Les enjeux des Pyrénées dépassent la problématique de l’ours

Chantal Jouanno n’avait peut-être pas prévu que les Pyrénéens allaient se mobiliser pour réagir à ses intentions de lâcher de nouveaux ours. Vendredi dernier, la coordination pyrénéenne ADDIP, association hostile aux importations d’ours dans les Pyrénées, a réuni son conseil d’administration élargi aux élus et socioprofessionnels de la chaine des Pyrénées venus du Pays Basque à la Catalogne. Outre les excusés tels qu’Augustin Bonrepos, Président du Conseil Général de l’Ariège, Jean Lassalle, député du Béarn, François Maïtia, Josette Durrieu, sénatrice, Présidente du Conseil général des Hautes-Pyrénées, Chantal Robin Rodrigo, députée, François Fortassin, sénateur, Jacques Béhague, Conseiller Général, etc… tous en accord avec l’ADDIP, nous pouvions noter la présence de Jean-Michel Anxolabehere, Président de l’ACAP (Association des Chambres d’Agriculture des Pyrénées), les présidents de chambres d’agriculture et de FDSEA, des fédérations de chasseurs, Henri Neyrou, député et Président de l’ANEM, etc….  Beaucoup de monde pour entourer les associations de l’ADDIP dans des choix concernant l’avenir des Pyrénées.

Bien sûr, si la problématique de nouvelles introductions d’ours était à l’ordre du jour, la véritable question était ; « quel avenir pour les territoires de montagne ? »

Le Président Philipe Lacube a fait un bref historique relatant l’épisode Arbas dont il dit : « il fallait le faire » pour se faire entendre. « Grâce à ce travail de terrain, nous n’avons pas eu de nouveaux lâchers ». Il précisait que depuis 4 ans, il y a eu « un gros travail de fond » de réalisé. Pour lui il ne faut pas rester « sur le regard réducteur de l’ours… Il faut déplacer le débat à un autre niveau ».

Il constate que le sondage de 2008 indique que 61% de la population ne veut pas d’autres lâchers (71% en Ariège). « C’est le fiasco du plan ours ces dernières années ».

Ce constat fait, chacun des participants a pu s’exprimer.

Philippe Lacube, Président de l’ADDIP  pose les bases du vrai débat : « Soyons clairs. Une population viable d’ours, c’est 150 ours minimum»…. » Derrière ce plan on voit bien que ce n’est pas une histoire de « nounours et de brebis attaquées » mais qu’il s’agit d’un vrai choix politique pour l’avenir de ce massif : soit L’Etat fait des Pyrénées un vaste sanctuaire où les activités humaines seront réduites puis éliminées au nom de la quiétude de l’ours. Soit l’Etat fait le choix de l’économie, du développement, des habitants, du tourisme ET de la biodiversité parce que quand même, les Pyrénéens ont su la préserver aussi bien qu’ailleurs, sinon mieux. »


Jean-Michel Anxolabehere, Président de l’ACAP qui regroupe toutes les Chambres d’agriculture des Pyrénées raconte : « deux membres du Cabinet (Mme Jouanno s’est décommandée à 3 reprises dont 2 reports de rendez-vous fixés par elle) m’ont reçu : Pour eux, c’est clair : il y aura des lâchers. Nos arguments de fond ? Ils ne les entendent pas : le bénéfice du pastoralisme pour les paysages, l’économie, le tourisme, la biodiversité … Rien. Tout ce qui compte  c’est de nouveaux lâchers pour satisfaire les pro-ours ».


Marc Carballido, Vice-président du Conseil Régional Midi-Pyrénées, représentant le Comité de Massif des Pyrénées, a rappelé « que le comité s’est exprimé à l’unanimité contre le plan ours 2006-2009, et n’a pas été écouté. Les élus défendent au quotidien une montagne dynamique, les efforts doivent se concentrer sur des mesures réelles et concrètes pour assurer la survie de secteurs d'activité qui sont, eux, les véritables menacés de disparition dans les Pyrénées".


