Rapprochement Sud Ouest-Dépêche du Midi : les journalistes menacés

Communiqué du SNJ (Syndicat National des Journalistes)

L'annonce du rapprochement entre Sud Ouest et La Dépêche du Midi et de la réunion des rédactions dans un pôle média sont lourds de menaces pour les journalistes des deux titres. Les deux sections du SNJ ont réagi, chacune à leur tour.

Sud Ouest : "Malaise accentué"

Alors que les rédactions de Sud Ouest subissent chaque jour un peu plus de pression et que la multiplication des supports internes (suppléments) et externes (« Sin Fronteras ») accroît la charge de travail sans aucun renforcement des équipes, les annonces faites, le vendredi 22 juin 2007, par les dirigeants du groupe, ne peuvent qu'accentuer un malaise qui atteint la cote d'alerte.

La constitution d'un pôle média où Pyrénées Presse d'un côté et La Charente Libre de l'autre exerceraient un leadership sur les initiatives dans leur zone, aussi bien que la création du GIE Média Sud Europe avec La Dépêche, participent de l'affaiblissement de l'indépendance des titres. L'un comme l'autre font peser de réelles menaces, à terme, sur l'emploi à la rédaction.

Le pôle média, parce que l'objectif ne se borne évidemment pas à acheter ensemble des gommes et des crayons, ou à économiser des camions, comme on voudrait nous le faire croire. Partout, et notamment à La Dépêche où Baylet a transformé en sociétés filiales distinctes les rédactions, la pub, et les imprimeries, ces organisations aboutissent à terme à des regroupements de rédactions aux statuts différents, à des échanges gratuits de papier ou de pages. C'est l'abaissement des coûts par l'abaissement des charges salariales.

Le GIE Média Sud Europe, parce que, partout, les rapprochements de journaux concurrents se paient en emplois, parfois en disparition de titres. Les concentrations se font toujours aussi au détriment du pluralisme, à l'opposé des besoins de la démocratie, à l'opposé aussi des attentes des lecteurs, qui démontrent chaque jour qu'ils attendent des médias plus divers, plus inventifs, moins uniformisés.

Agir. Certes nous n'en sommes pas là. C'est justement pourquoi il faut agir. A ce titre, le SNJ soutient la motion de défiance votée par la rédaction. Si le groupe espérait prendre celle-ci de court en annonçant ces mesures juste avant les vacances, c'est raté. Mais tout pourrait quand même aller très vite. En effet, la création du GIE est avant tout destinée à se positionner pour le rachat du "pôle sud" PQR du Monde, à savoir Midi Libre et l'Indépendant de Perpignan, dont le groupe désormais présidé par Pierre Jeantet veut se désengager. Là encore, ce sont des menaces pour les rédactions concernées de La Dépêche et de Midi Libre en Aveyron et dans l'Aude.

Tout sauf Baylet. Enfin, comment imaginer de développer l'activité "pluri-média" de Sud Ouest en partenariat avec le journal de Jean-Michel Baylet, un patron qui a fait de La Dépêche l'outil de ses intérêts politiques, au mépris de ses journalistes et à l'opposé des valeurs d'indépendance, de pluralisme et de tolérance qui sont celles de Sud Ouest ? Un PDG qui a redressé ses résultats économiques en fermant, par exemple, ses agences locales détachées hors zones de concurrence ?

Le Groupe Sud Ouest a les moyens économiques du développement de Sud Ouest » en toute indépendance. Si des alliances se révèlent inévitables dans le contexte de la crise de la presse papier et de concentration du marché publicitaire, elles doivent se faire dans le respect total des valeurs, de l'identité et de l'indépendance éditoriale de chacun des titres, dans la préservation (et pourquoi pas le développement) de l'emploi, et dans le respect des statuts. Si des opérations communes sont utiles entre les titres et médias du groupe, elles ne nécessitent nullement la dissolution des rédactions dans un « pôle média ».

Le SNJ Sud Ouest appelle la rédaction à la vigilance face à ces projets, préparés dans le plus grand secret à l'égard des organisations syndicales, ce qui n'est jamais bon signe.

