Ours et éleveurs :
une banale aventure pastorale

C'est une histoire à peine croyable qui arrive à deux éleveurs du Haut-Adour.
Jacques Lanne a un troupeau de 70 brebis tarasconnaises et Guy Laspalles n'en a que 35. Tous deux conduisent leurs bêtes chaque année sur l'estive du Groupement Pastoral du Lhéris regroupant les communes de Lies, Gerde, Asté et Banos. Il y a une semaine, ils ont monté leurs brebis. Et comme d'habitude, ils vont leur rendre visite régulièrement.

C'était le cas ce vendredi. Mais quelle surprise !
Ils trouvent une, puis deux… quatre brebis mortes. Une mort qui ne ressemble pas à une maladie et encore moins à un dérochement. C'est évident !
Sachant que Franska n'est pas très loin, ils se disent que peut être bien qu'elle est venue jusqu'au Lhéris… Mais il faut redescendre, demander une expertise.

Demander à qui ?
A 17h30, ce vendredi, ils se présentent à la Gendarmerie de Bagnères de Bigorre. Ce n'est pas le bon guichet… " on n'est pas au courant "… S'ils avaient tué l'ours, il y a fort à parier que la réponse gendarmesque aurait été différente.

Le samedi matin, ils remontent à l'estive pour récupérer leurs bêtes et les redescendre. Impossible de laisser des brebis en estive avec un ours au milieu. La saison est bien compromise comme ce fut le cas sur le Pibeste et l'Estibette l'été dernier. A cette occasion, ils rencontrent un collègue qui leur signale une brebis blessée, difficile à retrouver. Par la même occasion, il leur indique l'existence de l'ASPP et de Valérie, la correspondante de cette association " qui peut peut-être vous aider ".

Un numéro de téléphone noté sur la main et, dès que possible (parce que le casque du Lhéris n'est pas si bien équipé que l'Everest en téléphonie ), Valérie est appelée. " Qui doit-on avertir ? "

Bonne question !

Tant que personne n'est confronté au problème, personne ne s'en occupe. Mais les promoteurs des importations d'ours ne se préoccupent pas beaucoup de ceux qui vivent en montagne… Normal : pour eux c'est la frontière sauvage, même les indiens ont quitté les lieux.

Si le Parc National, pour son secteur, a communiqué un numéro utilisable 24h/24 (il s'agit du 05 62 34 14 79) il n'en est pas de même sur les autres secteurs. En attendant que les éleveurs arrivent chez Valérie, celle-ci cherche et, en désespoir de cause, leur propose, à 16h, d'appeler le Parc National.

Prévenu par la présidente de l'ASPP 65 toujours à la recherche d'un numéro de téléphone, je me rends à Bagnères chez Valérie pour rencontrer les éleveurs sinistrés. Trouvant l'affaire un peu grosse, je téléphone à la préfecture pour en savoir un peu plus. La personne qui me répond me dit " ne pas être au courant "" Je n'ai pas de téléphone pour ça "

Tiens donc !
Et je dis quoi aux lecteurs de Lourdes-Infos dimanche matin ?
Que la Préfecture n'est au courant de rien ?
Pas étonnant, le Préfet n'a toujours pas répondu aux lettres de l'ASPP 65.

Mais quand même, l'évocation du journalisme finit par troubler et on me connecte sur quelqu'un, manifestement sur un portable en voiture qui se présente comme étant " du réseau ours " (c'est du moins ce que j'ai compris). La communication étant mauvaise on me demande un numéro pour me rappeler " dés qu'il sera possible de se garer ".
Normal !
Mais qui rappelle 5 mn plus tard ?
Le directeur adjoint du Parc National !

Décidément, tout fonctionne à merveille dans cette administration. " Les éleveurs m'ont appelé, je vais prévenir l'ONCFS " - " Mais ce n'est pas fait ? " (Il est 17h30 et les éleveurs ont appelé vers16h) - " Je vais le faire dans les 30 mn " - " Savez-vous que les vautours n'attendent pas pour effacer toutes les preuves ? " - " De toute manière, ils ne vont pas se déplacer ce soir "
Evidemment, à la vitesse où tout ce petit monde se déplie un samedi après midi… c'est presque comique. Bravo l'efficacité !

Enfin, samedi soir vers 20h30, les éleveurs me contactent. Rendez-vous est pris pour ce dimanche matin à 8h15 au col des Paloumères avec l'ONCFS.

Les prédations ont très probablement eu lieu dans la nuit de jeudi à vendredi. Il est à peu près certain que les vautours ont assuré leur fonction d'éboueur et qu'il ne reste pas beaucoup de traces. Parions que les agents de l'ONCFS opteront pour une prédation non imputable à l'ours. C'est ainsi, en prenant son temps, que l'on réduit les statistiques de dégâts des ours pour mieux justifier d'une possible cohabitation.

Prochain épisode lundi matin.

A lire :

Louis Dollo