Henri Nayrou, Député de l’Ariège, a déjà réagi à ces annonces en tant que Président de l’Association Nationale des Elus de la Montagne : «l’ANEM s’est déjà prononcée contre tout nouveau plan-ours. Nous avons demandé audience Mme Jouanno : elle devra s’expliquer sur ces annonces, qui contredisent ce qu’elle avait dit devant les parlementaires ANEM  en 2009 : « le mariage (avec l’ours) n’a pas réussi. Il n’y aura pas d’autre introductions ». »
Il a exprimé sa satisfaction devant la position publiée dans la presse de la Confédération Pyrénéenne du Tourisme, reçue récemment par Chantal Jouanno. Son Président Pierre Casteras y a soutenu « la place prépondérante de l’Homme dans la vallée, son rôle de régulateur de l’équilibre du massif et de ses devoirs de garant du développement équilibré et concerté de la biodiversité ». Ce qui revient à reconnaître que l'ours n’apporte rien au tourisme Pyrénéen.


Jean-Pierre Pommies, co-président de la FTEM 64 a expliqué que « les associations de bergers et éleveurs transhumants du Béarn et du Pays Basque, représentant la quasi-totalité de la profession, viennent de co-signer une motion contre toute nouvelle introduction. C’est un grand chemin parcouru, certains ne s’étaient encore jamais déterminés aussi clairement.  Il est aussi encourageant de voir ici la mobilisation de tout le massif, même si la rumeur annonce les lâchers chez nous en Béarn. » Une alliance nouvelle par rapport au passé.


Les représentants des autres associations venues des 4 coins du massif (ASPAP 09, ADIP 31, ASPP 65) se sont indignés « que Chantal Jouanno passe outre le NON des habitants des Pyrénées à tout nouveau plan-ours, chiffres à l’appui : un sondage de 2008 l’a validé incontestablement : 61% des populations (avec un pic à 71% en Ariège) y sont personnellement défavorables.» Lançant avec humour « mais ils sont où ces Pyrénéens qui veulent des ours ? » Ils poursuivent : « nous avons étudié le résultat de la pétition pour l’ours lancée par l’Adet en 2010. Alors que la précédente pétition totalisait en 2004 125.000 signatures, en 2010 l’ADET en  a recueilli … 3800 seulement, dont seulement 200 d’habitants des Pyrénées ! ». En fait beaucoup de bruit sur le Web mais peu d’actifs comme nous avons pu le voir à diverses manifestations.
Jean-Luc Fernandez, Président des Chasseurs de l’Ariège a pu confirmer que « la rupture est consommé entre le Ministère et nous : plus de convention avec l’Etat, plus de technicien de suivi de l’ours ».

Une réunion ouverte au public et journalistes
On ne pourra pas dire qu’à l’ADDIP les réunions se font dans le secret d’un bureau. La transparence est totale. Tout le monde peut entrer. Comme à un conseil municipal et contrairement au conseil d’administration du Parc National, les journalistes peuvent assister et enregistrer.
Un tour de table est engagé, permettant de tirer le meilleur parti de la diversité et de la richesse des personnes présentes : couleurs politiques et syndicales multiples, députés et maires de communes de montagne, Présidents de chambre d’agriculture et éleveurs-bergers, ou encore associations d’usagers de la montagne au sens large.
Si Chantal Jouanno ne voit pas « se manifester une hostilité à l’ours dans les Pyrénées », ce n’est pas le cas de la salle. Mais en arrière plan, c’est bien de développement durable et de biodiversité dont il est question. Développement durable avec ses quatre piliers : environnemental, social, culturel et économique. L’ours n’étant qu’un tout petit phénomène au milieu du reste, pour lequel il faut choisir le moins mauvais tout en respectant l’homme. Mais au final la question est de savoir si importer des ours c’est faire de protection et du développement de la biodiversité dont c’est l’année en 2010 ?
Pour les participants c’est un nom massif. L’ours porte atteinte au pastoralisme qui, lui, permet de maintenir et développer la biodiversité en évitant l’ensauvagement et la forestation. L’ours est un facteur de régression sociale et économique, depuis il n’a jamais permis de développer le tourisme. La conclusion coule de source : il ne faut pas d’ours.

Que représentent les associations écologistes ?
Beaucoup de bruit sur certains sites Web avec souvent la même personne ayant plusieurs pseudo. Des interventions dans tous les sens manquant totalement de fond. Des manifestations peu probantes dont 6 ou 8 personnes sur le Pont de l’Alma. C’est presque ridicule. Des chiffres que Ch. Jouanno devrait méditer « avant de faire campagne sur le dos de l’ours ».
« A l’inverse, 7.000 personnes ont encore manifesté à Foix en 2009» à l’appel de la Fédération des Chasseurs de l’Ariège dont le Président et souvenons-nous avec plus de 5000 en 2006 dans les rues de Bagnères.

