPP 65 ne se limite pas à des revendications. Il
y a un travail de réaliser en annonçant qu'elle fournira,
comme l'a fait l'ASPAP dans l'Ariège, des recommandations
aux éleveurs pour que de tels procédés ne se
renouvellent pas en 2007.
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