Le SNJ dit non au projet de pôle média au sein de GSO, comme aux développements éditoriaux communs entre le groupe Dépêche et le groupe Sud Ouest, quels que soient les supports.

La Dépêche : "Les journalistes ont déjà donné"

Nos dirigeants ont choisi de créer un GIE avec Sud Ouest dont on sait désormais l'objet essentiel et l'effet d'opportunité : le possible rachat de tout ou partie du groupe « Midi Libre », même si Jean-Michel Baylet n'a rien voulu dire sur ce sujet, mercredi 4 juillet, face à l'intersyndicale.

Concernant les rapprochements avec Sud-Ouest, le SNJ n'a pas été convaincu par la version light présentée par Olivier Faguer, président du directoire du groupe « Sud-Ouest », devant le comité de groupe, ni par son engagement à ne pas toucher aux rédactions des deux titres, devant les sociétés du personnel. Jean-Michel Baylet n'a pas été plus convaincant en voulant ne rien dire ou presque, mais en ne fixant pas d'exclusives à propos du champ d'action du GIE. Pour lui, c'est « possible dans tous les domaines ».

Le PDG de La Dépêche a reparlé de l'indépendance du groupe, et s'est dit simplement « ouvert à tout ce qui peut permettre le développement de La Dépêche », précisant que « ce n'est pas tout seul qu'on va s'en sortir », que « deux journaux indépendants ont intérêt à réunir leurs forces », en évoquant le spectre menaçant des fonds de pension (si, si !).

On sait bien que les projets de fonctionnement commun avec Sud-Ouest ont de fortes chances de dépasser le domaine des achats de papier, arbre mort qui cacherait la forêt. A plus ou moins long terme, après les « mises en commun de moyens » et les « passerelles », on en viendra aux « synergies », partielles ou totales, pour aboutir sinon à la disparition, du moins à la perte d'identité et de substance propre des titres.

C'est la même logique qui prévaut dans les velléités (avouées à Sud-Ouest, tues à La Dépêche) de rachat du groupe « Midi Libre ». Comment croire qu'il ne s'agirait que d'une juteuse opération financière ? Comment ne pas envisager que dans les départements qui comptent trois quotidiens, et dont les directions auraient des intérêts communs (Lot-et-Garonne, Aveyron et Aude), on ne s'acheminerait pas un jour ou l'autre vers une ou des synergies rédactionnelles ? Comment ne pas penser, par exemple, que les dirigeants ne verraient pas dans le vivier des quatre-vingts journalistes aveyronnais l'aubaine d'opérer des économies d'échelle en réduisant les effectifs de moitié ? Et que dire des infos géné ?

En la matière, le SNJ considère que les journalistes du groupe "Dépêche" ont déjà donné. De fin 2001 à fin 2006, La Dépêche a perdu 25 journalistes en CDI, dont une douzaine de postes en rédaction détachée. Des pertes ont été subies dans des proportions similaires au Petit Bleu et à La Nouvelle République des Pyrénées. La synergie dans les Hautes-Pyrénées a été mise en place sans respecter l'avis des syndicats et des journalistes, sur des bases sociales faussées et dans une usine à gaz organisationnelle toujours au bord de l'explosion. Ce même modèle qui, pourtant, ne peut servir d'exemple, est en court d'exportation en Lot-et-Garonne, où le contexte est encore plus difficile.

On connaît les résultats de ces politiques : certes, des économies de masse salariale, mais aussi des titres qui perdent leur identité, voire leur lectorat (c'est particulièrement dramatique pour le Petit Bleu depuis fin 2003). Il n'y a guère que depuis six mois que les ventes se portent un peu mieux à La Dépêche : depuis que les effectifs des journalistes en CDI sont stabilisés, voire progressent un peu avec l'intégration de pigistes.

Cette corrélation entre effectifs et ventes est frappante. Aussi, les rédactions n'ont que faire des belles opérations financières et des synergies. Elles ont surtout besoin de sang neuf et supplémentaire après les saignées subies. Les journalistes veulent avant tout des moyens adéquats pour exercer leur métier et leur savoir-faire ; le tout sur la base de projets rédactionnels forts et de qualité, élaborés dans la concertation et non pas de fumeux ersatz journalistiques virtuels construits à partir de prétendues enquêtes marketing.