Le bracelet de la secrétaire d’Etat
Un murmure désapprobateur a parcouru l’assemblée lorsque Philippe Lacube, Président de l’ADDIP,  a conté comment Ch.  Jouanno s’affiche dans les médias avec un bracelet WWF  au poignet : « pour une Ministre de la République, c’est grave, pour moi on est  à la limite du prosélytisme.» Lorsqu’on sait que c’est FNE qui, pratiquement, dirige le cabinet… Plus rien n’étonne. Nous avons pu le voir à l’occasion de l’éviction de Marie-Lise Broueilh du Conseil d’Administration du Parc National. Tout à fait édifiant !


Le dépassement de la question de l’ours
L’ours n’est qu’un élément perturbateur dépassé dans la chaîne de biodiversité pyrénéenne. Il a perdu sa place. Des adaptations sans lui se sont substituées.
Le Grenelle de l’environnement précise : « La conservation de la biodiversité ne peut ainsi plus se réduire à la protection des espèces sauvages dans les réserves naturelles…//…il ne s’agit donc plus de geler une nature sauvage dans son état primitif, à l’abri des interventions humaines….//… Nos activités économiques sont incluses dans notre environnement naturel. Ceci est d’autant plus vrai en France où tous les paysages, réputés naturels ou non, sont e fruit d’une coévolution du travail de la nature et de l’homme » (Cf. rapport Groupe 2 du Grenelle de l’Environnement)
Par ailleurs, « le diagnostic partagé et orientation pour la biodiversité en Midi-Pyrénées établi pour le Conseil Régional mentionne ; « Le rôle du monde agricole et forestier dans le maintien de la biodiversité régionale est crucial… » Et de préciser : « Vu la dépendance de nombreux milieux naturels (pelouses, prairies) vis-à-vis de l’agriculture, une véritable interrogation se pose donc sur le futur de l’espace rural et de son patrimoine naturel. Ceci est particulièrement  inquiétant dans les secteurs montagneux… //… Pourtant très riches sur le plan écologique grâce aux bonnes pratiques passées et actuelles ».
Au regard de ces éléments, nous pourrions croire que l’élevage de montagne pyrénéen revêt une importance capitale pour la biodiversité. Et pourtant, d’autres voix imaginent la situation différemment. C’est le cas de l’UICN / WWF qui, dans son rapport sur le système européen d’aide à l’élevage précise que : « Si l’on met de côté le conflit entre éleveurs et grands prédateurs, la présence de troupeaux domestiques dans les zones présentant un intérêt pour la conservation de ces derniers, peut être considéré de façon positive lorsqu’elle se maintient à un niveau acceptable : elle leur fournit en fait, une source supplémentaire de subsistance ».
Ainsi donc, la vision des écologistes n’est pas d’avoir des éleveurs qui fournissent à manger aux français mais aux grands prédateurs. L’ours devient d’un intérêt supérieur à l’homme.
Une telle situation est-elle acceptable ?

Une 1ère série d’actions mise en œuvre immédiatement

En réponse aux annonces de Chantal Jouanno, Secrétaire d’Etat à l’Ecologie concernant des lâchers d’ours après les élections, l’ADDIP, coordination pyrénéenne a pris un certain nombre de décisions.
1/ Ecrire au Président de la République pour qu’il se positionne  au-dessus du champ d’influence des lobbies écologistes.
2/ Poursuivre la mise en place des panneaux « stop ours » en bordure de route dans les vallées et dans la plaine.
3/ Organiser un colloque scientifique sur le thème : « le modèle de développement durable pyrénéen ». L’objectif  est de faire valider scientifiquement le modèle de développement durable Pyrénéen, dans sa globalité : pastoralisme, production agricole, tourisme, économie, tissu social, culture, biodiversité, etc…. qui sont au carrefour des enjeux du XXIème siècle. Luchon pourrait être la ville d’accueil de ce congrès.
4/ Manifestation à Tarbes. Le 13 mars à 11h, tous les acteurs de la montagne et d’ailleurs se réuniront pour montrer la non-acceptation sociale des habitants des Pyrénées face au plan-ours, qui ne semble pas avoir été entendus à Paris. Selon les organisateurs, des précisions seront données ultérieurement. A la même date a lieu le salon agricole et l’ouverture de la pêche.

Louis Dollo

Mis en ligne mercredi 24 février 2010